Marché de Noël de Strasbourg : Un péage à l’entrée, « ça serait du grand n’importe quoi ! »

Avec plus de trois millions de visiteurs en 2023 pendant la période du marché de Noël, l’hypercentre de Strasbourg a été un brin débordé. Rues bloquées, difficultés pour les secours de se faufiler, gros embouteillages en périphérie… Aussi, les autorités, tout comme la municipalité, prennent ou expérimentent depuis plusieurs années différents dispositifs pour gérer les flux de visiteurs. Tant pour rendre la déambulation dans les rues bordées de chalets et illuminées plus agréable et mieux sécurisée, tant pour que ce soit plus « vivable » pour les riverains durant les fêtes de fin d’année.

Parmi les mesures prises en 2024, l’expérimentation du sens unique piéton dans certaines rues le week-end. L’idée de faire, comme à Venise dépassée par le sur tourisme, d’instaurer un droit d’entrée les jours de grosses affluences est aussi évoquée par certains. Si « ce péage » plaît quelques-uns, cela relève du délire complet pour Claude : « Non, non et non ! » Et il n’y a même pas matière à discussion.

Pas beaucoup plus prolixe mais tout aussi déterminé, Didier assure que « faire payer le marché de Noël de Strasbourg, ça serait du grand n’importe quoi ! » Il n’y a pas à tourner autour du pot, l’idée d’un accès payant au marché de Noël fait l’unanimité contre elle. Sur le fond comme sur la forme.

« Ce n’est pas l’esprit de Noël, c’est déjà suffisamment devenu une affaire commerciale comme ça », avance Louise. « Et pourquoi pas un marché gratuit le matin quand c’est fermé pour les pauvres, et payant l’après-midi pour les riches ! », ironise un autre internaute de 20 Minutes. « Ça empêcherait les familles de venir, et ça, ce n’est pas Noël », renchérit un commerçant. « Si c’est une attraction, alors pourquoi pas, comme au Parc Astérix en quelque sorte », se moque Gabriel. « Faudrait mettre des podomètres pour taxer les visiteurs au nombre de pas », surenchérit Corolanne.

« Le marché appartient à tous »

Quand Benjamin explique simplement « qu’on paye déjà assez à l’intérieur du marché » et « pense que ça gâchera tout », Julien s’inquiète tout simplement de l’utilité d’une telle mesure : « Le problème, si on rend le marché de Noël payant, c’est de déterminer le prix. Trop faible, ça ne changera rien, et trop élevé, il n’y aura plus assez de monde pour que certaines échoppes soient rentables. » Pragmatique et avec le sens du commerce, il pose aussi la question de l’utilisation de l’argent éventuellement encaissé : « Si on met l’entrée à 3 euros, cela permettrait peut-être de désengorger un tout petit peu, mais il faudrait soit que les Strasbourgeois le ressentent sur leur taxe foncière, soit qu’il y ait une prestation supplémentaire pour compenser. » « Le marché appartient à tous, il doit rester gratuit », souligne Frédéric qui ajoute que « la nourriture vendue sur le marché est déjà assez chère ».

Laurent aussi, tout comme les autres, s’y oppose formellement et dénonce une nouvelle forme de taxation. « Je ne connais aucun marché de Noël payant, que ce soit en France ou à l’étranger. Encore une fois on veut réguler le monde mais on veut taxer les gens. » « C’est un moyen de faire découvrir cette ville et sa culture. Tout ne peut être payant », avance Jean-Marie.

« Vous voulez tuer le marché de Noël ou quoi ? »

Gordana, Nancéienne qui visite pour la première fois le marché de Noël de Strasbourg, a été surprise par une affluence moindre que celle redoutée. Elle assure qu’un accès payant serait « un frein ». « On y dépense déjà beaucoup parmi les stands de bredele et de bretzels, de flammekueches et en cadeaux divers. Si l’entrée devenait payante, je privilégierais les villes de Colmar et de Riquewihr, beaucoup plus jolies à mon goût et gratuites. »

Et qu’en pensent les commerçants dans leur chalet ? « Vous êtes sérieux ?, lance l’un d’entre eux dans sa cahute de bois au pied de la cathédrale. Vous voulez que les gens aillent dans d’autres villes ou quoi ? Ce n’est pas l’esprit, les foules se régulent seules jusqu’ici, les gens reviennent aussi en semaine quand il y a moins de monde. Vous voulez tuer le marché de Noël ou quoi ? »

Un non massif sur le fond, sur la forme aussi. « Ça serait contrôlé comment et par qui ? C’est du grand n’importe quoi ! Les riverains en seraient exemptés mais leur famille et ceux qui les visitent non ? Ça serait vraiment compliqué », s’interroge Thibaut, un Strasbourgeois de l’hypercentre. « C’est pour le retour des checkpoints avec de longues files d’attente ? », s’inquiète Jean, un autre habitant du centre-ville. Le marché est réparti « dans tellement de lieux différents de la ville que je n’imagine même pas ça possible. Ce serait tout simplement rendre l’accès à la ville payant ? Impensable », selon Eline.

La maire de Strasbourg balaie l’idée

Lucien pointe le comportement des voyagistes, visites guidées et autres groupes qui circulent « en dépit du bon sens, du civisme et du Code de la route ». Pas de quoi rendre l’accès au marché payant « mais réguler le business du tourisme de masse, oui ». « De toute façon ces groupes ne restent que la journée et cela ne profite ni aux restaurateurs ni aux hôteliers et guère au commerce local », avance-t-il.

Notre dossier Marché de Noël

Mais pas de panique. Du côté de la mairie strasbourgeoise, l’idée d’un accès payant est complètement écartée. Interrogée dernièrement par 20 Minutes, la maire écologiste Jeanne Barseghian a remis tout de suite les pendules à l’heure et balayé direct d’un revers de la main cette idée qui ne lui semble « pas très magie de Noël ». « On a la responsabilité que ça soit fluide, on ne veut pas réduire le nombre de visiteurs mais on veut augmenter la qualité de l’accueil. On veut garantir que la vie quotidienne des Strasbourgeois puisse être préservée, rassure l’édile. Ce n’est pas du tout à l’ordre du jour ».