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« Mais où est-ce que je me suis garé ? »… On a tenté de percer le mystère des voitures abandonnées à la fourrière

Vous avez déjà eu la « chance » que votre véhicule soit embarqué en fourrière ? Alors vous avez sans doute observé, en allant le récupérer, que bon nombre d’autres voitures étaient entassées sur place, comme si elles avaient été abandonnées. Et ce n’est pas une simple impression. Si peu de statistiques existent en la matière, sachez tout de même que l’on comptait en 2019 en France environ 45.000 véhicules abandonnés dans ces lieux, selon les données de l’Etat communiqués par l’Ademe.

A Strasbourg, par exemple, pas moins de 6.759 voitures ont été mises en fourrière au cours des douze derniers mois d’activité, nous explique Richard Gaspar, chef d’exploitation. Sur ce total, 71 % ont été récupérées… et 29 % ne l’ont pas été, donc. On a pu retrouver les propriétaires de la moitié d’entre elles ; pour eux, « il y a un petit courrier qui part et qui leur demande de payer l’enlèvement et le gardiennage », poursuit le responsable. Mais pour l’autre moitié, les véhicules n’ont été ni réclamés ni payés par leurs propriétaires dans les délais réglementaires.

Top chrono après l’accusé de réception

Autant d’abandons qui coûtent cher à la collectivité. Frais de gardiennage, assurances, personnels, destruction, frais administratifs… La facture s’élève à près de 13 millions d’euros par an pour l’État, selon les estimations de la Délégation à la Sécurité routière et les collectivités territoriales. Et quelques millions encore pour les collectivités disposant d’une fourrière territoriale.

Mais alors, pourquoi abandonner son véhicule plutôt que de le récupérer ? Pour y répondre, il faut d’abord savoir que le propriétaire dispose d’un délai limité pour remplir tout un tas de formalités et aller chercher sa voiture. Un courrier avec un accusé de réception lui est envoyé dans les cinq jours ouvrables suivant l’enlèvement. Et là, le compte-à-rebours démarre. S’il s’agit d’une voiture en fin de vie, sans réelle valeur marchande, le délai est de dix jours avant qu’elle ne soit considérée comme « abandonnée ». Ensuite, direction la casse. Ce délai passe à quinze jours si la voiture a encore de quoi rouler : elle est « abandonnée » au bout de deux semaines, et ce sont les Domaines qui seront chargés de la revendre.

Une « banale galère » pour les automobilistes

Des délais aussi courts sont une des principales raisons pour expliquer ces abandons. Car pour aller chercher sa voiture à la fourrière, encore faut-il savoir qu’elle y est. Déplacement pro, vacances… il arrive en effet que les jours passent sans que l’on ne s’en rende compte. C’est « le même souci d’automatisation que pour les PV en général, relève Alexandra Legendre, porte-parole de la Ligue de défense des conducteurs. Les autorités n’arrivent pas ou ne peuvent pas toujours ou réussir à vous informer à temps, un problème lié à la déshumanisation des services publics où d’entreprises privées. C’est finalement un sujet banal de galère qui tombe sur des automobilistes – pas forcément de mauvaise foi – qui veulent récupérer leur voiture alors qu’ils n’étaient pas là, ou hospitalisés, en voyage… ».

Et de citer 2020, année du Covid-19 : « Lors du confinement, des propriétaires avaient été dans l’impossibilité de se déplacer ou devaient attendre que la fourrière réouvre ».

La fourrière, ça coûte cher

Autre piste pour expliquer ces « cimetières » de voitures : la paperasse. Le conducteur n’a pas les documents nécessaires pour retirer sa voiture – absence de permis, d’assurance auto, il n’a pas signifié à l’administration un changement d’adresse… – Enfin, il y a la question du prix : la fourrière, ça coûte cher. A Paris notamment, comptez 179 euros pour le premier jour, puis 29 euros par jour supplémentaires de gardiennage. Si le propriétaire ne souhaite pas récupérer son véhicule, il peut en informer les autorités et les frais de destruction ne lui seront pas facturés. Et pour un propriétaire non identifié et dont la voiture ne vaut plus grand-chose, il est tentant de faire le mort.

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Notons tout de même que si la voiture est revendue et que cela rapporte davantage que les frais de fourrière, il est possible de réclamer ce surplus aux Domaines. D’ailleurs, le délai entre l’enlèvement et la vente aux enchères varie selon les fourrières, en fonction souvent de la place dont elles disposent. Si certaines choisissent de s’en débarrasser dès l’expiration des délais légaux, d’autres peuvent attendre plusieurs semaines. Ce qui permet à certains « chanceux », sous réserve de régler des frais d’enlèvement, de gardiennage et de dossier si les Domaines s’en sont saisis, de récupérer leur voiture in extremis, avant qu’elle ne soit vendue ou détruite. Et de repartir en se promettant de bien se garer la prochaine fois.