Mal-Logement : « Les personnes en situation de handicap sont doublement touchées »
Cette année encore, « La France s’enfonce dans la crise du mal-logement », dévoile en ce début de semaine le trentième rapport de la Fondation pour le logement des personnes défavorisées (le nouveau nom de la Fondation Abbé Pierre). Au centre de ses conclusions : le défi des personnes en situation de handicap pour accéder à des logements adaptés. Selon la Fondation, elles seraient 26 % à vivre sous le seuil de pauvreté, contre 14 % pour les personnes valides.
Manuel Domergue, directeur des études de la Fondation, parle ainsi du « parcours du combattant » de ces hommes et femmes, parfois avec enfants, pour trouver un logement adapté à leurs besoins. « On s’aperçoit que les personnes en situation de handicap sont doublement touchées par les différentes formes de mal-logement », appuie-t-il.
Des propriétaires méfiants
« Les structures d’hébergement d’urgence ne prennent pas toujours en compte les problématiques spécifiques » de ces personnes, pointe notamment le rapport. Les handicapés « peuvent se voir refuser l’accès à une place du fait du manque de formation des personnels ou d’adaptation des locaux au handicap ». Manuel Domergue décrit des logements « aux sanitaires et douches non adaptées » pour les personnes en fauteuil, mais aussi l’absence d’ascenseurs, « une mauvaise insonorisation » ou encore « un manque de place » catégorisant cet accès au logement comme « discriminant ».
Dans le parc social, seuls « 18 % des logements seraient considérés comme accessibles, et 6 % accessibles et adaptés. » Et dans le parc privé, les personnes en situation de handicap ont « moins de chances d’accéder à un logement, que ce soit en propriété (9 % de propriétaires accédants contre 23 % pour la population générale) ou en location (19 % contre 24 %) ». En cause : des propriétaires frileux face à leurs difficultés à s’insérer dans le monde du travail, ou encore la peur de demandes d’aménagements supplémentaires souvent onéreux. Cette partie de la population est victime de « stéréotypes liés au handicap », explique Manuel Domergue : « une personne sourde peut se voir refuser un logement car les propriétaires craignent les nuisances sonores ».
L’attente pour un logement décent est donc encore plus perceptible pour les personnes en situation de handicap : 23 % d’entre elles « ont une demande de logement social de cinq années ou plus, contre 12 % pour les autres demandeurs. »
2,7 millions de Français demandent un logement social
Ces difficultés constatées pour les personnes en situation de handicap s’inscrivent dans une crise généralisée. En 2024, le nombre total de demandeurs de logements sociaux a explosé. La fondation en a recensé 2,7 millions mi-2024, contre 2,1 millions en 2017. Cette hausse s’accompagne d’une hausse des ménages expulsés de leur logement, ils étaient 19.023 en 2023, soit « une hausse de 150 % sur les 20 dernières années ».
Proportionnellement, l’attribution de logements sociaux reste plus faible que la demande, avec 393.000 attributions sur l’année 2023. « Moins d’un demandeur sur cinq reçoit désormais une réponse positive dans l’année », alerte le document.
Plus d’articles sur le mal logement
Et cette situation extrême de mal-logement concerne aussi la qualité des lieux. La Fondation met en garde sur les conditions de vie des ménages ayant un logement. 28 % d’entre eux « ont rencontré des difficultés pour payer des factures de gaz ou d’électricité » sur l’année écoulée, c’est 10 % de plus qu’il y a six ans. Par manque de moyens, ils sont nombreux à ne pas avoir réussi à maintenir leur logement à une température convenable.