France

Manifestation du 1er-Mai : « Poudre aux yeux », « enfumage »… Des manifestants sans pitié pour les « cent jours »

A moins qu’elle ne se solde par « un départ en exil », façon Napoléon, comme le suggère Daniel, un Lillois, l’échéance des fameux « cent jours » qu’Emmanuel Macron a fixée à sa Première ministre pour redonner « de l’élan à la nation » ne fait pas vraiment partie du calendrier des Français mobilisés en ce 1er-Mai contre la réforme des retraites. « Ils ont commencé quand déjà ces cent jours ? », plaisante un intermittent toulousain, qui s’en « moque comme de [ses] premières chaussettes ». « C’est vraiment de l’enfumage ! », décrète Ayat, une cégétiste qui défile elle aussi sous le ciel gris de la Ville rose et préfère se projeter « au jour, le jour ».

Une pancarte brandie le 1er mai 2023 dans la manifestation parisienne contre la réforme des retraites.
Une pancarte brandie le 1er mai 2023 dans la manifestation parisienne contre la réforme des retraites. – Laure Gamaury

Mostapha, qui a battu le pavé ce dimanche matin à Rennes, juge que « ce cap des cent jours », est « de la poudre aux yeux ».  « C’est un concept pour influencer la population et dire « Circulez, y a rien à voir », analyse cet agent de la fonction publique territoriale. Même sentiment pour Pierre, sexagénaire nordiste. Il y voit « « une envie de faire comme si tout était clos, sans tenir compte de l’avis de la population ».

« L’horloge de Macron »

On n’y croit pas non plus chez les responsables syndicaux. « Les cent jours pour nous, ça veut pas dire grand-chose. On n’en attend rien. C’est juste une manière pour Macron d’attendre que la tornade passe, et on trouve ça cynique », confie Jessica Jadé, porte-parole de la CGT dans les Bouches-du-Rhône.

« Les cent jours, déjà, c’est Emmanuel Macron qui en a parlé en premier. Alors vu tout ce qu’il nous fait, on peut avoir des doutes, explique Hervé Aussel, le secrétaire fédéral de la CFDT dans la Haute-Garonne. Et de toute façon pour nous, ce n’est pas une fin en soi. Ce que les gens voient, ce n’est pas les cent jours mais les deux ans de retraite qu’ils perdent et les prix de l’alimentaire qui continuent d’augmenter. Nous, on n’a pas tourné la page ».

La seule date qui vaille pour ce militant sera celle du retrait de la réforme. « Parce que c’est encore possible, on l’a déjà vu », assure-t-il. La détermination de Cécile, qui travaille dans le secteur de la santé, est tout aussi entière :  « Lancer quelque chose quand il n’y a pas de dialogue, je trouve cette façon de faire tellement absurde et méprisante que ça m’encourage à continuer à me mobiliser, mais pas seulement cent jours. Sans limite ».

« A moins qu’ils retirent purement et simplement cette réforme injuste, je ne pense pas que la mobilisation va s’arrêter. Cela durera jusqu’à la fin du mandat si rien ne bouge », la rejoint Pierre, un Rennais venu manifester avec sa poêle à la main.  « Les 100 jours c’est l’horloge de Macron, considère Pedro, un manifestant parisien de 48 ans. Mais on va le faire craquer avant. Regardez le cortège qui devait être festif à quel point ça dégénère. C’est sûr que la mobilisation ne va pas s’arrêter là. »

Coralie, une étudiante a une petite pincée d’indulgence pour « la feuille de route des 100 jours » et certains projets « importants » qu’elle balaie « comme l’écologie ». Mais, ajoute-t-elle, « le sujet n’est pas là. On passera à autre chose quand la réforme sera retirée, point barre. Et s’ils croient que la mobilisation va s’essouffler, ils se trompent car la jeunesse a montré qu’elle était très déterminée depuis le début du mouvement. ».

Quels modes d’action pour la suite ?

Cent jours ou quatre ans jusqu’à la Présidentielle, les manifestants de la Fête du travail veulent poursuivre leur combat. Pour Fabrice Lerestif, secrétaire départemental FO en Ille-et-Vilaine, « cette mobilisation du 1er-mai n’est bien sûr pas un baroud d’honneur comme le voudraient certains. Et le nouveau cap fixé par la Première ministre n’y changera rien. On va donc partir pour 100 jours de conflit même si on sait bien que c’est compliqué financièrement pour certains »

Cédric Caubère, le patron de la CGT à Toulouse verrait bien la protestation s’élargir à la question des salaires et se déplacer à l’intérieur des entreprises « Petit salaire, petite retraite. On a des dates qui se profilent, annonce-t-il, Les salariés ont bien compris qu’ils n’avaient pas grand-chose à attendre d’un gouvernement qui obéit aux injonctions du Medef. La bataille des retraites, c’est aussi la bataille des salaires, et ça, c’est une bataille qui se mène sur l’outil de travail ».

Enfin, il y a ceux, qui valident les « cent jours » mais avec beaucoup d’ironie. « Très bien, ces cent jours ! Ça nous laisse cent jours pour foutre le bordel dans le pays. On se demandait comment rebondir. Macron nous a fait un cadeau en or ! », lâche depuis Marseille Nicolas Davan, le secrétaire général du syndicat CGT Energie Provence.