France

#MeTooEcole : « La Mairie de Paris ne doit pas étouffer les affaires de violence »

Le collectif #MeTooEcole, formé suite aux révélations d’agressions sexuelles dans le 11e et 12e arrondissement de Paris, a diffusé une pétition le 20 novembre dernier qui a recueilli plus de 20.000 signatures. Actuellement, soixante enquêtes sont en cours à Paris pour des violences sexuelles à l’école, majoritairement impliquant des animateurs.


Plus de 20 000 signataires et une ambition : lutter contre les violences dans les établissements scolaires. Le collectif #MeTooEcole, qui se présente sur son site comme un « mouvement citoyen apolitique », a vu le jour à la suite des révélations d’agressions sexuelles et de viols sur des élèves, impliquant des enseignants et des animateurs périscolaires, dans des écoles des 11e et 12e arrondissements de Paris, dès le mois d’avril. Leur pétition, lancée le 20 novembre dernier, a recueilli plus de 20 000 signatures, amplifiant la colère des parents face à des incidents qui se multiplient à travers la France. Ces parents se sentent démunis devant une administration qui minimise, voire étouffe, ces scandales. 20 Minutes a rencontré deux membres de #MeTooEcole, Magalie (prénom modifié) et Barka.

Comment est né MeTooEcole ?

Magalie : #MeTooEcole est né suite à des affaires dans le 11e arrondissement, mais nous avons rapidement réalisé que c’était un problème national. Notre collectif est né d’une urgence : celle de faire entendre la voix des enfants victimes de violences, qu’elles soient physiques, verbales ou sexuelles. Quand un enfant est concerné, on découvre l’omerta de tous les acteurs, de l’Éducation nationale aux mairies. Les enfants ne sont pas écoutés et sont souvent renvoyés à l’école.

Barka : Quand vous déposez votre enfant le matin, vous n’imaginez pas qu’il risque de traverser un environnement dangereux. Tout s’effondre autour de vous.

Combien de membres actifs et actives êtes-vous, s’agit-il surtout de Parisiens et Parisiennes ?

Magalie : Nous sommes plusieurs dizaines au cœur du collectif, principalement basés à Paris. Cependant, nous recevons de nombreuses propositions d’aide de la part de parents, d’avocats et de professionnels de santé provenant de toute la France.

Barka : Chaque jour, nous recevons des messages d’adultes souhaitant nous soutenir ou nous aider, sans oublier les signalements concernant des faits qui se produisent à travers le pays, quotidiennement.

Quel était votre but en créant ce mouvement ? Que demandez-vous ?

Magalie : #MeTooEcole est la structure qui nous manquait en tant que parents d’enfants victimes. L’école ne nous soutient pas ; au mieux, elle met en place une cellule psychologique et lance une enquête administrative, mais les parents doivent naviguer seuls dans le système éducatif et briser une forme d’omerta. Nous voulons dénoncer un problème qui a longtemps été caché et que chaque parti politique et chaque élu doit prendre en compte.

Barka : Il est essentiel d’établir un protocole clair. Que doivent faire les personnels lorsque l’enfant se confie ? Comment recueillir ce témoignage ? Comment accompagner et protéger l’enfant ? Nous souhaitons également la création d’un observatoire indépendant chargé des signalements.

Magalie : Un audit indépendant sur les écoles est nécessaire, ainsi qu’une commission parlementaire abordant tous ces problèmes, en plus de la commission d’enquête sur Betharram, qui n’a pas vraiment exploré le périscolaire.

Dans le périscolaire, il existe un problème de précarité des agents, avec un important turn-over qui complique leur formation. Avez-vous identifié ce problème ?

Barka : Oui, et plus largement, les métiers de l’éducation, comme celui d’enseignant, ne sont plus valorisés. Les enseignants et les animateurs ne sont ni suffisamment rémunérés ni correctement formés à la détection et à l’écoute.

Magalie : Tous les agents du périscolaire doivent être formés, y compris ceux déjà en fonction. Le temps de travail des animateurs est éclaté. Après la réforme des rythmes scolaires de 2013, les communes ont dû recruter massivement sans préparation adéquate. À Paris, les « temps d’accueil périscolaires » sont appelés « Tap », un terme qui porte à confusion. Le Bafa n’est pas un diplôme professionnel approprié, c’est un brevet pour encadrer des enfants de manière occasionnelle. C’est clairement insuffisant.

Dans de nombreux cas de violence sur mineurs, les faits subis par les victimes sont minimisés par les institutions. Pourquoi, selon vous ?

Magalie : Parce que la parole des enfants n’est pas prise en compte. L’affaire d’Outreau a sans doute amplifié ce phénomène. Les enfants sont les citoyens de demain. Pour réduire le harcèlement moral ou sexuel dans les entreprises, il faut arrêter de tolérer les agressions dès leur plus jeune âge.

Vous avez écrit une lettre à Emmanuel Macron et son épouse. Avez-vous eu une réponse ou une promesse de rendez-vous ?

Barka : Non, rien, mais d’autres partis politiques nous ont contactés suite à l’envoi de cette lettre.

Soixante enquêtes sont actuellement menées à Paris pour des violences sexuelles à l’école, majoritairement impliquant des animateurs. Y a-t-il quelque chose de particulièrement dysfonctionnel dans la capitale ?

Barka : Nous pensions que c’était un problème spécifique à Paris, mais en réalité, cela se produit partout en France.

Magalie : Dans les petites villes, les maires ont davantage de pouvoir. Ce qu’on reproche à Paris, c’est qu’un rapport de l’inspection générale en 2015 a déjà pointé tous les dysfonctionnements, mais aucune action n’a été entreprise depuis.

Patrick Bloche, premier adjoint d’Anne Hidalgo, a annoncé la création d’un poste de Défenseur des enfants à Paris, ainsi qu’une adresse e-mail dédiée aux signalements, une commission de suivi et le lancement de neuf enquêtes administratives, prévoyant « des sanctions disciplinaires à tous les niveaux ». Est-ce suffisant pour vous ?

Barka : Parler de sanctions est le minimum. Mais pourquoi ne pas avoir réagi plus tôt ? Il est trop facile de prendre la parole maintenant alors que le mal est déjà fait. Nos enfants ne devraient pas être des « crash tests », ce n’est pas normal de ne pas avoir pris ces mesures plus tôt.

Magalie : Les témoignages que nous recevons indiquent que la mairie de Paris a étouffé pendant trop longtemps les cas de violence contre les enfants à l’école. De plus, nous remettons en question la pertinence de créer un poste de Défenseur des enfants à Paris, alors qu’il en existe déjà un au niveau national. Mieux vaudrait renforcer les moyens de ce défenseur national. Enfin, Dominique Versini, qui occupera ce poste, a été adjointe d’Anne Hidalgo en charge des droits de l’enfant, et n’a pas agi contre les agressions sexuelles et les violences dans les écoles. Si elle est saisie pour des faits en cours d’instruction, commencés durant son précédent mandat, cela soulève un conflit d’intérêts.