France

L’interdiction des puffs laisse les buralistes à l’affût et les épiciers peu convaincus

«Bâtir une première génération sans tabac. » Voilà l’ambition poursuivie par nos gouvernements français successifs. Et si les augmentations successives du prix des cigarettes, passé de 3 à 12 euros en vingt-cinq ans, semblent avoir porté leurs fruits, (de 40 % en 2000 à 16 % en  2022 de fumeurs quotidiens chez les 17 ans), l’apparition sur le marché français en 2021 des puffs, ces cigarettes électroniques jetables interdites à la vente depuis ce mardi, s’est révélée être un caillou dans la chaussure de cette ambition. Et pour cause, une étude de l’Alliance contre le tabac montre que les puffs ont été la porte d’entrée des jeunes vers l’addiction à la nicotine pour 47 % des 13/16 ans.

« Elles sont fruitées et ludiques et ont attiré surtout les jeunes, les femmes et les gens de la nuit, qui en achetaient une en plus d’un paquet classique pour pouvoir fumer en intérieur plus discrètement », constate auprès de 20 Minutes Martine, du bar-tabac brasserie Saint-Victor, à Marseille. Mais pour cette buraliste marseillaise, l’interdiction des cigarettes électroniques jetables n’aura pas de grands effets et présente même quelques raisons de s’en réjouir : « En fait, on en vendait assez peu. Ce sont surtout les épiciers et alimentations qui le faisaient parce que les marques traditionnelles de tabac ne s’étaient pas mises sur le marché. »

Les cigarettiers rattrapent le train en marche

Mais les Philippe Morris, Imperial Brands (Gauloises, JB’s) ou BAT (Lucky Strike, Dunhill) ont vite rattrapé le coup. Dans la vitrine de la partie tabac de la brasserie, les recharges pour cigarettes électroniques types puffs, aux parfums myrtille, milk-shake ou encore fruits rouges, fabriquées par les cigarettiers traditionnels, figurent en bonne place. « Et comme ces fabricants traditionnels ont déjà leur réseau de distribution, avec nous les buralistes ou les boutiques spécialisées dans la vape, ils ne devraient pas aller démarcher d’autres », anticipe-t-elle, bien que ces produits représentent une part marginale de son activité tabac, qu’elle considère bien plus menacée par les cigarettes remontées d’Espagne et revendues à la sauvette ou sous les comptoirs.

Une même relative indifférence règne chez des épiciers situés à proximité immédiate des boîtes de nuit et bar du Vieux-Port. « Oui, j’ai vu », commente Marwan* pour qui cela ne changera rien car « les petits continueront d’en trouver facilement sur les réseaux sociaux ». En somme, un produit en plus à mettre à la carte des charbonneurs et livreurs de produits illicites, imagine-t-il.

Sofiane, un de ses voisins et collègue de profession ne s’imagine pas arrêter d’en vendre. « Ça marche bien, surtout le soir », explique-t-il sans surprise, alors que ces produits aux promesses de 900 bouffées aux parfums variés sont bien visibles sur son comptoir. « A vrai dire, tant que l’on ne vient pas me dire de les enlever, je vais continuer à en vendre », assure-t-il en confiance. Autant dire que la partie n’est pas gagnée.