Mise au vert, nutrition, gestion du stress : les joueurs d’e-sport ne sont pas sportifs comme les autres ?
En 2019, Matthieu Péché a rejoint la team Vitality en tant que manager, apportant son expérience d’ancien sportif de haut niveau. En 2025, les joueurs d’e-sport adoptent des routines qui ressemblent de plus en plus à celles des sports traditionnels, intégrant notamment des séances de méditation et de respiration.
Halte aux clichés. Le profil du gamer a changé ces dernières années, prenant aujourd’hui l’apparence d’une femme d’une quarantaine d’années. La pratique du jeu vidéo s’est globalement démocratisée, féminisée et professionnalisée avec l’émergence de l’e-sport, une discipline sportive à part entière, quoiqu’en pensent certains. Les e-sportifs s’inspirent des routines des sportifs traditionnels, tels que les footballeurs ou les rugbymen, un impératif « pour faire la différence », selon Matthieu Péché, manager de la team Vitality sur *Counter-Strike 2*.
Médaillé olympique en canoë-kayak, Matthieu Péché, qui a rejoint la team Vitality en 2019, a pu observer l’évolution de la discipline ainsi que les habitudes des joueurs, comme Dan Madesclaire (apEX) et Mathieu Herbaut (ZywOo), au cours des six dernières années. « Je suis arrivé dans leur monde. Je pensais tout changer avec mes idées extérieures, mais j’ai dû me raviser et aller à leur rythme », explique-t-il. Dans l’e-sport, les joueurs ne passent pas par des clubs ou des pôles d’espoir, ils sortent directement de leur chambre chez leurs parents. Ils n’ont pas forcément les bonnes habitudes, il a donc fallu commencer par les bases : bien manger, bien dormir et bien bouger, et instaurer des horaires.
En six ans, ces routines ont bien évolué, au point de pouvoir inspirer de nombreuses personnes. Contrairement aux idées reçues, le gamer professionnel ne reste pas statique devant son écran, se contentant de réchauffer ses pouces tout en grignotant. Bien que la discipline soit souvent critiquée pour favoriser la sédentarité, Matthieu Péché met en avant l’importance de faire bouger les joueurs. « Tous les matins, il y a une mise au vert. On fait une balade d’au moins 30 minutes, qui peut être accompagnée d’autres activités, avant de commencer la théorie puis les entraînements dans l’après-midi ». Bien qu’il précise qu’il ne cherche pas des joueurs avec des abdos en béton, il peut leur demander de courir ou de réaliser un certain nombre de pas quotidiennement pour s’oxygéner.
« Certains de mes joueurs sont maintenant éveillés au sport traditionnel et suivent leur propre programme, qu’ils courent, jouent au paddle ou fassent de la musculation », souligne-t-il.
Concernant la nutrition, le défi est plus délicat, en raison de l’absence d’encadrement quotidien, mais cela ne reste pas insurmontable. Contrairement aux autres sportifs de haut niveau, les joueurs d’e-sport ne disposent pas de centre d’entraînement et rentrent chez eux après les tournois. Cette situation complique l’adoption de bonnes habitudes alimentaires, du moins de manière pérenne. Néanmoins, le manager leur prodigue des conseils quotidiens, les encourageant à maintenir une alimentation variée. « Ils sont conscients que la nourriture est un carburant, qu’ils ont besoin de bien manger pour être performants ». Les horaires des repas sont également cruciaux. « Si on a un match à 13 heures, on ne mange pas à midi mais au moins trois heures avant, ou on fait un gros petit-déjeuner et des en-cas entre les maps », détaille le manager.
En 2025, les joueurs d’e-sport ne se contentent plus d’appliquer les bases, mais poussent toujours plus loin leurs routines, qui ressemblent de plus en plus à celles des sports traditionnels. Par exemple, la gestion du stress passe par des séances de méditation et des exercices de respiration. Les jours de match, les joueurs marchent environ trente minutes, puis s’échauffent avec des jeux spécifiques avant la préparation, alliant stratégie et entraînement individuel. « C’est comme dans le sport traditionnel. Moi, je retardais le moment où j’allais mettre ma pagaie dans l’eau car c’est là que je savais si j’étais en forme ou pas. C’est la même chose dans l’e-sport », souligne Matthieu Péché.
Dans cette optique, l’équipe a désormais mis en place un « stretching club » avec trente minutes d’étirements chaque soir. Au-delà de l’activité physique, cela vise à créer des moments informels pour échanger sur différents sujets, sans pression. En plus des aspects liés au sport, à la nutrition et à la gestion du stress, des routines sont mises en place pour s’adapter aux décalages horaires ou gérer d’éventuels problèmes liés à la posture des gamers. Ces détails pourraient, à terme, faire la différence. « Les routines du sport traditionnel arrivent progressivement dans le monde de l’e-sport. Ça prend du temps, mais on y arrive. Aujourd’hui, l’écart est tellement réduit entre les équipes qu’il faudra bientôt chercher la différence dans ces détails », conclut l’ancien sportif de haut niveau.

