Mariage in extremis : « Un acte ultime d’amour »… Ces couples qui se disent « oui » juste avant que la mort ne les sépare
![](https://1001infos.net/wp-content/uploads/2025/02/mariage-in-extremis-un-acte-ultime-damour-ces-couples-qui-se-disent-oui-juste-avant-que-la-mort-ne-les-separe.jpg)
«Je promets de t’aimer pour le meilleur et pour le pire, en état de maladie ou en bonne santé, et jusqu’à ce que la mort nous sépare ». Ces vœux, prononcés à la mairie ou à l’église, sont une tradition de mariage incontournable. Témoignant de l’amour inconditionnel et du soutien indéfectible que se promettent les conjoints, ces paroles prennent un sens bien plus profond encore en cas de mariage in extremis.
Prévue par l’article 75 du Code civil, cette procédure, rare et méconnue, permet chaque année à des dizaines de couples en France de sceller leur union de manière accélérée et en dehors de la mairie en cas de péril imminent de mort de l’un des époux. « C’est un acte ultime d’amour, une promesse que le couple s’était faite mais qui n’a pas pu se réaliser dans l’ordinaire de la vie », estime Pierre-François Lejeune, maire adjoint de Cherbourg-en-Cotentin (Manche) en charge de l’état civil.
Si certains mariages in extremis – aussi appelés en des termes plus crus mariages avec un moribond – sont célébrés au domicile du malade en fin de vie, la plupart ont lieu à l’hôpital. Comme ce 4 octobre 2023 au CHU Henri-Mondor de Créteil, où Clémentine Vergnaud, journaliste à Franceinfo atteinte d’une forme de cancer rare et agressive, a épousé son compagnon Grégoire Lecalot, qu’elle avait demandé en mariage une semaine plus tôt sur son lit d’hôpital. « J’ai dit oui tout de suite évidemment, a-t-il confié le 23 janvier 2024 au micro de France Inter. Avant, le mariage était pour moi une institution rétrograde, mais elle a changé mon regard ».
« Un mélange de joie et de tristesse »
Un peu plus de deux mois après cette journée où le bonheur a pris le pas sur la maladie, Clémentine Lecalot-Vergnaud décédera à l’âge de 31 ans après un an et demi de lutte. « Certaines fois, le décès intervient le jour même ou le lendemain, souligne Pierre-François Lejeune. Cela m’est déjà arrivé de signer l’acte de mariage et l’acte de décès le même jour ». En cinq ans de mandat, l’élu a déjà célébré trois mariages in extremis au centre hospitalier de la ville. « Chacun était un moment de gravité et d’émotion, avec un mélange de joie et de tristesse », se souvient-il.
Adjoint au maire de Reims, Jacques Ammoura raconte pour sa part le stress qui le gagne à chaque fois qu’il doit célébrer ces unions si particulières, « car on sait que la personne en face de nous va mourir ». « C’est assez troublant car on rentre vraiment dans l’intimité profonde de ces personnes, indique-t-il. Mais on est là pour les accompagner dans cette démarche en faisant preuve de réactivité et de bienveillance, et pour s’assurer que les conditions sont bien respectées pour que le mariage soit enregistré ».
Une procédure simplifiée mais réglementée
Car même si les démarches sont simplifiées, avec notamment une dispense de publication des bans et de la célébration en mairie, la procédure du mariage in extremis est toutefois encadrée. Elle exige notamment la délivrance par l’équipe médicale d’un certificat attestant du péril imminent de mort du patient. Accompagné d’un officier d’état civil, l’élu, l’écharpe tricolore en bandoulière, doit aussi s’assurer lors de cérémonie que le mourant puisse donner un consentement valable, attestant qu’il est lucide et qu’il s’agit bien de sa volonté. « Je me souviens d’un homme qui ne pouvait pas parler à cause de sa trachéotomie et qui a juste cligné des yeux », confie Jacques Ammoura, se rappelant aussi que la femme portait « une magnifique robe de mariée et un bouquet de fleurs ».
A l’hôpital, décor si particulier pour un mariage, on est bien sûr loin de l’effusion de joie dont rêvaient peut-être les futurs mariés. Au seuil de la mort, certains couples décident tout de même d’immortaliser ce grand jour et de faire la fête avec leurs familles et leurs proches. En débouchant par exemple le champagne ou en décorant la chambre d’hôpital. « On est parfois invités à partager un verre ou un gâteau, cela dépend de la volonté du couple », souligne Agathe Raimbault, assistante de service social au sein de l’unité de soins palliatifs du CHU de Nantes.
La porte de la chambre d’hôpital doit rester ouverte
Quand l’état de santé du malade le permet, les équipes médicales mettent aussi une petite salle à disposition pour la cérémonie, « afin d’offrir plus d’intimité aux mariés », explique Adrien Evin, médecin en soins palliatifs au CHU de Nantes. « Si cela a lieu dans une chambre d’hôpital, on doit aussi s’assurer que la porte reste ouverte le temps de la cérémonie, poursuit-il. Comme à la mairie pour un mariage classique, car il s’agit d’un acte public ».
S’il reste le plus souvent à l’écart de ce moment intime, le personnel soignant, pourtant habitué à côtoyer la mort au quotidien, ne reste pas insensible à ces événements exceptionnels. « C’est toujours un moment fort en émotions. Pour le couple bien sûr, les proches, les élus, mais aussi pour les soignants ». En 2020, alors que la première vague de Covid déferlait, l’assistante de service social s’est retrouvée témoin d’un mariage par un concours de circonstances. « Chaque époux doit avoir au moins un témoin, explique-t-elle. Et dans ce cas précis, il était impossible que le témoin arrive à temps pour la cérémonie, donc je l’ai remplacé. C’était très engageant comme démarche ».
Elle se souvient aussi de ce dernier mariage célébré en juin. « Il s’agissait d’un patient dont le mariage devait normalement être célébré le lendemain, confie-t-elle. Il allait être greffé avec un risque non négligeable de décès, donc ils ont avancé le mariage d’une journée. Mais fort heureusement, la greffe s’est bien déroulée et la personne est toujours en vie ». Un signe, un de plus, que l’amour est toujours plus fort que la maladie.