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Mondial de handball : « De l’or en barre pour un entraîneur »… Le surdoué Dika Mem est de retour à point nommé

Les frères Karabatic, Valentin Porte, Elohim Prandi, sans compter les sept blessés avant même le début de la compétition… Les bobos s’accumulent au sein de l’équipe de France de hand, mais il y a peut-être un motif d’espoir à aller chercher là-dedans. Les Bleus, qui affrontent la Suède ce vendredi en demi-finale du Mondial, ont réussi à se hisser dans le dernier carré alors que leur arme numéro 1, Dika Mem, ne s’est pas encore vraiment mise en route. Blessé lui aussi, au sortir du premier match face à la Pologne, l’arrière droit du Barça n’est revenu qu’à l’occasion de la dernière rencontre du tour principal contre l’Espagne, avant de retrouver réellement sa place face aux Allemands en quarts, mercredi.

Alors que Nikola Karabatic traîne une douleur au pied, c’est le moment pour le gaucher de 25 ans d’endosser définitivement le rôle auquel on le destine depuis des années, celui de leader de la relève. Comme ses comparses Nedim Remili (27 ans) et Ludovic Fabregas (26 ans), Dika Mem fréquente les Bleus depuis longtemps maintenant. Comme il se doit au sein de la dynastie royale des Bleus du hand, il a pris sa place petit à petit, couvé par les glorieux aînés Michaël Guigou, Luc Abalo ou Cédric Sorhaindo. Champion du monde 2017 à 19 ans, il fait désormais partie de ceux qui ont « leur mot à dire et sont écoutés », vante le capitaine Luka Karabatic.

Dika Mem tout jeunot sous le maillot des Bleus, lors du championnat du monde 2017 en France.
Dika Mem tout jeunot sous le maillot des Bleus, lors du championnat du monde 2017 en France. – AFP

Plus que par la parole, c’est toutefois par son volume de jeu et son extraordinaire bras gauche que le Francilien s’est imposé. Naturellement et inéluctablement, comme partout où il est passé depuis qu’on lui a collé un ballon de hand dans les mains. L’histoire commence à être connue. A 13 ans, Dika Mem, plutôt branché foot et basket, n’avait encore jamais mis les pieds sur un terrain de hand avant d’y être traîné par un copain, sélectionné lors d’une journée de détection dans le Val-d’Oise. « On n’avait pas trouvé de gauchers, alors on a demandé aux jeunes s’ils en connaissaient qui pourraient être intéressés », rembobine Fabrice Le Roy.

C’est ainsi que l’ancien coach de Sannois-Saint-Gratien, qui participait à ces détections, a vu arriver lors de l’entraînement suivant un gamin déjà grand, costaud, avec un talent évident dans les mains, en plus de représenter l’énorme avantage d’être gaucher. « C’est difficile à décrire comme ça, mais on voyait tout de suite son aisance dans la course, son jump. Et puis il avait des savoir-faire techniques, dans le débordement par exemple, alors qu’il ne connaissait pas le hand, raconte son premier formateur. Il présentait des qualités intrinsèques qui marquent un entraîneur. »

« Mons-tru-eux »

La suite, c’est une ascension express et rarissime vers le plus haut niveau français. En l’espace de trois ans, Dika Mem intègre le pôle espoir d’Eaubonne, les équipes de France de jeunes, l’équipe première de Saint-Gratien en Nationale 1 puis celle de Tremblay-en-France, en première division. « J’avais deux gauchers, dont un international slovène. Il les a mis sur le banc de touche en quelques matchs », relève David Christmann, le coach de l’époque. Plus encore que les qualités offensives du garçon, c’est sa manière de défendre qui avait convaincu le technicien. « Il était mons-tru-eux, insiste-t-il. Une vraie perle. »

Et tout ça alors que selon les dires de l’intéressé lui-même, le hand ne l’avait pas accroché plus que ça au départ. « Je n’ai jamais senti ça chez lui, coupe Fabrice Le Roy. Mais c’est un gamin intelligent, je pense qu’il a dû sentir à un moment que c’est dans ce sport qu’il pourrait percer, qu’il avait quelque chose en plus. » Faire partie des meilleurs, au niveau départemental d’abord, puis régional, et ainsi de suite, a effectivement servi de moteur au jeune Dika.

Ado très mature pour son âge, il a découvert jeune le sens des responsabilités et les efforts à effectuer pour atteindre ses objectifs. Sollicité par tous les plus grands clubs français après avoir explosé à Saint-Gratien, il a choisi Tremblay pour l’assurance de jouer, mais aussi pour la proximité géographique, qui lui permettait de continuer à s’occuper de sa grand-mère et de son petit frère.

Référence mondiale ou non ?

« C’est un super mec, de l’or en barre pour un entraîneur, assure l’ex-coach du club francilien, aujourd’hui directeur sportif de Cesson. Il était plus fort que tout le monde sur le terrain, mais surtout, c’était un gamin qui écoutait. A cet âge-là, beaucoup font les cons. Lui était super sérieux, très pro, toujours à l’heure, dans la demande, dans l’échange. Il se détachait de tous les autres par son comportement. »

David Christmann n’aurait qu’un reproche à lui formuler, celui d’être parti après seulement un an pour Barcelone. Il aurait voulu le voir achever complètement sa formation, à Tremblay ou même dans un club plus huppé comme Montpellier, avant de filer à l’étranger. « Quand on arrive dans un grand club, on apprend beaucoup, mais il n’y a plus le temps pour les bases, estime-t-il. Chez nous il avait quelques lacunes, normales pour son âge, mais je les retrouve encore aujourd’hui quand je le vois jouer. » Par exemple, dans sa lecture du jeu et ses « relations fines » avec l’intérieur ou son ailier. « Il lui manquera toujours ce petit quelque chose pour être une référence au niveau mondial », tranche Christmann.

Emblème catalan

Heureusement pour nous, on a encore (normalement) une dizaine d’années devant nous avant de devoir réfléchir à la trace que Mem laissera dans l’histoire du jeu. Pour l’instant, le gaillard (1,94m, 104 kg) régale avec le Barça, où il est arrivé à peine majeur et dont il est en train de devenir un emblème. Grand artisan des deux dernières campagnes – victorieuses – en Ligue des champions, nommé vice-capitaine cette saison, le Français a prolongé jusqu’en 2027 dans ce club où il dit se sentir « comme à la maison ».

En Catalogne, on salue son exemplarité, sa force de travail et ses progrès constants. « C’est un joueur d’un niveau incroyable mais dont le potentiel reste énorme pour un joueur de 25 ans, souligne par téléphone son entraîneur, Carlos Ortega. Il est toujours en demande, et ça c’est très important pour un club comme le Barça car quand l’une de tes étoiles montre autant d’envie et de plaisir au quotidien, les autres n’ont d’autres choix que de suivre. »

Dika Mem à 19 ans lors d'un match de Ligue des champions avec le Barça, le 12 novembre 2016.
Dika Mem à 19 ans lors d’un match de Ligue des champions avec le Barça, le 12 novembre 2016. – SIPA

L’ancien coach de Copenhague et Hanovre, qui a pris en 2021 la suite de l’historique Xavi Pascual, connaissait le loustic de réputation. Ce qu’il a vu en arrivant l’a tout de même bluffé. Décryptage tactique :

« Pour un défenseur, c’est très compliqué de défendre sur Dika car si tu montes dessus, il est supérieur dans le un contre un et il peut te passer, mais si tu restes en retrait pour sécuriser, il est capable d’envoyer des tirs de dingue [de loin]. En plus de sauter haut, il arme très rapidement avec une puissance folle. C’est un joueur très complet. »

Auteur de cinq buts contre la Pologne avant de se blesser aux abdominaux, l’arrière droit des Bleus est apparu un peu en dedans face à l’Allemagne mercredi (3 sur 7 en 42 minutes de jeu). Pas d’inquiétude toutefois, le rendez-vous face à la Suède, championne d’Europe et vice-championne du monde en titre, chez elle à Stockholm, est du genre à réveiller la bête. « Je n’ai aucun doute, il fait partie des meilleurs joueurs au monde, pour moi c’est clair », lance son pote Yanis Lenne. On peut compter sur Dika Mem pour voir les choses en grand le soir de sa 100e sous le maillot bleu. Il s’agira ensuite de porter les Bleus vers un historique septième sacre mondial, mais pour une fois avec lui, chaque chose en son temps.