France

« Mes doigts sont comme morts »… En quoi consiste la maladie de Raynaud ?

Des doigts tout blancs, comme morts, puis violets et douloureux. Ce curieux phénomène, parfois très impressionnant, a un nom : la maladie de Raynaud. Ce trouble de la circulation sanguine se caractérise par un rétrécissement temporaire, plus que la normale, des petites artères, en général celles des doigts ou des orteils, en réponse au froid. Il toucherait 7 % de la population*, en particulier des femmes jeunes et minces.

« Quand il fait froid, même un froid modéré, et même avec des gants, je ne sens plus un à deux doigts qui deviennent blancs et qui sont comme morts, explique Monique, 72 ans. C’est gênant et désagréable, mais pas forcément douloureux. » Laura, 34 ans, ressent, elle, cette gêne sur tous les doigts de ses mains, excepté ses pouces. « Quand ça commence, je ne peux plus du tout bouger mes doigts. Au ski, je suis incapable d’enlever mes moufles par exemple et quand je joue de la contrebasse, je mets une vingtaine de minutes avant de pouvoir jouer correctement. »

Comment l’expliquer ?

« Quand le corps ressent le froid au niveau central, vers le thorax, nos vaisseaux vont se constricter, se réduire de taille, et empêcher le sang d’aller aux extrémités pour ne pas perdre la chaleur », explique Jean-Dominique Allart, médecin vasculaire et vice-président de la Société française de phlébologie. « Quand on n’a plus de sang dans une extrémité, le doigt devient tout blanc », ajoute le professeur Ygal Benhamou, chef de service de médecine interne et vasculaire au CHU de Rouen. Il devient alors insensible. « Après, le peu de sang qu’il y a va perdre son oxygène, d’où la couleur bleue, comme une viande hachée qui resterait deux jours au frigo. »

Pour éviter de perdre définitivement ses doigts, un mécanisme de contrôle se met alors en place. « D’un coup, les vaisseaux vont s’ouvrir et beaucoup de sang va arriver dans le doigt », poursuit le professeur Benhamou. Il devient alors rouge et la sensation peut être douloureuse. « Les gens expliquent que ça les brûle, les gratte. » Si ce phénomène survient normalement lors d’exposition à des températures descendant à -10 ou -15 °C, chez les malades de Raynaud, il peut se déclencher à des températures positives. « Du moment qu’il y a de l’humidité un peu froide », précise le docteur Allart. « On observe surtout cette maladie chez des femmes minces, car le gras sous cutané fait office d’isolant. »

Est-ce grave ?

Si la maladie de Raynaud n’est pas grave en soi, le phénomène ou syndrome de Raynaud est lui, plus problématique. La première, décrite par Laura et Monique, apparaît souvent à l’adolescence ou au début de l’âge adulte, touche très majoritairement des femmes et concerne leurs deux mains et parfois leurs pieds. Le second, visant autant les hommes que les femmes, survient plus tardivement, souvent après 45 ans. Il touche une seule main, mais aussi le nez ou encore les lèvres.

« Dans le syndrome de Raynaud, on observe les mêmes couleurs mais, contrairement à la maladie de Raynaud, c’est le vaisseau sanguin qui est malade, et non la commande », résume Ygal Benhamou. Ces anomalies du vaisseau peuvent s’expliquer par certaines pathologies, notamment immunologiques, comme la sclérodermie, ou des cancers. « Le phénomène de Raynaud donne souvent lieu à des formes plus graves avec des complications, comme des engelures ou des gelures », poursuit le vice-président de la Société française de phlébologie.

Comment lutter contre ?

Si la maladie disparaît parfois après quelques années, notamment à la suite d’une prise de poids, elle reste parfois à vie. Mais il existe plusieurs solutions pour tenter d’en limiter les symptômes. Premier conseil logique : se couvrir. Mais pas seulement les mains. « C’est lorsque notre corps sent qu’on a froid que le phénomène se déclenche donc il faut être tout le temps très couvert, surtout au niveau du thorax, du cou et de la tête », énumère le docteur Allart. Exit les petites socquettes ou les Converse en toile en plein hiver.

Autre petit tip : mettre ses gants avant de fermer la porte « sinon le mécanisme est déjà lancé ». Protéger ses mains avec un corps gras peut aussi permettre de diminuer ses crises. Enfin, certains médicaments, comme des bêtabloquants pour diminuer les migraines, peuvent accentuer le mécanisme en raison de leur fonction vasoconstrictrice. « C’est la même chose pour le tabac ou certaines substances comme la cocaïne », poursuit le professeur Benhamou.

Mais si, malgré ces précautions, les symptômes restent très handicapants, douloureux et fréquents, des médicaments peuvent être prescrits. « Je les prescris notamment à des patientes qui sont fleuristes, qui utilisent leurs mains et qui travaillent dans le froid », précise le médecin. Ces médicaments, des vasodilatateurs, vont dilater les vaisseaux. Un traitement qui peut toutefois faire baisser la tension.

Monique et Laura ont, elles, chacune leur technique. « Je masse doucement mes doigts et en une vingtaine de minutes environ, la chaleur revient », témoigne Monique. Laura, kiné de la main et contrebassiste, s’est inspirée de sa propre expérience pour rédiger son mémoire. Le thème : proposer une série d’exercices visant à diminuer les symptômes liés au froid dans la main du musicien.