Manifestation pour Marine Le Pen : Défense bancale et attaques à tout-va… Le RN joue à fond la carte de la confusion

La France insoumise a instauré la bordélisation, le Rassemblement national semble avoir fait le choix de la grande confusion. Pour essayer de sortir gagnant des condamnations de Marine Le Pen et de 24 membres du parti lundi dans l’affaire des assistants parlementaires européens, les cadres du parti d’extrême droite ont fait feu de tous bords pour se victimiser sans se soucier de la cohérence des arguments. Un discours confus qui, pourtant, imprime chez les militants.
Ce dimanche, place Vauban dans le 7e arrondissement de Paris, le RN organisait un grand rassemblement en soutien à la chef de file du parti condamnée le lundi pour « détournement de fonds publics » à quatre ans de prison, dont deux fermes et à cinq ans d’inéligibilité assortie d’une exécution provisoire.
Une culpabilité a demi-avouée, mais pas de remise en question à l’horizon
« L’histoire des parlementaires, c’est illégal, c’est sûr. Mais si elle n’était pas la candidate favorite pour l’élection présidentielle, elle n’aurait pas été condamnée », explique Florent en regardant l’Hôtel des Invalides, plus d’une heure avant le début du meeting qui doit commencer à 15 heures. Comme la quasi-totalité des sympathisants et militants présents ce dimanche, il répète le discours seriné inlassablement par le parti depuis une semaine.
Pour certains, la peine est trop lourde, pour d’autres, il n’y a pas de faute. La vérité, les preuves ? « Rien à faire, c’est une décision prise par des juges gauchistes à la demande du gouvernement », clame haut et fort Bernard en brandissant un drapeau bleu-blanc-rouge distribué par les militants à l’arrivée sur place. Peu importe la loi, peu importe le droit, c’est la candidate qui est condamnée, pas la délinquante selon ses soutiens. Et si c’était un autre parti qui avait connu les mêmes déboires ? « Alors ce serait différent, parce que si le système condamne l’un des siens, c’est qu’il est vraiment coupable », ajoute le quinquagénaire.
Sur la scène, où se sont succédé plusieurs figures du parti, le discours est le même. Pour Louis Aliot, le montant détourné par le parti n’est pas de 4 millions d’euros, mais « seulement » de « 5 % des dotations » attribués au RN puisqu’il ne concerne que dix collaborateurs sur les 200 employés que compte le parti, sans que l’on soit sûr que ça ait un lien. La somme estimée par Bruxelles est pourtant bien de 4,6 millions d’euros…
Des comparaisons hasardeuses
Mais selon celui qui a pu rester maire de Perpignan malgré sa condamnation, ce ne sont plus les juges ou le gouvernement qui sont à l’origine de la « persécution » que subirait le Rassemblement national, mais une alliance entre Martin Schulz, président du Parlement européen au moment des faits, et Christiane Taubira, garde des Sceaux de 2012 à 2016. Bref, une « oligarchie qui gère les affaires de l’Europe et de la France ». S’il assure que le parti est innocent, il compare tout de même la peine « lourde » pour les faits reprochés en comparaison à « celle d’un narcotrafiquant » qui ne prendrait « que deux ans de prison ». On ne sait pas pour quelle affaire, mais la foule s’enflamme quand même.
Bien qu’ayant applaudi les mots, Arthur, militant au RN depuis 2019, nous maintient que c’est un coup des juges « rouges, wokistes et islamo-compatibles » et du syndicat de la magistrature. Ce syndicat vilipendé une nouvelle fois par Jordan Bardella au micro. Si le président du parti, et sans doute grand bénéficiaire d’une inéligibilité de Marine Le Pen si celle-ci venait à être confirmée en appel, assure qu’il ne s’agira jamais de « jeter le discrédit sur les juges ou sur l’institution judiciaire ». Mais il avance tout de même dans la foulée qu’« un tiers des magistrats sont membres du syndicat » qui « laisse libre les délinquants et les OQTF » mais « attaquent Marine Le Pen ».
Le RN oppose les sondages à la justice
Jordan Bardella enchaîne en assurant condamner « toutes pressions ou violences » à l’égard de quiconque en vertu « de la séparation des pouvoirs ». Mais dans le même temps, le possible candidat du parti en 2027 dit également s’élever « face à certaines pressions contre la volonté populaire » laissant planer l’idée qu’une favorite à l’élection ne pourrait être empêchée, si ses sondages sont assez hauts.
Un double jeu qui fonctionne auprès des militants. « Il faut respecter la justice, mais la démocratie passe avant. Marine ne peut pas être inéligible. C’est à nous de décider pour qui on veut voter », exprime Carlos, venu de l’Essonne pour « soutenir [sa] candidate ». « Aucune juridiction ne peut aller à l’encontre de la souveraineté populaire », appuie Jordan Bardella, écartant d’un revers l’Etat de droit et la séparation des pouvoirs, qu’il assure pourtant défendre.
« Nous sommes le premier parti de France, et une vraie majorité silencieuse, emboîte Carlos, nous devrions être en droit de choisir notre candidat et de faire révoquer les juges lorsqu’ils s’opposent à nous. » Et la séparation des pouvoirs en reprend un coup.
Un discours « menaçant » qui trouble certains militants
Une ligne suivie quelques minutes plus tard par Marine Le Pen qui, selle ne « demande pas à être au-dessus des lois », met en avant les 37 % d’intentions de voix estimées par les sondages pour accuser un pouvoir qui lui, « ne représente que 5 % ».
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Défendre la démocratie, la justice et la souveraineté populaire en pointant du doigt les juges et en réclamant une justice d’exception selon les sondages, le « en même temps » semble avoir changé de camp ce dimanche. Ce qui ne plaît pas à tous les militants. Antoine et Camille, un jeune couple de Coulommiers (Seine-et-Marne), arborent un sourire crispé au sortir du discours de Marine Le Pen : « Je trouve le ton un peu menaçant. Ça ne sert à rien de dénoncer une persécution sur Marine si c’est pour faire comprendre qu’on fera la même chose aux opposants une fois au pouvoir… »