France

L’inter-files interdit pour les motards en janvier ? Voilà ce qu’ils en pensent (et ce que pensent les automobilistes)

Filer au milieu canyon, bientôt de l’histoire ancienne ? La circulation inter-files (CIF) des motos et scooters, c’est-à-dire le fait de remonter les bouchons entre les files de véhicules, c’est peut-être bien terminé. Dès le 1er janvier, son expérimentation, qui court depuis presque dix ans, arrive à son terme. La Sécurité routière attend le bilan 2024 du Cerema afin de décider s’il faut l’interdire ou pas. Si elle freine dur, la législation reviendra alors à celle d’avant le début de l’expérimentation commencée en 2016, soit une peine de 135 euros d’amende (4e classe) et trois points de permis en moins pour les fauteurs.

Sollicités sur la question, les lecteurs et lectrices de 20 Minutes ont troqué un instant leur guidon ou leur volant le temps de saisir un clavier. Et ils sont aussi nombreux que divisés.

« Je m’imagine en train d’attendre derrière un bus »

« Désolant », « débile » « pour remplir les caisses de l’Etat », « à cause d’Hidalgo, comme les 50 km/h »… Encore une fois, les motards sont en colère et n’accepteraient pas cette marche arrière. « Je m’imagine en train de faire la queue derrière un autobus, en plein été, sous un soleil de plomb, équipé de mon blouson, pantalon, casque, gants et bottes réglementaires… ou bien alors rouler en short, tee-shirt et sandales », ironise George. Si les questions vestimentaires peuvent préoccuper, c’est surtout la question sécuritaire qui est posée. Motard depuis plus de trente ans, Jean-Michel « remonte les bouchons en double file, mais à faible vitesse ». Et pointe le danger automobiliste. Notamment ceux, « nombreux, qui regardent leur téléphone mais pas dans leurs rétroviseurs ».

Ben et d’autres craignent de devoir « rester coincés dans les bouchons au risque de se faire percuter par l’arrière ». « L’inter-files permet au motard sérieux de ne s’occuper que de ce qui est devant lui », abonde Stéphane. Même son de pot du côté de Frédéric et beaucoup d’autres encore, selon qui les autorités ne s’attaquent pas assez aux « vrais sujets » : « les conducteurs sans permis, sans assurances » « sous stupéfiants »… Même si cela devient interdit, les motards « continueront de remonter les files et les automobilistes en seront encore plus surpris », prévient Frédéric. Les voitures ou les camions se sentiront alors « légitimes de changer de file sans contrôle », craint Sébastien. Laurent prévoit même « un carnage ».

Et la pollution de l’air ? Ils sont nombreux à en parler, sachant que motards et automobilistes sont quasi unanimes. Leur calcul est simple : « Dans une agglomération, 20 % de deux roues motorisées en plus = 40 % de bouchons en moins… Qui va vouloir rester sous la pluie derrière les voitures ? Au pire on achètera une voiture du coup, Bravo ! ».

« La hantise de cogner un motard »

A contrario, des automobilistes se disent ravis. Comme Gilles, qui assure qu’entre « les coups de poing dans les rétroviseurs, les coups de pied dans les portes ou les ailes des véhicules, sans parler des insultes, cela va peut-être en calmer certains ». Nombreux sont ceux qui évoquent les frayeurs, les motards qui déboîtent dans tous les sens, leurs « vitesses folles ». Jean-François a « la hantise de cogner un motard ».

Un sentiment d’insécurité que ne partage pas d’autres automobilistes, qui sont aussi parfois motards. « J’ai quelques fois été gêné, tempère Philippe. Mais si je me mets à leur place, je trouverai incongru de ne pouvoir remonter les files. Cette circulation devrait être davantage contrôlée ». Brindeau, un brin jusqu’au-boutiste, propose à ses « amis motards » de respecter pendant une journée cette « aberration » : avec les motos à la queu, leu, leu, « ça va être un joli bouchon ».

Les motards en colère sont confiants

Mais gardez encore votre moto, rien n’est acté. Du côté de la Fédération française des motards en colère (FFMC) contactée par 20 Minutes, le coordinateur Jean-Marc Belotti rassure. La fédération croit en effet savoir que la CIF sera légalisée. Il précise : « Selon les dernières statistiques que l’on nous a communiquées, c’est plutôt bon. Il n’y a pas d’accidentalité due à la circulation inter-files Sur toutes les rocades, les véhicules sont cul à cul, les distances de sécurité ne sont pas respectées. Et nous, en cas de freinage, on est pris en sandwichs. »

Pour conclure : « Cette mesure, selon nos informations, devrait être légalisée en début d’année. » Des propos qui pourront dégager l’horizon de Marc, qui était « prêt à vendre son scooter au printemps s’il ne sert plus à rien sur le périphérique toulousain ».