Martin Parr : un ami parle de son usage du flash
Martin Parr est décédé le 7 décembre à l’âge de 73 ans. Lee Shulman a évoqué la mémoire de Martin Parr dans une interview avec 20 Minutes.
Les plaisanteries sont terminées. Le photographe britannique Martin Parr est décédé le 7 décembre à l’âge de 73 ans. Ses photographies de compatriotes, souvent divertissantes (mais parfois controversées), se distinguent par une signature reconnaissable, avec des couleurs vives et des gros plans. Lee Shulman, réalisateur du documentaire I Am Martin Parr, disponible en replay sur France.TV et ami du photographe décédé, évoque pour 20 Minutes le souvenir de Martin Parr.

Quelles sont les dernières photos que Martin Parr aurait pu prendre ?
Il était toujours en train de faire des choses amusantes et ne cessait jamais de photographier. Cet été, nous sommes partis en vacances ensemble à Tenby, une station balnéaire au Pays de Galles, où il possédait une petite maison en bord de mer. Nous allions photographier sur les plages. Il vivait pour la photographie du matin au soir !
De retour à la maison, nous regardions nos images ensemble, comme deux enfants. Nous avions tous deux l’intention de publier un livre en lien avec le travail sur The Anonymous Project, uniquement avec d’anciennes photos anglaises. Martin travaillait avec moi sur la sélection des images. Il était actif jusqu’à la fin. Je suis certain que des projets autour de son œuvre vont émerger.
Essayiez-vous de l’imiter lors de vos séances photo ensemble ?
Non… surtout pour éviter que les gens ne disent que mes photos ressemblent aux siennes ! Récemment, il se déplaçait avec un déambulateur et utilisait un objectif à longue focale pour se « rapprocher » de ses sujets. Lorsque nous sortions ensemble, moi, je prenais un objectif à courte focale pour être plus près des gens. Il faut reconnaître que lorsque l’on regarde aujourd’hui des photos de plage, peu importe leur origine, toutes évoquent Martin Parr.
Il a tellement influencé le langage visuel de la photographie que son nom, « Martin Parr », est presque devenu un adjectif pour décrire certaines images : « c’est très Martin Parr » ! Nous pouvons tous photographier comme Martin, mais peut-être n’avons-nous pas le même message. C’est ça qui change tout.
Quelles étaient ses méthodes ? Comment photographier comme Martin Parr ?
J’ai essayé de les appliquer dans le film I Am Martin Parr que j’ai réalisé avec lui. Lorsque je vois des gens prendre en photo d’autres personnes, ils prennent souvent de la distance ou font un pas en arrière avant de déclencher. Moi, je leur dis : faites un pas en avant, approchez-vous de votre sujet. C’est très difficile, il faut être très courageux pour s’approcher d’une personne et lui dire, par exemple : « j’adore votre cravate, puis-je vous photographier ? ». Il ne faut pas « voler » la photo. Martin s’approchait des gens, établissait une relation avec ses sujets, était présent avec eux, sans forcément discuter. Il n’avait pas peur et c’était incroyable. Il pouvait se rapprocher à 50 cm d’une personne pour la photographier.
Avec quel appareil photographiait-il récemment ?
Ce qui était formidable, c’est qu’il se moquait de son boîtier ! Il avait un vieux Canon 5D avec un mauvais flash qu’il appréciait. Il utilisait souvent son flash, car il ne voulait pas attendre la belle lumière. Il voulait photographier toute la journée, du matin au soir. C’était devenu sa technique.

Cependant, Martin était un grand travailleur. Il voulait prendre des photos en permanence. À la fin, il me disait modestement : « cette année, j’ai dû prendre huit bonnes photos », alors qu’il en avait réalisé des milliers. Il était sévère avec lui-même, ainsi qu’avec les autres.
Utilisait-il aussi un smartphone pour photographier ?
Oui ! Il adorait cela. Nous en rigolions, car à côté des discussions techniques sur les appareils photo analogiques, nous étions contents de pouvoir travailler avec du numérique, sans chimie et avec une simplicité d’utilisation. Tout ce qui aidait à capturer des images était fantastique pour lui. Il aimait l’idée qu’avec le numérique, la photographie s’était largement démocratisée. Bien que devenir un bon photographe soit compliqué, tout le monde peut photographier avec du numérique.
Faisait-il des retouches ?
Très peu. Il recadrait, mais ce n’était pas un photographe qui faisait des retouches. Il appréciait les imperfections dans les images, ce qui lui valait d’ailleurs des critiques fréquentes.
Sa façon de photographier avait-elle un aspect moqueur ?
C’est l’une des raisons pour lesquelles j’ai réalisé ce film avec lui : comprendre sa démarche exacte. Or, il s’avère que Martin ne se moquait pas. Au contraire, il était personnellement et humainement proche de ses sujets. Il les aimait énormément. Ses photos racontent une histoire d’amour personnelle avec le peuple. Il n’y avait pas de moquerie dans son propos.
Il souhaitait simplement montrer le monde tel qu’il est : drôle, absurde, crazy. Montrer des aspects que les gens n’ont pas l’habitude de regarder. Montrer le monde comme il est, et non comme on voudrait qu’il soit. Martin me répétait toujours : « je n’invente pas ces scènes, ces scènes existent ». C’est aussi la raison pour laquelle certains peuvent être dérangés par certaines de ses images qui révèlent également le pire de l’humanité.

