Meurtre de Lola : Dahbia Benkired affirme avoir pris trois Lyrica
Karim B. a croisé Dahbia Benkired le 14 octobre 2022, dans les heures qui ont suivi le meurtre de Lola, 12 ans. Rachid N., 46 ans, était au volant du véhicule dans lequel Dahbia Benkired est montée avec sa malle et ses deux valises.
L’un s’est montré curieux, l’autre pas assez. Le 14 octobre 2022, deux hommes ont croisé la route de Dahbia Benkired, peu après le meurtre de Lola, une fille de 12 ans. Le premier, Karim B., 32 ans, qui se rappelle avoir rencontré l’accusée lors d’un « vendredi normal », alors qu’il s’apprêtait à partir en vacances. La jeune femme, qu’il vient de croiser dans la rue, lui demande de l’aider à transporter ses valises et une grande malle qui, lui est inconnu, renferme le corps de la préadolescente. « J’ai des choses intéressantes à vendre », lui explique ensuite Dahbia Benkired. « Il y a beaucoup de gens qui vendent des choses dans ce quartier, tout et n’importe quoi », a-t-il témoigné ce lundi devant la cour d’assises. La vendeuse, pour sa part, reste « évasive ».
Dans son esprit, Karim B. envisageait peut-être des « électroménagers » ou un lot de « rasoirs ». Voyant cette proposition comme une occasion de gagner de l’argent, il suggère d’en discuter dans un café à proximité, Le Rallye. « Je m’installe, elle s’installe. » Il lui demande ce que contient cette lourde malle, si difficile à transporter. « Elle me dit : « regarde par toi-même ». » Devant la bizarrerie de la situation, il enfonce sa main dans sa manche, soulève le couvercle de la caisse et est immédiatement frappé par « une forte odeur de javel ». Il remarque « une couverture » et dépeint ce qui lui semble être « une tache de sang effacé ». « Pas par curiosité, pour savoir si c’est dur ou pas dur, j’ai touché. J’ai senti un truc un peu mou », ajoute-t-il, précisant avoir pensé, « bien après », qu’il pouvait s’agir d’une « épaule ».
Sur le moment, Karim B. est « choqué ». Préférant partir, il laisse “cette personne qui n’est pas bien dans sa tête”, qu’il trouve « folle ». « J’avais l’impression qu’elle était là physiquement, mais mentalement elle n’était pas là, déconnectée. » Ce regard « froid » lui a donné « des frissons ». Il s’est ensuite rendu dans un autre bar, où il raconte à des amis son étrange rencontre, tentant de se rassurer en affirmant qu’il regardait « trop de films ». En voyant Dahbia Benkired monter dans une voiture avec ses affaires, il prend le réflexe de la photographier. Plus tard, il apprend via les réseaux sociaux la disparition de Lola et se rend à l’immeuble où vit Lola avec sa famille. Il signale aux policiers avoir « des informations » concernant l’affaire. « C’est vraiment grâce à vous » que l’accusée a été interpellée, souligne le président de la cour.
Le magistrat invite Dahbia Benkired à réagir. Une nouvelle fois, elle donne des explications qu’elle n’a jamais évoquées lors de l’instruction, insinuant que c’est Karim B. qui l’aurait abordée pour proposer de l’argent en échange d’une relation sexuelle. Selon elle, c’est lui qui aurait insisté pour découvrir ce qu’il y avait dans la malle. « C’est n’importe quoi », lâche le témoin. « C’est improbable, impossible. Je suis marié, il n’y a pas de truc comme ça. » « Ça, vous n’en avez jamais parlé. Je découvre cette histoire », souffle le président. « C’est la vérité », soutient l’Algérienne.
Après une courte suspension d’audience, Rachid N., 46 ans, s’avance vers la barre. Le crâne rasé, avec un sweat à capuche noir et un jean bleu, il a conduit Dahbia Benkired avec sa malle et ses valises. Il a rencontré l’accusée en 2019, lorsqu’elle travaillait dans un bar appartenant à son cousin. Étant donné qu’elle était « un peu à la rue », il l’a invitée à passer une nuit chez lui et ils ont « flirté très légèrement ». « Il n’y a pas eu de suite », précise-t-il. Le jour des faits, elle le contacte pour qu’il vienne la chercher à l’intérieur du 19e arrondissement. Elle lui dit s’être « disputée avec sa sœur qui l’a mise à la porte ». Ils se rendent chez lui, à Asnières, dans les Hauts-de-Seine.
Le témoin, qui ne semble pas vouloir se poser trop de questions, affirme n’avoir « rien senti de particulier » durant le transport. « À aucun moment elle m’a parlé de ce qu’il y avait ou de ce qu’elle avait fait », déclare celui qui a été mis en examen pour recel de cadavre mais a bénéficié d’un non-lieu. « On parlait travail, elle voulait vraiment trouver un travail stable. Je lui ai donné quelques conseils. On a parlé de tout et de rien. » D’après lui, Dahbia Benkired n’était « ni agitée, ni euphorique, comme d’habitude ». Une fois chez lui, il la laisse pendant qu’elle prend une douche et se rend chez l’épicier acheter de la vodka et des préservatifs « au cas où ».
Plus tard dans la soirée, après avoir dîné dans un fast-food, elle aurait exprimé son souhait de retourner chez sa sœur, à Paris. « A posteriori, on peut dire que vous n’avez pas été très curieux », observe le président. « Je le regrette encore, affirme le témoin. Mais je n’avais pas de raison d’être curieux à ce moment-là. » Le magistrat propose une fois de plus à l’accusée de réagir à ce témoignage. « Je souhaite vous dire que je lui ai dit dans la voiture qu’il y avait un corps dedans », déclare-t-elle. « A-t-il fait autre chose ? » lui demande le juge. « Non, je ne l’ai pas vu en tout cas », répond-elle. Les médecins qui ont examiné le corps de Lola ont déclaré plus tôt dans la matinée que la jeune fille avait été abusée sexuellement par « pénétration ». « Si ce n’est pas moi, c’est qui ? » s’interroge Dahbia Benkired. « C’est la question qu’on se pose. »
Dahbia Benkired prend ensuite la parole, affirmant avoir pris, la veille des faits, « trois Lyrica », un médicament prescrit pour certaines formes d’épilepsie. « C’est ça qui m’a mise dans cet état. Le lendemain, j’ai pété un plomb. » Le président s’interroge alors. « Pourquoi n’aviez-vous jamais dit que vous en preniez ? » « Parce que j’avais peur », soutient-elle, expliquant qu’elle en consommait pour se sentir « plus à l’aise » lorsqu’elle se prostituait. « J’étais dans le mal, j’étais pas bien, j’avais juste envie de faire du mal à Moustapha », l’un de ses anciens compagnons.
– Le lendemain, j’ai pété un plomb.
– Vous êtes en train de nous dire que ce sont les 3 comprimés de Lyrica qui…
– Oui.
– Vous ne l’aviez jamais dit avant. En quoi cela peut-il expliquer ce que vous avez fait à Lola ?
– Je ne sais pas, je n’étais pas moi-même.
Le procès se poursuivra mardi avec l’audition d’autres témoins. Le verdict est attendu le 24 octobre. L’accusée encourt la réclusion criminelle à perpétuité.

