« Mais pourquoi je me suis lancée là-dedans ? »… Les lutins farceurs sèment le chaos dans les foyers français
La nuit, ils se faufilent sans bruit dans nos maisons et nos appartements. Ils kidnappent les doudous des plus petits, sèment la zizanie dans nos cuisines, déroulent des mètres de papier toilette ou laissent des petites crottes sur la cuvette… Autant de bêtises qui réjouissent nos marmots au réveil. Vous les aurez peut-être reconnus : les lutins farceurs de Noël.
De plus en plus de familles françaises adoptent ces petites figurines afin de divertir leurs enfants et les faire patienter avant l’arrivée du Père Noël. Chaque soir, avant de se coucher, les parents mettent en scène les farces de ces polissons, que leurs bambins découvrent avec joie le lendemain.
Si certains se délectent de l’apparition de cette nouvelle tradition festive, d’autres accusent le coup et déplorent cette « corvée » supplémentaire.
Gribouille, Pirouette et autres Farfelu
D’où nous viennent ces petits personnages ? Leurs origines semblent multiples : proviennent-ils de ce grand-père canadien, qui, en 2006, a inventé une chasse aux lutins pour faire rêver ses petits-enfants ? Ou de cette légende islandaise des « Jólasveinarnir », des petits farfadets qui rendent visite aux plus jeunes, les 13 derniers jours avant Noël ? On parle aussi de The Elf on the Shelf, un livre publié en 2005, aux Etats-Unis, sur des petits lutins, envoyés spéciaux de Santa Claus, pour vérifier que les enfants ont bien été sages.
Toujours est-il que cette mode a particulièrement séduit Corine. « J’ai connu les lutins farceurs il y a quatre ans et ce n’était vraiment pas suivi en France. Ma fille les adore, ils ont même créé une famille. Georges a rencontré une autre lutine et de cet amour est né un lutineau », s’amuse-t-elle. Cette maman de 38 ans les voit comme « une belle histoire à faire vivre ». « On a un peu l’impression de les connaître depuis longtemps et on s’amuse d’en voir de plus en plus dans les maisons des copains ! », ajoute-t-elle.
Florence, elle, a accueilli « Gribouille » cette année, une réussite. « Quel plaisir de voir la tête de mon fils le matin au réveil. Ce sont des souvenirs merveilleux que nous garderons à jamais tous les deux ! », se réjouit-elle.
Flocon, Neige, Pirouette, Elvie ou encore Farfelu, autant de lutins farceurs adoptés par nos lecteurs, qui ont répondu en nombre à notre appel à contributions. Chez beaucoup d’entre eux, ces farfadets apportent du rêve et de la magie avant les fêtes. Mais c’est aussi une super astuce pour aider les enfants à émerger.
« Ma fille est tellement contente de les retrouver que je suis ravie de lui faire plaisir. Cela nous arrange aussi car, grâce à eux, plus besoin de se disputer le matin pour la sortir du lit. Elle se lève toute seule à 7h30 pour aller découvrir les nouvelles bêtises dans la maison. Et à vrai dire, je m’amuse aussi », confie Coralie, 37 ans.
Une certaine charge mentale
Vous vous demandez encore ce que peut faire un lutin farceur la nuit ? Un joyeux bordel. Certains lisent sagement des livres, paradent dans les vêtements des poupées de la maison, se mouchent le nez, prennent l’apéro ou mangent des bonbons. D’autres, beaucoup plus diaboliques, torturent des légumes ou transforment des doudous en glaçon ou les font rôtir (pour de faux). Enfin, certains spécimens développent aussi des penchants scatophiles et inventent des farces autour des crottes ou des flatulences.
Des idées parfois tordues que les parents se partagent largement sur Facebook, Instagram ou TikTok. « On trouve tellement d’inspiration sur les différents réseaux sociaux qu’il nous faut seulement quelques minutes pour préparer la bêtise le soir », raconte ainsi Audrey, une maman de 29 ans.
Dans certaines familles, la mise en scène peut toutefois demander une certaine organisation, comme chez Johanna : « Cela peut prendre du temps suivant l’investissement que l’on y met. Pour ma part, je fais un planning qui peut-être modifié en dernière minute, si besoin. Mais tout est fait à l’avance, il faut s’organiser ». Ce qui ne l’empêche pas de se délecter de l’émerveillement de ses deux enfants.
Virginie aime cette « magie » que cela suscite dans le regard de son fils. Mais elle reconnaît aussi que c’est « fatiguant ». « Le travail supplémentaire que cela demande est difficile, souligne-t-elle. Je dois m’assurer que mon enfant dorme bien avant de mettre en scène la bêtise qui parfois peut être longue et fastidieuse à préparer. Les idées peuvent manquer ou se révéler trop complexes à réaliser… C’est une charge mentale supplémentaire à laquelle il faut penser chaque soir, au risque de devoir se lever du lit en sursaut car on a oublié de mettre les lutins en action. »
Corvée et accoutumance
Une charge qui s’ajoute aux nombreuses tâches quotidiennes : la cuisine, le ménage, le linge, les devoirs pour les plus grands… Sans oublier les semaines de travail et les cadeaux à dénicher pour Noël. De quoi se sentir submergé.
« C’est la deuxième année que je fais les lutins farceurs pour mon fils et la deuxième fois que je me demande pourquoi je me suis lancée là-dedans. Après des journées bien remplies, j’ai souvent la flemme. Ça finit souvent de façon expéditive, le plus simple et rapide possible ! », explique Louise, 30 ans.
Pour Khalil, cette activité est même carrément devenue une « corvée ». « Au début, c’est sympa et ça fait rire les enfants ; ça nous amuse aussi de trouver des farces originales et qui s’adaptent à la maison. Mais passé la première semaine, ça devient plus compliqué, il faut renouveler les mises en scènes, on y pense comme à une corvée et on appréhende le rangement qu’on va devoir faire après. » Et d’ajouter : « En plus il y a une forme d’accoutumance qui se crée chez les enfants qui vont s’attendre à des farces de plus en plus spectaculaires chaque jour. » Au risque d’une overdose de part et d’autre ?
Des doubles maléfiques ?
Marie, une enseignante de 45 ans, se montre, elle aussi, dubitative, mais d’un point de vue moral. « Je trouve cette nouvelle mode un peu déconcertante : valoriser les bêtises dans notre société d’aujourd’hui n’est-il pas une fausse bonne idée ? », s’interroge-t-elle. On imagine que cela dépend un peu de l’intensité de la farce.
Enfin, il semblerait que certains parents utilisent – exploitent ?- ces farfadets à des fins éducatives. « Moi, je n’utilise pas la magie des lutins pour régler certains conflits d’éducation ou faire divers chantages. Mais ma fille me raconte qu’un lutin voisin s’est mis en grève de bêtises car la chambre des enfants n’était pas rangée… », dévoile Corine.
Blagues graveleuses, boxon dans la maison, manipulation… De quoi se demander si ces petits personnages ne prennent pas possession des parents. Lutins farceurs ou maléfiques ?