L’intérim est-il vraiment la meilleure voie pour retrouver l’emploi ? Les acteurs du milieu répondent

L’intérim est-il la voie royale pour l’insertion professionnelle des allocataires du RSA ? A en croire la nouvelle convention signée entre France Travail et Prism’emploi (l’organisme professionnel des agences d’emploi et d’intérim), les deux parties en semblent convaincues. « Nous souhaitons offrir un véritable levier de retour à l’emploi pour tous, notamment dans les secteurs à forte tension de recrutement », a déclaré Thibaut Guilluy, directeur général de France Travail. Même son de cloche du côté de Prism’emploi : « Nous voulons non seulement faciliter l’accès à l’emploi pour les demandeurs d’emploi, mais aussi démontrer que le travail temporaire est une solution durable pour l’inclusion des publics les plus éloignés de l’emploi ».
Philippe Desplanques, directeur insertion pour Ergos, une entreprise de travail temporaire d’insertion (ETTI), conventionnée par l’État pour concentrer son activité sur l’insertion professionnelle des personnes en difficulté, observe que « le monde de l’intérim a toujours travaillé en étroite collaboration avec France Travail. Ce partenariat est cohérent, car il montre que le travail temporaire est un véritable outil d’inclusion. Mais du côté des acteurs de terrain travaillant avec les publics précaires et coupés de l’emploi, les réactions ne sont pas tout aussi enthousiastes.
« Ces idées viennent de gens dans des bureaux, complètement déconnectés de ces publics-là »
Le mouvement ATD Quart Monde est à l’initiative du dispositif « Territoire zéro chômeur longue durée ». Tout est dans le nom, cette expérimentation a pour but d’agir au niveau local afin de ramener les gens vers l’emploi, y compris les allocataires du RSA.
L’objectif étant de les faire travailler dans des entreprises à but d’emploi (EBE), des structures spécialement créées pour produire des emplois manquants au territoire et adaptés aux publics concernés. L’initiative, lancée en 2016, s’est étendue à plus de 70 territoires. Aujourd’hui, plus de 3.500 personnes sont embauchées par ces EBE d’après le site d’ATD Quart Monde. Pour ce faire, les équipes mobilisées proposaient un véritable accompagnement des personnes visées, quitte à même faire du porte à porte pour les repérer.
« Le chômage, c’est beaucoup d’isolement », observe Marie-Aleth Grard, la présidente du mouvement depuis 2020. Autant dire que d’après elle, ce partenariat renouvelé avec France Travail manque sérieusement de réalisme : « Ces idées viennent de gens dans des bureaux, complètement déconnectés de ces publics-là. De notre expérience, ce n’est pas avec de l’intérim que les allocataires du RSA vont se remettre dans l’emploi. Après des années à être isolés, on n’est pas forcément en mesure d’être dans des conditions de travail classiques et de respecter des horaires stricts. Ce qu’il faut, c’est du suivi humain et des personnes disponibles pour les aider à ce retour à l’emploi », déclare la présidente.
Se concentrer sur les profils les plus prêts à l’embauche
« Le constat d’ATD Quart Monde est juste », commente Philippe Desplanques. « Mais il oublie qu’il n’y a pas qu’un seul profil type d’allocataire du RSA et que tous n’ont pas le même degré d’employabilité. C’est pour cela que les agences de travail temporaire vont d’abord concerner les allocataires les plus prêts à se remettre dans un tel rythme. ça devrait permettre à France Travail et aux autres acteurs de l’inclusion de se concentrer sur ceux qui nécessitent un accompagnement plus renforcé. Notre travail est complémentaire de celui d’acteurs comme ATD Quart Monde », estime-t-il.
A ses yeux, l’intérim est un modèle qui fait ses preuves. Pour l’heure, « un allocataire du RSA a 7 chances sur 10 de retrouver un emploi via l’ETTI. Et parmi eux, un tiers accède à un emploi durable, en CDI ou en CDD long », rappelle-t-il.
Cependant, le cadre de l’ETTI émet quelques réserves quant à cette convention renouvelée. Il attend désormais plus de proactivité de la part de France Travail, notamment sur le filtrage des candidats : « Comme l’a rappelé ATD Quart Monde, toutes les catégories des bénéficiaires du RSA ne peuvent pas travailler dans l’intérim. Il faut aussi plus de proactivité de la part de France Travail dans le filtrage des candidats pour que l’on reçoive les profils les plus adaptés. »
Des milliers d’offres d’emploi en un clic
De plus, le budget 2025 de l’Etat laisse planer de nombreux doutes pour les ETTI. Selon la Dress (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques), 4,3 millions de personnes perçoivent en France les minima sociaux. Le RSA représente le plus d’allocataires parmi eux.
A cet égard, Philippe Desplanques craint que la baisse des crédits ne les contraigne dans leur activité : « Nous avons perdu 5 % de notre budget dédié à l’accompagnement, ce qui complique notre mission. » L’efficacité des ETTI est chifrée. Mais sans soutien conséquent et pas forcément adapté à tous les publics, difficile de vendre l’intérim comme l’eldorado des chercheurs d’emploi.