Mercosur : La France demande un report du vote européen.
La Commission européenne a répété ce lundi son souhait de signer l’accord de libre-échange avec le Mercosur dans les prochains jours. La France a posé deux exigences : l’accord doit être accompagné de clauses de sauvegarde pour protéger « les filières de production agricole de toute perturbation de marché ».
Dans la dernière phase des négociations, les tensions s’intensifient entre Bruxelles et Paris. Ce lundi, la Commission européenne a réaffirmé son intention de conclure l’accord de libre-échange avec le Mercosur dans les jours à venir. Ursula von der Leyen espère obtenir l’approbation de ce traité commercial avec l’Amérique latine samedi, lors du sommet du Mercosur à Foz do Iguaçu, au Brésil. Toutefois, la présidente de la Commission doit d’abord obtenir le soutien des États européens. La France, quant à elle, cherche à retarder le vote jusqu’à l’année prochaine. Pourquoi adopter une telle approche ? Voici les points importants.
### De quoi s’agit-il ?
Négocié depuis plus de vingt ans avec les pays du Mercosur (abréviation du « marché commun du sud » regroupant l’Argentine, le Brésil, l’Uruguay, le Paraguay et la Bolivie), cet accord ambitieux pourrait être l’un des plus significatifs établis par l’Union européenne. Il créerait un marché commun de 722 millions d’habitants, permettant aux Européens d’exporter davantage de voitures, de machines, de vins, etc. En contrepartie, il faciliterait l’importation en Europe de bœuf, de volaille, de sucre ou de miel.
Cependant, pour éviter une « concurrence déloyale » avec ces pays, le gouvernement français exige l’ajout de mesures de protection à l’accord. « À ce stade, le compte n’y est pas pour protéger les agriculteurs français. Les exigences françaises n’ont pas été remplies », a déclaré dimanche soir l’entourage d’Emmanuel Macron.
### Que demande la France ?
La France a formulé deux exigences : l’accord doit être assorti de clauses de sauvegarde pour protéger « les filières de production agricole de toute perturbation de marché » ; ainsi que des « mesures-miroir, notamment sur les pesticides et l’alimentation animale, afin que les produits importés entrants sur le marché intérieur respectent impérativement les normes environnementales », a souligné Matignon.
« L’idée est que les produits importés respectent les mêmes règles. L’accord Mercosur ne doit être signé que si ces deux conditions sont bien prises en compte, la position de la France est ferme. Sinon, les négociations continueront », affirme Fabienne Keller, députée européenne Renew (Renaissance). Ce mardi, au Parlement européen, les eurodéputés examineront notamment les mesures de « sauvegarde » destinées à rassurer les agriculteurs et à répondre aux préoccupations françaises.
« Les mesures dont on parle, c’est ce que pourrait faire la Commission éventuellement pour dédommager des agriculteurs défavorisés… C’est du vent. En réalité, l’accord est déjà scellé et on ne peut modifier le contenu », s’insurge David Cormand, eurodéputé écologiste. « C’est du baratin car l’UE n’a pas envie de payer pour les agriculteurs français qui, une fois encore, seront sacrifiés pour mieux enrichir les géants de l’agrochimie », ajoute l’ancien président d’EELV.
### Emmanuel Macron veut-il vraiment s’y opposer ?
Les critiques à l’égard d’Emmanuel Macron portent sur ses positions changeantes concernant le Mercosur. Initialement plutôt favorable à son arrivée au pouvoir, le président français a ensuite durci son discours, le qualifiant même de « très mauvais » en mars 2024. Cependant, en novembre dernier, il avait surpris et agacé les agriculteurs en se déclarant « plutôt positif » sur la possibilité de ratifier l’accord commercial. « Nous devons savoir où le chef de l’État veut mener la France. Il est donc nécessaire de clarifier sa position, d’éviter l’ambiguïté », a dénoncé ce lundi Bruno Retailleau, président des Républicains. « Le président a toujours été ferme sur le Mercosur, en exigeant des garanties sur les clauses de sauvegarde et clauses-miroirs, même si une phrase a pu être mal interprétée », déclare Fabienne Keller.
Certains accusent le président de naviguer entre des positions opposées afin d’apaiser la colère des agriculteurs. Depuis plusieurs semaines, ces derniers intensifient leurs actions pour critiquer la gestion gouvernementale de la dermatose nodulaire contagieuse (DNC), notamment l’abattage systématique des troupeaux touchés. « Ajouter la validation du Mercosur dans ce contexte était compliqué », ironise David Cormand. « Le problème est que, par ses variations sur le Mercosur, la France n’a pas mené un véritable combat en Europe et n’a pas réussi à établir une coalition d’opposition », regrette l’élu écologiste.
Alors qu’une forte mobilisation agricole est attendue cette semaine contre le Mercosur, la Commission a rejeté la demande française de report du vote des États membres, prévu mercredi ou vendredi. « Il est normal que la pression monte, nous sommes dans une semaine décisive », affirme Fabienne Keller. Bien que la France s’y oppose, elle n’est pas certaine de pouvoir empêcher la signature du traité. Une simple majorité qualifiée pourrait suffire à l’adopter, au risque d’ouvrir une nouvelle crise au sein de l’Union européenne.

