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Lyon : « Ni retraite de misère, ni bac Blanquer », des professeurs se mobilisent et ne surveillent pas les épreuves

Ce lundi midi, ils auraient dû vérifier les identités, faire émarger les candidats et ramasser les copies. A la place, ils ont distribué des jus de fruit et des gâteaux en souhaitant « bonne chance » à leurs élèves de terminale. Vingt-cinq professeurs, convoqués pour surveiller la première journée des épreuves de spécialité du baccalauréat général et technologique, ne se sont pas rendus en classe. « C’est notre moyen d’agir pour protester contre la réforme des retraites », lance Morgane, professeure d’anglais dans ce lycée de Vaulx-en-Velin, près de Lyon.

« Les parents de nos élèves, issus de milieux populaires, sont les premiers touchés par cette réforme injuste, insiste-t-elle. On voit déjà certains de ces jeunes sur les chantiers ou travailler la nuit. Travailler jusqu’à 64 ans est littéralement impossible. On continuera de se mobiliser pour eux. » De nouvelles actions sont d’ores et déjà prévues mardi et jeudi.

Une grève, pas un blocage

Un peu d’excitation, des fausses joies pour certains et beaucoup de questions. En arrivant devant leur lycée, les élèves de terminale ont douté. « On va passer le baccalauréat ou pas ? », lance l’un d’entre eux. La réponse est oui. « Ce n’est pas un blocage mais une grève », rappelle David, professeur de la spécialité numérique et sciences informatiques (NSI). « Bah ça sert à quoi alors ? », interroge le lycéen. « A rien », répond l’enseignant, déçu.

La vingtaine de surveillants mobilisés a appris quelques instants avant leur action que des « briseurs de grève » avaient été sollicités par le rectorat afin de les remplacer. Ils ont assuré ainsi la « bonne tenue des épreuves ». « C’est rageant, reprend David. Avec cette réaction, le rectorat attaque notre droit de grève et en plus, il utilise du personnel administratif qui n’a rien à voir avec l’enseignement. » D’après ses informations, le proviseur a « chargé » les salles et a « tiré sur les effectifs » passant de trois à quatre personnes pour surveiller les élèves. Plus de 270 candidats ont été convoqués.

« Pas sûr que les règles à suivre pour faire passer un tel examen aient été respectées », pointe Nil. Pour ces profs, il aurait fallu « reporter les épreuves ». « Contrairement à ce qu’on peut entendre, ça aurait vraiment rendu service aux élèves », assure le prof de NSI. Ce dernier précise qu’ils ont été préparés « normalement » et que la décision de faire grève a été prise vendredi midi.

Les élèves « auraient aimé » un report des épreuves

« Je soutiens complètement les professeurs », affirment Elias, Mouni et Mathieu, 17 et 18 ans. Même s’ils partagent leurs inquiétudes sur les retraites, leur principale préoccupation, c’est l’examen à passer. « J’aurais vraiment trop aimé que ce soit reporté, lance Asmaa. C’est trop tôt, il y a trop de travail, trop de stress ». Yasmin approuve : « Ces matières comptent pour le bac mais surtout, pour Parcoursup. Et ce sont celles qui ont le plus gros coefficient, appuie-t-elle. C’est horrible mais on n’a pas le choix, on y va ! »

En plus de la réforme des retraites, les enseignants du lycée Robert-Doisneau protestent également contre la réforme Blanquer, entrée en vigueur en 2019. Cette dernière a mis en place la tenue des épreuves de spécialité en mars. Avant, tous les examens des terminales se déroulaient en juin, ce qui « facilitait l’organisation de tout le lycée », mais aussi « le calendrier à tenir ». Les professeurs exigent alors son retrait. « Pour nos élèves, ni retraite de misère, ni bac Blanquer ! », résument-ils.

« Les programmes sont infaisables en un semestre, ça donne énormément de stress aux élèves, s’exclame Mathieu, professeur de mathématiques. Et ce sont toujours les mêmes qui subissent. Finalement, le dénominateur commun de ces deux réformes, c’est qu’elles passent sans tenir compte des avis des personnes sur le terrain. »