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Marseille : « Nous ne paierons pas »… Des locataires de cité HLM alertent sur le prix du chauffage

Le courrier est tombé mardi dernier dans les boîtes aux lettres, et les premières quittances arrivent depuis, toutes réévaluées. « Mon loyer passe de 590 à 710 euros, soit 120 euros d’augmentation », souffle Stéphanie, 39 ans, habitante d’une résidence HLM dans le 10e arrondissement de Marseille. Et pour cause : le bailleur social, Habitat Marseille Provence, provisionne pour 2023 de nouvelles charges mensuelles pour le chauffage collectif. « J’ai supprimé des abonnements pour mes enfants, descendu les forfaits téléphoniques, et on va passer aux pâtes chinoises, je n’ai pas le choix », confie cette mère de famille, agent technique à la ville de Marseille.

Rachid, demandeur d’emploi de 63 ans, habite lui dans le 13e arrondissement. Pour son logement, l’augmentation des charges mensuelles est de 135 euros. « On économise sur tout, la nourriture, les loisirs, et les déplacements en voiture », énumère-t-il. Henri lui est retraité, et de son propre aveu « il n’a pas à se plaindre » : les 68,56 euros mensuels supplémentaires que lui demande le bailleur social pour le chauffage collectif, il va pouvoir les assumer. Mais il a fait le déplacement ce vendredi matin au centre social de Frais Vallon, dans les quartiers nord, où plusieurs associations de locataires sonnent l’heure de la mobilisation.

« Nous ne paierons pas l’augmentation de charges de chauffage imposée par Habitat Marseille Provence », clame le collectif d’associations, qui entend rassurer les locataires et promet de tenir dans le quartier des permanences juridiques pour les soutenir. « Vu que le supplément de charges n’a pas été justifié, la loi nous autorise à ne pas payer tout de suite », explique Guy Lucchesi, coordinateur dans les quartiers nord de la confédération du logement et cadre de vie. « C’est légal, abonde Thierry Del Baldo, président de la confédération générale du logement 13. Aujourd’hui, on n’a pas de justificatifs de la part du bailleur social, on a juste une augmentation globale du prix du gaz. »

« Le gouvernement, il s’en fout ! »

Autrement dit, selon les associations, il est possible d’attendre la régularisation des charges à la fin de l’année. Ce qui laisse le temps de mener la bataille : « On a un an pour se battre auprès de la métropole, du préfet, et pour faire entendre au gouvernement qu’il faut baisser le plafond du bouclier tarifaire et le prix d’achat du gaz », lance Thierry Del Baldo. « Des quatorze bailleurs sociaux du département, Habitat Marseille Provence est celui qui a décidé unilatéralement et sans concertation d’appliquer cette augmentation du chauffage collectif », poursuit-il, tout en sachant que les autres suivront. Contacté, le bailleur social dit qu’il réagira en début de semaine prochaine. Selon les chiffres du collectif, les tarifs du contrat qui le lie à son fournisseur de gaz sont passés de 21 euros en 2022 à 121 euros en 2023.

Dans la salle, ce vendredi, les échanges sont intenses : « Si on ne paye pas, on risque d’avoir l’huissier ! ». « De toute façon, à la fin de l’année, il faudra payer ! » « Ce n’est pas du pessimisme mais du réalisme, à la fin, mon plan d’apurement des charges, il sera basé sur mes revenus. » « On est là, on veut faire quelque chose, mais à un moment donné il faut rester lucide, le gouvernement il s’en fout ! » Les représentants des associations écoutent, opposent à chaque fois le cadre légal et l’engagement du collectif. Ils espèrent parvenir, à tout le moins, à une hausse moindre des charges, et à un meilleur accompagnement social des locataires.

« Je vais arrêter mon prélèvement automatique, et ne pas payer la part d’augmentation des charges », assure Rachid, convaincu. « Je ne vais pas payer », lui emboîte le pas Henri. « Il va falloir faire le tour des autres locataires », énonce Stéphanie. « On est sur une bataille de reprendre en main notre propre destin, convient Thierry Del Baldo. C’est un vrai pari, effectivement, et ça part de Marseille. »