France

Marseille : La majorité de gauche épinglée sur le manque de nouveaux logements sociaux

A mi-mandat, Benoît Payan et sa majorité municipale se savent attendus sur le logement, l’un des dossiers clés de la campagne du Printemps marseillais. Or, comme ne manque pas de le souligner l’opposition, l’Etat vient d’adresser en la matière un sérieux carton rouge. Le préfet de région Christophe Mirmand s’en inquiétait déjà en début d’année : la construction de logements sociaux dans plusieurs villes de Paca, et en particulier à Marseille, est insuffisante et ne respecte pas le quota légal. Selon La Marseillaise, il a enclenché une procédure de constat de carence, en application de la loi SRU. La nouvelle a aussi mis un coup de pression sur l’équilibre de la majorité. 20 Minutes fait le point.

Qu’est-il reproché à la ville de Marseille sur le logement social ?

La loi SRU prévoit, pour une agglomération de la taille de Marseille, de disposer d’au moins 25 % de logements sociaux d’ici 2025. Pour atteindre cet objectif, il lui faut tenir un calendrier de construction serré. Or selon le préfet de région, le compte n’y est pas pour le moment : sur la période 2020-2022, Marseille n’a réalisé que 38,2 % de son objectif, qui était la construction de 7.674 logements locatifs sociaux. Cela dans une ville où 45.000 de demandes de logements sociaux sont en attente, contre 39.000 en 2019.

Pourquoi ce retard pris dans la construction ?

C’est un refrain qu’entonnent régulièrement les promoteurs immobiliers, dont l’Observatoire immobilier de Provence se fait l’écho : la municipalité de gauche a resserré la vis sur les permis de construire. « On constate effectivement une diminution des permis de construire délivrés, en particulier pour le logement social », déclare le préfet de région à La Marseillaise, qui fait état de 450 logements sociaux ayant vu leur construction refusée entre 2020 et 2022, soit un tiers des projets présentés. Issue de la société civile, l’adjointe à l’urbanisme Mathilde Chaboche (MadMars), qui n’a pas fait suite à notre appel, défend dans les colonnes du journal son bilan.

Elle pointe des « objectifs inatteignables » hérités des carences des années Gaudin. Et assume de composer avec d’autres enjeux, économiques et environnementaux. « Il y a peut-être un ralentissement mais au bénéfice d’une plus grande exigence », assure aussi Fabien Perez (EELV), chef du groupe écologiste au conseil municipal. « Sa feuille de route est claire, poursuit-il. Elle est consciente de l’objectif de construire plus, c’est évident, mais mieux également. La question du logement dans cette ville est complexe. Il s’agit de penser la ville de demain. »

Quelles sont les pistes d’amélioration et que risque la ville ?

Depuis le 16 mars dernier, la ville de Marseille dispose d’un nouvel outil avec le tout premier « programme local de l’habitat métropolitain » (PLH), coconstruit avec la métropole. Il couvre la période 2023-2028, durant laquelle la ville s’est engagée sur la construction, chaque année, de 1.500 nouveaux logements sociaux. La ville souhaite par ailleurs abaisser le seuil à 30 logements, à partir duquel les promoteurs immobiliers ont l’obligation de réaliser 30 % de logements sociaux. Avec des objectifs différentiés de production de logements sociaux fixés par arrondissements, selon s’ils sont de bons ou mauvais élèves en la matière.

Quant au courrier du préfet de région, la procédure peut aller jusqu’à une taxe financière et « un transfert à l’Etat des décisions en matière de délivrance des permis de construire », comme il le rappelle dans son interview à La Marseillaise. L’étape pour le moment en est à la « phase contradictoire ». Autrement dit, la ville doit affiner sa réponse et ses explications. L’état de carence peut être prononcé « s’il n’y a pas d’efforts significatifs entrepris ».

Pourquoi le sujet prend-il une tournure politique ?

Que l’opposition de droite tire à boulets à rouge sur ce bilan, rien de très étonnant. Qu’en revanche la critique vienne du sein même de la majorité, et de façon publique, cela interroge davantage. « Oui, il y a beaucoup trop de permis refusés », déplore Patrick Amico (Génération. s), adjoint en charge du logement, contacté par 20 Minutes. Il fustige une « vision très environnementale, très patrimoniale » de l’urbanisme, à rebours « de l’urgence sociale, qui est la production de logements sociaux ». « Il y a des discussions, ce n’est pas secret », poursuit-il.

Sur Twitter, il a rappelé haut et fort ses convictions, tout comme d’autres élus de la majorité, Audrey Garino (PCF), adjointe aux affaires sociales, Marie Batoux, Pierre Huguet (Génération. s) ou Aurélie Biancarelli-Lopes (PCF) qui ont relayé l’article de La Marseillaise. La France insoumise s’est aussi fendue d’un communiqué, appelant Marseille « à rectifier urgemment le tir ». De quoi donner le ton, à mi-mandat, des désaccords qui existent au sein du Printemps marseillais, dont l’unité avait permis à la gauche d’emporter la ville.