Mais ça veut dire quoi, « produire » de la musique ? Oscar Emch nous explique les dessous de ce métier

On entend ce mot partout : producteur. Dans les génériques, dans les crédits d’album, sur scène ou en légende Instagram. Mais que signifie vraiment produire de la musique ? Est-ce qu’il s’agit de financer ? De composer ? D’enregistrer ? De tout faire en même temps ?
Oscar Emch, producteur, chanteur et musicien, a expliqué à 20 Minutes ce que recouvre ce terme dans son quotidien de créateur. À 30 ans, il a réalisé des morceaux pour Luidji, Enchantée Julia, Prince Waly ou Aupinard. Mais il est aussi à la tête de son propre projet musical, avec un premier album sorti en 2025.
Composer, enregistrer pour l’habillage des mots
« Produire de la musique, pour moi, c’est composer les accords, enregistrer les instruments, accompagner la voix, chercher les textures… C’est transformer une idée musicale en quelque chose de tangible. » Derrière la production, se cachent plusieurs étapes, « on appelle ça aussi la réalisation », explique-t-il
C’est-à-dire que je prends l’idée musicale, donc la composition, et c’est toutes les étapes qui amènent à ce que ce soit un produit fini, qu’on peut mixer, masteriser et vendre. Donc toute la partie enregistrement en fait.
Et si produire de la musique n’était finalement pas une mise en note de texte ? « Au début, quand je faisais de la musique pour moi, j’avais peut-être tendance à m’éparpiller parce que de base je suis guitariste. Je mettais beaucoup l’instrumental en avant, et au final la partie chanteur et la partie auteur étaient un peu secondaires. », explique l’artiste.
Travailler avec des artistes dont l’outil principal est la voix a tout changé. « Ils apportent l’autre spectre : celui du texte, de la mélodie vocale. Moi je fais en sorte de construire la musique autour de ce squelette, j’habille l’histoire. » Ce déplacement du centre de gravité – de l’arrangement vers l’émotion – a marqué un tournant pour lui.
« Comprendre cela, ça m’a permis d’évoluer en tant qu’artiste. Si je voulais finir mon album, il fallait que je mette un peu de côté la casquette de compositeur et que je travaille vraiment les histoires que j’avais envie de raconter, affiner ma plume, trouver une manière de parler de moi qui fonctionne. »
Son album « Ma Voix » est né de cette transformation. Un disque introspectif, épuré, où le texte reprend sa place. « J’ai appris à faire des choix. Ce qui me bloquait avant, c’était trop d’idées, trop d’arrangements, trop d’informations. Là, j’ai cherché l’épure. »
Produire pour les autres…
Quand il travaille avec d’autres artistes, comme Enchantée Julia ou Luidji, il s’agit souvent d’un échange constant. Premier cas : l’idée vient de lui. « Parfois, j’ai une démo assez avancée – avec des accords, une rythmique, une ambiance – que je fais écouter à un artiste. Si ça l’inspire, il écrit dessus, et ensuite je retravaille la structure en fonction de son texte ». Deuxième cas : les artistes ont une idée, et viennent lui demander s’il n’a pas quelque chose pour eux. Oscar se souvient précisément d’un morceau comme cela : « Cinéma », avec Enchantée Julia et Luidji.
« C’était en 2019. Julia faisait une session avec Luidji, elle m’a demandé d’envoyer des idées. J’étais sur le retour du taf, j’ai foncé chez moi, et j’ai retrouvé un vieux fichier audio… une boucle bizarre de 20 secondes. Et à ma grande surprise, ça a plu à Luidji. Il a dit : « On peut en faire un truc plus lent. » »
La suite ? Une construction artisanale, collective, dans le salon de Luidji. « On était tous là : Julia écrivait dans un coin, Luidji dans sa cuisine, moi je bidouillais sur l’ordi. On testait, on échangeait, on enregistrait au fur et à mesure. Ce que j’aime le plus, c’est quand ça se construit à plusieurs, dans l’énergie du moment. » Cette approche à trois voix, loin d’être anecdotique, reflète une vérité profonde du métier : produire, ce n’est pas seulement poser des sons. C’est écouter, s’adapter, chercher la bonne direction ensemble.
… produire pour soi
Mais cumuler les casquettes n’a rien d’évident. Composer, arranger, chanter, produire : tout cela demande des postures différentes. Et parfois, il faut accepter de les dissocier. « C’est plus compliqué, oui. Ça prend plus de temps pour trouver son équilibre. Mais quand on y parvient, le résultat est souvent beaucoup plus cohérent. »
Pour composer ses propres morceaux, Oscar n’hésite pas à mettre en place une méthode stricte : « Je me disais : aujourd’hui, tu n’as pas le droit de faire de la prod. Tu écris, de telle heure à telle heure. Et parfois, au bout de trois heures, il se passe enfin un truc. La lumière vient. »
Nos articles Musique
C’est cette discipline qui lui permet aujourd’hui d’improviser sur scène avec une aisance nouvelle. « À la Maroquinerie, j’ai joué 1h45. C’était mon concert le plus long. J’ai improvisé des parties entières à la guitare. Avant, je n’aurais jamais osé ». Avec le temps, Oscar Emch a trouvé un équilibre entre technicité, émotion, et lâcher-prise faisant de lui un artiste complet.