Macron sur TF1 : Fin de vie, immigration, retraites… Qu’est-il possible de faire (ou pas) avec un référendum ?

Emmanuel Macron l’avait annoncé lors de ses vœux pour l’année 2025, assurant qu’il demanderait au Français de « trancher certains sujets déterminants ». La question du référendum est une nouvelle fois revenue sur le devant de la scène à l’occasion d’une longue interview donnée sur TF1. « Je souhaite qu’on puisse organiser une consultation multiple, c’est-à-dire plusieurs référendums en même temps dans les mois qui viennent, au sens de l’article 11 de la constitution », a déclaré Emmanuel Macron hier soir.
Immigration, écrans et enfants, fin de vie, finances publiques… Plusieurs thématiques ont été abordées via la question d’un potentiel référendum, sans que les questions précises souhaitées par le président de la République ne soient réellement connues. Que permet vraiment le référendum ? Est-il vraiment un outil qui permet aux Français de trancher sur toutes les questions ? La réalité est loin d’être aussi simple, comme l’expliquent plusieurs experts en droit constitutionnel interrogés par 20 Minutes.
La Constitution limite le recours au référendum
C’est l’article 11 de la Constitution qui détaille les conditions nécessaires à la mise en place d’un référendum. La première étant que ce dernier doit porter sur un projet de loi. Ce qui constituerait déjà un obstacle dans le cadre de la fin de vie, qui est précisément une proposition de loi, dont le passage par référendum a été évoqué par Emmanuel Macron pour débloquer un possible enlisement au niveau parlementaire. « Il faudrait déposer un projet de loi, un texte venant du gouvernement », explique le constitutionnaliste Benjamin Morel. Second obstacle : il est loin d’être certain que la fin de vie fasse partie des sujets pour lesquels un référendum est possible en vertu de l’article onze.
« Trois cas de figure sont possibles : l’organisation des pouvoirs publics, les réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale, et la ratification de traités. Il y a un doute pour savoir si les questions de société [comme la fin de vie] sont des politiques sociales », résume Michel Lascombe, agrégé de droit public et spécialiste du droit constitutionnel. « Dans la proposition de loi actuelle, il y a tout un pan qui relève du droit pénal » qui est donc en théorie également en dehors de l’article 11 de la Constitution, ajoute Benjamin Morel, que cette proposition laisse dubitatif sur le plan juridique.
Dans le cas où le président décide tout de même d’adopter une lecture élargie du fameux article, reste l’obstacle du recours au Conseil constitutionnel. Ce dernier pourrait en effet être saisi du décret de convocation des électeurs, c’est-à-dire l’acte juridique qui permet de déclencher la procédure électorale. « Dans ce cas, on a tous les risques que le Conseil déclare que le recours au référendum est inconstitutionnel », estime Bertrand Mathieu, juriste spécialiste de droit constitutionnel.
Sur l’immigration, l’adoption d’une loi générale impossible
Hier, le chef de l’Etat a également fermé la porte à la proposition d’un référendum sur le sujet de l’immigration, mise sur la table par le ministre de l’intérieur Bruno Retailleau, arguant que la question ne rentrait pas dans le champ de l’article 11. C’est en fait ici aussi une question d’interprétation plus ou moins extensive de l’article, au même titre que la question de la fin de vie. « Mais comment rédiger la question ? » , interroge Michel Lascombe. « Il faut adopter des articles de loi. On ne peut pas simplement demander »souhaitez vous réduire l’immigration ? » ».
Le spécialiste souligne également que la France est soumise à des traités internationaux, dont l’autorité supérieure à celle des lois, auxquels le projet de loi soumis au référendum devra être conforme. « L’immigration est un thème. Tout ce qui relève de la politique économique et sociale de la nation peut entrer dans l’article 11, détaille Benjamin Morel, citant l’exemple de l’aide médicale d’Etat. En revanche tout ce qui relève du domaine pénal et civil ne serait pas constitutionnel. » Une analyse partagée par Bertrand Mathieu : « On ne peut pas avoir une loi générale sur l’immigration adoptée par référendum. »
Si le « Oui » l’emporte, la loi doit être promulguée
Si Emmanuel Macron décidait de référendums sur des projets de loi jugés constitutionnels au regard de l’article 11, pourrait-il pour autant en organiser « plusieurs en même temps », comme il l’a annoncé ? « Il n’est pas possible de faire deux projets de loi dans le même référendum. Mais il est possible de faire deux projets de loi le même jour », précise Michel Lascombe. En clair, il faudra une urne et un scrutin pour chaque projet de loi. « S’il y a trois référendums en même temps, il faut trois urnes et trois jeux de bulletins, image Benjamin Morel. On sait qu’on peut en organiser environ trois en même temps, car on connaît le nombre moyen d’urnes par bureaux de votes. »
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Poursuivons dans l’hypothèse où le « Oui » l’emporte pour l’une de ses questions. Emmanuel Macron aura-t-il la possibilité d’ignorer le résultat, si celui-ci ne correspond pas à ses attentes ? Au regard du droit, non. « Dans le cas d’un référendum dans le cadre de l’article 11, le projet de loi adopté devient automatiquement une loi. Le président n’a pas d’autre choix que de promulguer la loi adoptée », assure Bertrand Mathieu.