Mayotte : Est-il possible d’interdire les bidonvilles ?
Mayotte, l’île française ravagée par le cyclone Chido n’a pas vocation à devenir « une île bidonville », « dangereuse et indigne ». C’est ce qu’a affirmé François Bayrou, Premier ministre, lors de sa visite à La Réunion ce mardi. « On va évidemment intervenir », s’est-il engagé, rejoignant le maire de Mamoudzou, principale commune de Mayotte. Celui-ci déclarait qu’« il était impératif de démanteler ces zones pour restaurer la dignité et la sécurité des habitants ». Mais est-ce possible d’interdire ces bidonvilles ? 20 Minutes a recueilli l’analyse de Pierre Mathiot, politologue français et ancien directeur de l’Institut d’études politiques de Lille.
Les bidonvilles peuvent-ils être interdits à Mayotte ?
Les bidonvilles n’ont aucun statut juridique, ils sont interdits mais subsistent parce que les pouvoirs publics les tolèrent. Leur interdiction pourrait se justifier par des raisons de sécurité, car ils ne respectent pas les conditions habituelles du bâti. Cependant, leur démantèlement, comme cela a été le cas lors des opérations Wambushu depuis 2023, soulève le problème du relogement des milliers de personnes qui y vivent, dont beaucoup sont sans papiers et ne disposent d’aucune solution de rechange. Les pouvoirs publics préfèrent donc souvent tolérer les bidonvilles comme un ‘moindre mal’, faute de solutions immédiates et efficaces pour régler les causes profondes.
Sur le plan juridique, quelles sont les contraintes ?
Les expulsions des bidonvilles ne sont pas forcées dès lors que ces bidonvilles n’ont aucune existence légale mais relèvent de la tolérance. Cependant, une obligation de relogement existe pour certaines catégories de personnes, notamment les nationaux, les étrangers titulaires d’un titre de séjour ou ceux dont la situation administrative est en cours de traitement. À Mayotte, la majorité des habitants des bidonvilles étant sans papiers ou déboutés du droit d’asile, ils ne peuvent pas prétendre à cette protection. Cette situation soulève des interrogations en matière de droits de l’homme, car les personnes en situation irrégulière ont droit à une dignité minimale. Les pouvoirs publics semblent donc tolérer ces constructions par défaut, sachant qu’ils ne sont pas en mesure de les expulser, notamment en raison du refus des Comores de les accueillir.
Quelles solutions pour résoudre durablement le problème ?
Un gouvernement peut détruire ce qui a été construit illégalement, mais les enjeux sont politiques : opposition violente, incapacité à reloger donc déplacement du problème…
Pour régler le problème, il faudrait les remplacer par des vraies constructions, ce qui est très onéreux, prend beaucoup de temps et une fois de plus ne pourrait bénéficier qu’à des ressortissants ou des « réguliers ».