France

L’opération Poker : simulation de raid aérien nucléaire en France.

Dans la nuit de mardi à mercredi, une « opération Poker », simulation de raid aérien nucléaire, s’est déroulée au-dessus du territoire français. Ce type d’exercice, qui n’est jamais annoncé par l’armée de l’Air et de l’Espace, a eu lieu durant une bonne partie de la nuit et mobilise une quarantaine d’aéronefs.


Une partie de poker qui a duré une bonne partie de la nuit. Dans la nuit de mardi à mercredi, une « opération Poker », simulation de raid aérien nucléaire se concluant par un tir fictif, a eu lieu au-dessus du territoire français. Cet exercice de l’armée de l’Air et de l’Espace (AAE) se déroule quatre fois par an et permet l’entraînement des FAS (Forces aériennes stratégiques), la composante nucléaire aéroportée permanente.

Cette mission a mobilisé une quarantaine d’aéronefs, principalement des Rafale B de la 4e escadre de chasse et des ravitailleurs A330 MRTT Phénix. À ces moyens se sont ajoutés des avions dits conventionnels (Mirage 2000-5, Rafale C, E-3F…) qui accompagnaient le raid pour certains, tandis que d’autres tentaient de le contrecarrer.

Un exercice scruté à la loupe. Ce type d’exercice, jamais annoncé par l’AAE et rarement commenté, avait néanmoins fait l’objet d’une note du service d’information aéronautique, annonçant « des vols de basse, moyenne et haute altitude ainsi que des opérations de ravitaillement, d’interception et de détection aéroportée » dans la nuit du 9 au 10 décembre. Plusieurs « zones réglementées temporaires (ZRT) » et « zones dangereuses temporaires (ZDT) » avaient de plus été établies à l’avance, notamment au-dessus de la Bretagne, de l’océan Atlantique et du Sud de la France.

Partie la plus visible de l’entraînement des FAS, l’opération Poker est régulièrement surveillée par les sites de tracking aérien ainsi que les spécialistes de la dissuasion. Le compte de suivi aérien Trackeur-ADSB a d’ailleurs relayé l’événement de cette nuit.

Les appareils ont décollé des bases d’Avord, Istres et Evreux. Après avoir survolé la Bretagne, les ravitailleurs et les chasseurs se sont regroupés « dans le secteur Méditerranée/Pyrénées », comme le rapporte le compte Trackeur-ADSB. Les chasseurs ont ensuite « ajusté leurs niveaux de vol, caps et vitesses », avant de « pénétrer à basse altitude vers le Massif central » pour le lancement du raid. Simultanément, « les forces RED [simulant la menace ennemie] se sont positionnées progressivement, ouvrant des bulles de détection fictives et générant une pression tactique destinée à tester la capacité de survie, de coordination et de réaction du dispositif ».

Tester et évaluer les procédures opérationnelles des FAS. Joint par 20 Minutes, Etienne Marcuz, analyste sur les armements stratégiques à la Fondation pour la recherche stratégique, souligne qu’il s’agit « d’un exercice majeur, existant depuis le début des FAS, qui implique une partie significative des appareils opérationnels à un instant T, pendant une bonne partie de la nuit ». Il précise que lorsque les Rafale passent à basse altitude, « ça réveille pas mal de monde »… Pendant que les chasseurs effectuent cette phase de pénétration à grande vitesse, les avions-ravitailleurs MRTT restent en haute altitude. « L’exercice comprend également des batteries antiaériennes SAMP-T au sol, visant à alerter une force adverse aussi réaliste que possible, face à laquelle pourraient se retrouver les FAS. »

L’exercice se déroule généralement de nuit, « car c’est beaucoup plus contraignant », et uniquement avec des appareils de l’armée de l’Air française. « On a relevé une fois la présence d’un ravitailleur italien », note cependant Etienne Marcuz.

Le ministère des Armées communique très peu sur cet exercice. Le 19 décembre 2024, il avait néanmoins publié un communiqué au lendemain d’une opération Poker, expliquant que cet exercice « permet de tester et d’évaluer les procédures opérationnelles des FAS, leurs équipements et leurs infrastructures dans des conditions « réelles » allant de la phase de planification à la phase d’exécution du raid nucléaire. Cette opération sert également de laboratoire pour tester des tactiques innovantes en intégrant notamment le multimilieu et le multichamp (M2MC). »

« Au-delà de l’entraînement, ajoute-t-il, l’opération Poker est un moyen de démontrer la crédibilité opérationnelle et technique ainsi que le haut niveau d’expertise de la composante nucléaire aéroportée auprès des alliés et des partenaires internationaux de la France, mais aussi vis-à-vis de ses compétiteurs. »