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Miss France 2026 : Le « Mana » évoqué par Hinaupoko Devèze.

Hinaupoko Devèze a été couronnée Miss France 2026 lors d’une cérémonie qui a eu lieu samedi soir. Nicolas Meylan, professeur d’Histoire des religions à l’université de Genève, a indiqué que les premières références du terme « Mana » ont été rapportées par l’explorateur James Cook lors de son deuxième voyage autour du Pacifique au XVIIIe siècle.

Miss Tahiti avait-elle un super pouvoir samedi soir ? À peine couronnée Miss France 2026, Hinaupoko Devèze a pensé à Tahiti : « J’espère pouvoir faire découvrir un petit peu mes racines. En tout cas, je les porte fièrement avec moi. C’est elles qui m’ont portée le soir de l’élection pour donner le meilleur de moi. On appelle cela le Mana, c’est la force qui vient de notre belle région, la Polynésie française. »

De nombreux spectateurs devant leur écran se sont probablement interrogés sur le sens des paroles de cette jeune femme de 23 ans. Cependant, il est possible que les meilleures mémoires se souviennent que Kauli Vaast, un autre enfant du pays, avait évoqué le Mana après avoir remporté la médaille d’or à domicile lors des Jeux olympiques de Paris de 2024 dans la discipline du surf : « Le Mana était avec moi aujourd’hui… »

Entre pouvoir et autorité

Les deux protagonistes n’entendent évidemment pas parler d’une substance dopante, ni d’une nouvelle méthode de concentration proposée sur LinkedIn. La notion de Mana est plus complexe et d’ordre spirituel.

Les premières mentions de ce terme d’origine polynésienne et mélanésienne ont été rapportées par l’explorateur James Cook, comme l’indique Nicolas Meylan, professeur d’Histoire des religions à l’université de Genève (Suisse) et auteur de Mana : A History of a Western Category : « Lors de son deuxième voyage autour du Pacifique (deuxième moitié du 18e siècle), le capitaine Cook fait référence à ce mot qu’il traduit par force, puissance ou des termes de ce type. »

Ce terme est également intégré par le missionnaire Robert H. Codrington en 1891 dans le champ de l’anthropologie culturelle. Dans une perspective animiste, le Mana sert à expliquer le principe de cause à effet, en particulier pour des événements remarquables. Si une flèche atteint son but, si un individu devient riche, etc., c’est qu’il a beaucoup de Mana.

Le dictionnaire de l’Académie tahitienne décrit le Mana comme une forme de pouvoir ou d’autorité. Cette dernière dimension apparaît un peu plus tard. « Au cours du XIXe siècle, on commence à l’associer à un vocabulaire indigène lié à la politique, le mot peut parfois désigner la souveraineté », précise Nicolas Meylan.

Une force spirituelle plus que religieuse

Une souveraineté qui pourrait émaner d’une puissance supérieure. Cela a conduit, à la fin du XIXe siècle, à une évolution de sa signification. « L’anthropologie occidentale va alors s’approprier le terme et en faire un concept générique pour appréhender le Mana en rapport avec la religion. Des notions plus proches de celles que l’on trouve en Occident et qui sont liées à “pouvoir magique”. Cependant, cette interprétation sera ensuite rejetée par une seconde vague d’anthropologues, à partir de la décolonisation, qui expliquera que cela ne fonctionne pas. »

Par la suite, selon l’historien, les significations vont osciller entre deux pôles principaux, une idée plutôt politique et une autre plus religieuse. Une spiritualité manifestée par une puissance impersonnelle.

Merahi Tepano, professeur de danse au sein de l’association de danse Tahitienne de Liffré (Ille-et-Vilaine) Hoa No Tahiti, éclaire ce sujet : « Le Mana, c’est la force spirituelle. Elle fait partie intégrante de notre culture et de notre éducation. Elle provient de la Terre mais aussi de nos ancêtres. »

« Une forme d’énergie »

Loin de correspondre à une religion au sens où on l’entend dans les sociétés occidentales, « ce n’est pas quelque chose que l’on célèbre », la Polynésienne décrit le Mana comme « une forme d’énergie », « quelque chose qui unit tout, la Terre, les personnes entre elles ». Un lien qui constitue « cette force interne que nous partageons tous et sur laquelle nous nous appuyons quotidiennement ». « Quand on parle de courage, de résilience, de force en Occident… Le Mana c’est tout cela à la fois », résume-t-elle.

Avec le temps, le terme est de plus en plus utilisé a posteriori, « comme un état de succès », ajoute Nicolas Meylan : « C’est une façon de dire que la personne qui a réussi, qui a obtenu ce qu’elle voulait, avait ce qu’il fallait pour que cela fonctionne. »

Cependant, son emploi en dehors de la Polynésie prend une tournure différente. Le terme Mana a été retiré de son contexte polynésien dans un processus d’appropriation culturelle, devenant notamment une notion courante dans la science-fiction et les jeux vidéo, comme l’ont rapporté nos confrères du Monde. Cela se transforme alors en une sorte de « super pouvoir » ou de « magie ».

Il est néanmoins clair qu’en utilisant ce terme samedi soir, Hinaupoko Devèze faisait référence à sa terre et à ses ancêtres.