France

Lire avec un chien, une étonnante méthode pour aider les enfants à « dédramatiser » la lecture

Même quand l’histoire parle de gros chats, il ne bouge pas d’un poil. Confortablement allongé sur une banquette rouge, un plaid sous les pattes, Ixo profite du moment. Il faut dire que ce mignon chihuahua de 9 ans, soigneusement brossé pour l’occasion, est la star de la médiathèque Etienne-Caux de Saint-Nazaire (Loire-Atlantique), ce mercredi après-midi. Une douzaine d’enfants ont retiré leur ticket pour venir lui raconter une histoire, à lui et sa maîtresse, dans le cadre de l’opération gratuite « Lire avec un chien » qui se déroule ici une fois par mois.

Dans le petit espace cosy aménagé sous l’escalier, c’est au tour d’Adrien de passer un moment, entre 10 et 15 minutes par séance, avec le toutou. Le garçon, en classe de CP, s’assoit et se lance. D’une petite voix, il s’applique à bien prononcer les mots du livre de circonstance qu’il a choisi, Le Magicien d’os. S’il garde une main de libre pour tourner les quelques pages, il n’oublie pas de distribuer des caresses à son nouveau compagnon, de l’autre. « Je ne sais pas si Ixo a compris toute l’histoire, mais au moins il aura appris quelques mots », sourit son grand frère Alexis, qui s’est lui aussi livré à cette étonnante expérience.

« L’animal ne juge pas »

Si ce tête à tête a sûrement plu au chihuahua, récompensé à chaque fois par une petite croquette, cette méthode s’adresse d’abord aux enfants, chez qui les bénéfices seraient nombreux. Spécialisée en médiation animale, la maîtresse d’Ixo, sollicitée par la médiathèque de Saint-Nazaire pour des interventions, confirme: « L’objectif est de dédramatiser la lecture, pousser au plaisir et pas forcément à la réussite, explique Linda Ouvrard, qui reste à côté de l’enfant pendant toute la séance, sans le reprendre ni le corriger. L’animal ne juge pas et n’attend pas de performance. Par sa présence, il offre un moment rassurant, calme et doux, dont l’enfant pourra se souvenir quand il se remettra en situation de lecture. »

Ce mercredi après-midi, les bambins qui se succèdent à la médiathèque semblent à l’aise avec les mots, même si certains ont dû vaincre leur timidité pour quitter leurs parents quelques instants. Mais la méthode Lire avec le chien, ou LAC, aurait déjà fait ses preuves chez les élèves en difficulté. « Des chercheurs de Boston (Etats-Unis) ont montré l’importance de l’animal pour donner l’audace de la voix haute en lecture, abonde Chantal Hazard, retraitée de l’Education nationale qui a importé le concept en France. Le chien n’apprend pas à lire mais aide à libérer l’enfant qui a des difficultés à l’école, par exemple parce qu’il zozote et qu’on le montre du doigt. »

Reprendre confiance en soi

Chantal Hazard, qui rapporte former une centaine de personnes (enseignants, psychologues, infirmières scolaires…) à cette méthode par an depuis 2019, est bien consciente que l’activité peut sembler loufoque, et pourtant. « La voix haute est capitale car quand il n’y en a plus, il n’y a généralement pas de lecture à voix basse non plus, poursuit-elle. Et ça peut vite devenir très gênant, rien que pour bien comprendre une consigne. » Si l’Education nationale est pour le moment plutôt frileuse, quelques écoles jouent le jeu. A Saint-Nazaire, Linda Ouvrard suit un petit groupe de CP, dans le cadre du programme de réussite éducative. 

« Certains démarrent en me disant qu’ils n’aiment pas lire, et finalement ils se sentent de plus en plus à l’aise, se félicite-t-elle. Même si c’est à la dernière phrase ou aux derniers mots, ils reprennent confiance en eux. » Une expérimentation a aussi été menée dans un collège de Martigues (Bouches-du-Rhône). « Quinze minutes de lecture hebdomadaire aux chiens augmenterait la capacité de lecture de 12 % pour les enfants scolarisés et jusqu’à 30 % pour les enfants déscolarisés », assurent les porteurs du projet, à destination des élèves de 6e.