Marché de Noël à Strasbourg : C’est quoi ce délire avec les boules de Noël de Meisenthal à 30 euros ?
Trois heures de queue pour une boule. « C’est le côté unique de l’objet, ce qu’il représente aussi, ce savoir-faire, qui m’intéresse, confie en patientant Ahmed, la cinquantaine. En achetant une boule de Noël Meisenthal, on participe à perpétuer, ce patrimoine, c’est important. » Son objectif ? Acheter une boule de Noël du verrier mosellan dans un chalet du marché de Noël de Strasbourg.
Un peu plus loin dans la file, Julien et ces copains ironisent. « C’est comme à la Sécu, on vous donne un petit ticket vert et blanc pour faire la queue. » Peu importe. En cette froide matinée, l’inquiétude de la foule qui se presse et attend est d’arriver à temps pour acheter une de ces boules de Noël en verre exceptionnelles. Devant le chalet, une file interminable s’est formée. Selon les modèles, même s’il faut compter entre 26 et 33 euros pièce, il n’y en aura pas pour tout le monde.
Très prisées, certaines boules sont même revendues par des particuliers sur des sites en ligne d’occasion à des prix astronomiques. Jusqu’à 260 euros pièce ! Alors en cette période de pouvoir d’achat en berne, qui sont ces visiteurs qui patientent dans le froid pour obtenir l’une de ces décorations ?
Pour le savoir, il faut d’abord parler des boules en question. Ici, pas de Made in China, pas de fabrication industrielle, mais un véritable savoir-faire artisanal, celui du verre soufflé, en provenance directe du Centre international d’art verrier (CIAV) situé à Meisenthal en Moselle. « Ces boules de luxe, on en rêvait, explique ce couple de New-Yorkais. C’est le cadeau français que l’on voulait ramener à la maison, enfin si on ne la casse pas pendant le voyage. »
Tradition familiale
Les boules en verre de Meisenthal se déclinent en différentes couleurs et sont imaginées par un nouveau designer chaque année. Pour l’édition 2024, c’est l’allemand Mark Braun, sensible aux enjeux liés au réchauffement climatique, qui a imaginé la « Kaktus », aux formes « dézinguées ». Un millésime très recherché par des visiteurs, prêts même à payer quelques euros de plus pour l’avoir en rouge. La demande est telle que la CIAV n’en vend qu’une seule par famille.
Ça ne décourage pas Virginie prête à faire la queue plusieurs matins. Cette Lyonnaise de 62 ans les achète pour sa mère, « une fidèle des Meisenthal depuis de longues années » une pour chacun de ses cinq frères et sœurs, comme le veut leur tradition familiale. « Les miennes sont suspendues comme pour un mobile, au-dessus de la table, c’est magnifique », explique celle qui s’empresse de nous montrer une photographie de sa réalisation.
Le danger vient des enfants et des chats
Un peu derrière dans la file d’attente, Jean-Paul, « venu pour la beauté de cet objet local, ce savoir-faire », attend depuis plus d’une heure. Ce qu’il souhaite, c’est en obtenir une. Peu importe la couleur ou le modèle. Trente euros pour une boule de Noël, n’est-ce pas un peu cher ? « C’est fait à la main, alors je ne pense pas, non », estime-t-il. Un jugement que partage Marie et Lison, deux Alsaciennes étudiantes en design : « Quand on voit le travail réalisé derrière, pour avoir visité le site, la démarche, ça vaut le coup. »
La boule de Noël de Meisenthal de Jean-Paul viendra rejoindre celles acquises les années précédentes. Mais pour lui, pas question de les accrocher au sapin. « Trop fragile, j’ai des petits enfants et des chats, je ne sais pas ce qui est pire », plaisante-t-il. Alors elles serviront à la déco, « juste pour Noël », posée dans un vase « avec une lumière LED derrière pour les mettre en valeur. Mais ça, c’est mon épouse qui s’en occupe. Moi je ne suis qu’un retraité qui fait la file d’attente. »
Un peu plus loin, Juliette, la cinquantaine, s’en sert comme déco également. D’habitude, elle se fournit directement sur le site verrier à Meisenthal, même « s’il y a autant la queue là-bas, assure-t-elle. Et on ne peut même pas leur en réserver une sur Internet avant février ! » Mais cette année, elle attend. « Le premier jour, ici à Strasbourg, il y avait même quatre heures de queue… Ça, je ne peux pas. » Mais motivée par les boules qui « sont toujours belles » et particulièrement « la Kaktus » qu’elle juge « sublime », elle s’est résignée à patienter en ce jour de semaine où il y a un petit peu moins de monde, pour compléter sa collection.
Près de 10.000 boules vendues en un mois
Venue de Normandie rejoindre Guillaume son amoureux pour quelques jours dans l’autoproclamée « Capitale de Noël », Marion n’avait jamais entendu parler des boules de Meisenthal. Mais elle est prête à débourser une trentaine d’euros pour ce « must have », surtout pour « la Kaktus de couleur rose ». « C’est une façon de marquer le coup et d’avoir un souvenir de notre week-end alsacien. » Dans cette file interminable, on trouve également Anne-Lise, une Bretonne venue à Strasbourg pour le travail, missionnée par ses parents et qui compte bien repartir avec plusieurs modèles de boules. « Mes parents ont une belle collection qu’ils suspendent à des appliques pendant les fêtes de Noël. C’est très joli. » La touriste est très précise dans ses souhaits d’achat. « Je ne suis pas là pour la Kaktus, mais pour la Stella, la Arti ou la Piaf. »
Ce Noël 2024 « s’annonce aussi important que l’année dernière », selon la direction du centre verrier. Tant pour les anciens modèles que pour la Kaktus. « En 2023, 9.600 boules, tous modèles confondus, ont été vendues au chalet de Strasbourg, dont plus de 4.000 Stella, le nom de la boule 2023. Les quantités seront quasi identiques cette année. »