Lutte contre le narcotrafic : Pourquoi les sénateurs veulent créer un nouveau parquet anticriminalité ?
Deux propositions de loi pour un même but : « sortir la France du piège du narcotrafic ». A partir de ce mardi et pendant trois jours, les sénateurs se penchent sur deux textes visant à renforcer la lutte contre la criminalité organisée. Le premier était dans les tuyaux depuis déjà de longs mois : la création d’un parquet national anticriminalité – Pnaco, pour les intimes –, sur le modèle de ceux qui existent pour les affaires de terrorisme ou de grande délinquance financière. L’autre texte propose de nombreux outils à destination de la justice ou des forces de l’ordre : création d’une nouvelle infraction d’appartenance à une organisation criminelle, renforcement du statut de repenti, gel administratif des avoirs…
Le texte présenté ce mardi a déjà été remanié par les sénateurs de la commission des lois. Principale modification : après avoir envisagé de créer un « parquet national anti-stupéfiants », le Sénat a finalement opté pour une structure élargie, traitant de la criminalité organisée dans son ensemble. Si le narcotrafic y tient une place prépondérante, cette évolution permet de prendre en compte la porosité du trafic de stupéfiants avec celui d’armes ou la traite d’êtres humains.
Des réseaux toujours plus complexes
Son rôle reste toutefois inchangé : se concentrer sur les affaires les plus complexes, celles dites « de haut de spectre » et assurer une meilleure coordination des juridictions sur la criminalité organisée. « Le parquet national antiterroriste a démontré son efficacité, donc pourquoi ne pas faire la même chose avec des affaires d’une grande complexité qui nécessitent des compétences spécifiques ? », soutient une source policière haut placée. Et de préciser : « A condition évidemment de le doter de moyens, sinon, cela n’a aucun intérêt ».
Confiant sur l’issue du vote, le ministre de la Justice, Gérald Darmanin, a annoncé dès lundi soir sur TF1 que ce parquet pourrait être opérationnel dès 2026. « A l’instar du sursaut collectif auquel nous ont contraints plusieurs attentats terroristes, la lutte contre la criminalité organisée en particulier, doit constituer une priorité absolue pour l’ensemble des parquets », a-t-il développé dans une circulaire envoyée aux procureurs et dont 20 Minutes a eu connaissance.
La création de ce nouveau parquet fait écho à l’évolution des réseaux criminels. Chefs installés à l’étranger, réseaux cryptés ou encore avoirs financiers transitant par des comptes hors de France rendent les enquêtes de plus en plus sinueuses et complexes. Ainsi, l’an dernier, quelque 373 millions ont été saisis par le parquet de Paris (toutes sections confondues). Un chiffre « remarquable », selon les mots de la procureure de la République, Laure Beccuau, mais bien loin des sommes générées. Selon le rapport de la commission d’enquête sénatoriale publié en juin, le trafic de drogue engendre « a minima un chiffre d’affaires annuel de 3,5 milliards d’euros en France ».
Une section spécialisée depuis 2019
« La lutte contre la criminalité organisée, quelle que soit sa structure, ne progressera pas sans l’affectation de moyens adaptés », a mis en garde, lors de la rentrée solennelle, la magistrate. Il existe en effet déjà, depuis 2019, une section spécialisée au sein du parquet de Paris, la Junalco, chargée d’enquêter sur les affaires de criminalité organisée les plus complexes. L’évasion de Mohamed Amra en mai 2024, ou plus récemment l’enlèvement de David Balland, co-fondateur d’une start-up de cryptomonnaies, ont par exemple atterri dans son giron. La principale modification serait l’extension de son champ d’action et le renforcement des équipes. Selon le ministère de la Justice, le nombre de magistrats dédiés à la lutte contre la criminalité organisée devrait augmenter de 20% dans les deux prochaines années, pour atteindre 150 magistrats.
Notre dossier sur le narcotrafic
Même si de nombreuses mesures font consensus – à l’instar du renforcement de l’Ofast, l’office anti-stupéfiants –, certaines s’annoncent d’ores et déjà particulièrement discutées. A commencer par la création d’un « dossier coffre » qui rendrait inaccessible certains PV à la défense, afin de ne pas divulguer des techniques d’enquêtes pointues, ou la possibilité pour les préfets de prononcer des « interdictions de paraître » sur les points de deal.