« Manger sain et durable »… Abandonné par Macron, le chèque alimentaire refait surface

C’était l’une des propositions phares de la Convention citoyenne pour le climat en 2020 avant qu’elle ne soit reprise par Emmanuel Macron dans son programme en 2022. Destiné aux foyers les plus précaires, le chèque alimentaire devait les aider à se fournir en produits durables, français et bio. Après des mois de tergiversations, la mesure avait finalement été enterrée en janvier 2024, Bruno Le Maire estimant que ce n’était pas « la bonne voie à suivre. » Car trop complexe à mettre en œuvre et surtout trop coûteuse pour les finances de l’État. « Oublions les politiques de chèques, nous n’en avons pas les moyens aujourd’hui », avait estimé le ministre de l’Économie d’alors, préférant privilégier l’aide aux associations et aux banques alimentaires pour aider les ménages modestes.
Un système qui « a toujours une grande utilité immédiate » avec un nombre de bénéficiaires qui a explosé depuis la crise sanitaire et sous le poids de l’inflation, selon Grégori Akermann. « Mais il a aussi ses limites, notamment d’un point de vue nutritionnel, avec des paniers souvent déséquilibrés et des produits en fin de vie ou transformés », poursuit le sociologue et chargé de recherche à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) de Montpellier.
Le Gers et la Seine-Saint-Denis testent une carte
Depuis la volte-face du gouvernement, des initiatives, portées par des citoyens ou des collectivités, fleurissent un peu partout sur le territoire pour aider les foyers en difficulté à mieux se nourrir. C’est le cas dans le Gers qui teste depuis près d’un an une carte alimentation durable. Chaque mois, une soixantaine de foyers se voient crédités sur une carte 40 euros par adulte et 20 euros par enfant pour acheter des produits alimentaires dans un réseau de points de vente affiliés, contribuant ainsi « à renforcer l’économie locale, tout en accédant à des produits de qualité », selon le département.
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Même principe en Seine-Saint-Denis, département le plus pauvre de France, où la carte Vital’im, lancée en 2023, permet à 1.350 personnes de recevoir 50 euros par mois sur une carte pour acheter de quoi manger dans des commerces partenaires avec un système de bonus s’ils consomment des produits durables et bio. Un retour d’expérience est prévu en 2027 pour voir si le dispositif peut être amené à se généraliser.
« L’alimentation devrait être un droit pour tous »
Avant cela, Rennes aura également lancé sa carte alimentation durable dans deux quartiers prioritaires de la ville avec 240 foyers qui recevront l’an prochain un montant de 100 euros par mois à utiliser dans des magasins ou chez des producteurs conventionnés. « L’alimentation devrait être un droit pour tous comme la santé, estime Ludovic Brossard, conseiller municipal en charge de l’agriculture urbaine et de l’alimentation durable. Cette carte est donc un outil pour permettre à des personnes en situation de précarité alimentaire de manger mieux mais il y a aussi derrière un enjeu de santé publique et environnemental. »
Durant toute l’expérimentation, les bénéficiaires pourront également participer à des ateliers car « il faut un accompagnement et pas seulement de l’argent pour faire changer durablement les habitudes alimentaires », ajoute Isabelle Marchadier, chargée de piloter le lancement de cette carte.
À quand une sécurité sociale de l’alimentation ?
À Montpellier, où une caisse alimentaire commune a vu le jour en 2023, on constate justement une évolution des habitudes chez certains habitants qui cotisent selon leurs moyens à cette caisse qui leur reverse en retour une allocation mensuelle de 100 euros. « On les voit désormais fréquenter des épiceries bio ou des marchés paysans alors qu’il y avait jusqu’à présent des freins sociaux, économiques, géographiques ou culturels qui les en empêchaient », indique Grégori Akermann, membre du conseil scientifique de la caisse. Le chercheur de l’Inrae assure que la démarche a aussi un vrai impact sur l’économie du territoire. « Le fait de flécher l’argent vers des acteurs vertueux permet à des producteurs locaux de sécuriser leur chiffre d’affaires, souligne-t-il. Cela permet aussi de récréer du lien et de la mixité sociale. »
En parallèle de ces initiatives locales, certains plaident pour que l’État aille plus loin pour garantir à chacun un accès à une alimentation de qualité, durable et locale. En février, les députés écologistes ont ainsi déposé une proposition pour mettre en place une carte Vitale créditée de 150 euros par mois pour permettre à chacun de mieux manger. Seulement discutée à l’Assemblée, la proposition renvoie à l’idée d’une sécurité sociale de l’alimentation qui revient de plus en plus régulièrement dans le débat public.
« Il y a peut-être une dimension un peu utopique dans ce projet mais pas tant que ça car cela existe déjà sous diverses formes dans certains territoires, souligne Grégori Akermann. En tout cas, les lignes bougent et dans le bon sens avec l’idée qu’une alimentation saine et durable ne peut être que bénéfique. » Message bien adressé à l’industrie agroalimentaire et à la grande distribution.

