Mondiaux de badminton à Paris : Mais comment on fait pour renvoyer des volants qui arrivent à plus de 400 km/h ?

De notre envoyé spécial à l’Arena porte de la Chapelle,
Il n’est pas le plus grand, ni le plus fort. Mais, quand on le voit s’élever dans les airs de l’Arena porte de la Chapelle, où se disputent les championnats du monde de badminton jusqu’à dimanche, on s’attend à tout moment à ce que Satwiksairaj Rankireddy détruise tout sur son passage avec son smash. Aligné en double, l’Indien détient le record du monde du smash le plus rapide : 565 km/h.
Oui, vous avez bien lu 565 km/h. Plus rapide qu’une Formule 1, un drive au golf ou le plus puissant des services au tennis. Presque autant que le record de vitesse du TGV (574 km/h). Si Rankireddy avait réalisé cette performance lors d’un événement spécial organisé par la marque japonaise Yonex, dans des conditions optimales, il n’est pas rare que les smashs dépassent facilement les 400 km/h en plein match, le Français Toma Jr Popov étant l’un des plus gros smasheurs du circuit.
Alors, comment font les joueurs pour rattraper ces missiles sol-air ? « Après vingt ans de pratique, on a l’habitude de voir le smash partir, explique Delphine Delrue, qualifiée pour les quarts de finale des Mondiaux en double mixte. C’est surtout le timing en défense à trouver pour pouvoir bien défendre. Du coup, c’est la répétition, les situations de match qui changent, les situations qui nous challengent, qui fait qu’on va progresser là-dessus. »
« On va manger du smash »
Pour s’habituer autant que possible aux smashs surpuissants, Julien Maio (aligné en double mixte avec Lea Palermo) met en place quelques exercices spécifiques : « On va manger du smash pour le défendre, on peut faire exprès de lober assez court et qu’il y ait une personne en face qui tape le plus fort possible pour que ça revienne encore plus vite. On peut créer cette situation-là aussi en multivolants. Le coach, volant par volant, vient taper très fort et s’avance dans le terrain pour nous mettre une énorme pression. »
Autre exercice travaillé par Alex Lanier, 7e joueur mondial : « On essaie de reproduire des situations de défense où on est plutôt en deux contre un, comme ça, il y a plus de vitesse et on a beaucoup moins d’espace. C’est ce genre d’entraînement qui permet aussi de s’habituer à la vitesse. Mais ce n’est pas seulement voir la vitesse qui est importante, mais aussi la contrôler comme il y a une notion de renvoi de volant. »
De son propre aveu, Julien Maio, tout comme Delphine Delrue ou les frères Popov, n’est « pas trop dans le côté innovation, tout ce qui est fait autour de la réalité virtuelle » qui peut être mis en place pour un travail cognitif. Pas trop de travail autour de pods lumineux, contrairement à Alex Lanier, pour améliorer les réflexes et la coordination, comme on peut le voir notamment en F1.
Un programme créé par des scientifiques à l’Insep
Mais, à l’Insep, les badistes ont trouvé encore mieux, dans le sillage du travail effectué par Claire Calmels, chercheuse en neurosciences de la performance sportive dont les spécialités sont l’entraînement perceptivo-cognitif et la perception visuelle consciente/inconsciente dans le sport de haut niveau : un programme, qui a mis quatre ans pour être au point qui se base sur le fonctionnement cérébral du cerveau pour travailler sur la prise d’infos et de décisions, et qui n’améliore pas forcément que le travail sur la réception des smashs.
Parmi les exercices effectués par Alex Lanier, racontés par un proche, une vidéo d’une action de match où sur un smash, l’écran devient noir et le Normand « doit deviner le plus rapidement où se trouve le volant. Alex fait partie des meilleurs à ce genre d’exercice. » « C’est très peu visible, mais ça améliore un petit peu notre œil et ce sont ces petits temps d’adaptation qu’on a besoin aussi dans des moments critiques ou quand on est un peu fatigué », assure l’intéressé.
« Peut-être qu’on sera moins fort physiquement, peut-être qu’on sera moins bon techniquement ou peut-être qu’on va perdre du gainage à cause de la fatigue, mais si on voit quelques millisecondes avant notre adversaire, on a un petit temps d’avance, ajoute Alex Lanier. L’enjeu, c’est vraiment d’être rapide dans notre prise de décision mais aussi d’avoir les bonnes réponses. Je pense que je me suis amélioré de base avec l’expérience et aussi à force de jouer des mecs qui jouent plus vite, notre œil s’habitue fortement. » Le notre a encore du mal à voir les volants partir de la raquette.

