Ligue 1 : Quand les interviews en bord terrain se transforment en grands moments de télévision
La semaine dernière, Smaïl Bouebdellah a eu le privilège de visiter le Merseyside sans bouger du Groupama stadium, où l’OL venait de surclasser le FC Metz. Son guide touristique ? Tyler Morton, qui a totalement désarmé le journaliste de Ligue 1 + avec son accent scouser, au point de pousser le joueur à se répéter. A peu près dans le même temps, en Allemagne, la journaliste Katharina Kleinfeldt confondait le capitaine du Werder Brême avec un joueur de Francfort, dont-il portait le maillot après avoir échangé le sien avec celui d’un ancien coéquipier. Deux épisodes quasi simultanés pour nous rappeler qu’au milieu d’un océan de poncifs sur l’importance de mouiller le maillot pour aller chercher les trois points se trouvent des grands moments de télévision. Petit florilège parmi les plus récents.
Ole Sæter (Rosenborg), « portable dans la main gauche, bite dans la main droite » (2024)
Une roulette suivie d’un but de maboule de plus de 30 mètres à peine six minutes après son entrée en jeu pour devenir le premier buteur de Rosenborg en 2024-25, le tout après avoir traversé galère sur galère, il n’en fallait pas plus à Ole Sæter pour partir en cacahuètes au micro de TV 2 Sport. « J’ai dit que je vais rentrer chez moi à la maison, portable dans la main gauche, bite dans la main droite. Ensuite, je vais me faire plaisir. La nuit sera longue. » La précision dans le détail n’était pas nécessaire, Ole, mais pourquoi pas.
Gattuso s’embrouille avec un consultant croate après une défaite (2025)
On a aimé Gennaro Gattuso, le joueur. Mais l’entraîneur n’a jamais su se renouveler, englué dans son seul registre de petit homme hargneux dégoulinant de testostérone avec un penchant pour les situations conflictuelles, comme dans cet échange daté du mois de mars avec un consultant croate après une lourde défaite d’Hadjuk Split sur le terrain de Rijeka. On y voit le désormais sélectionneur de l’Italie, l’air menaçant, pointer du doigt son interlocuteur. « Tu parles trop. Respecte les gens. Tu parles toujours de manière négative. Je te respecte, mais tu parles toujours mal. Je ne veux pas parler avec toi », a en outre déclaré le champion du monde 2006.

Le gros clash entre Luis Enrique et Alexandre Ruiz (2023)
Même registre, même concentré de haine de l’entraîneur à l’égard du journaliste, mais dans un registre moins frontal et plus passif-agressif, la désormais cultissime embrouille entre Luis Enrique et Alexandre Ruiz après une victoire 3-1 du PSG à Rennes. Après avoir eu l’audace d’interroger l’entraîneur parisien sur les possibles axes d’amélioration de son équipe, Ruiz a récolté un orage venu tout droit des Asturies.
« Toi, tu ne vois que les choses négatives, avait pesté Enrique. Tu es corrosif. Toutes les interviews. C’est le journaliste le plus négatif de l’histoire du football mondial. Un jour, on a gagné 4-1 et il m’a dit qu’on méritait de perdre. »
L’extinction de voix d’Alexandre Lacazette (2022)
Difficile d’oublier l’épisode mémorable de l’extinction de voix d’Alexandre Lacazette qui avait surpris tout le monde un soir de défaite contre l’AS Monaco, en Ligue 1. Gêné par un polype, l’attaquant avait fini par être opéré et tout était rentré dans l’ordre. Il confiera par la suite que cet incident lui avait empêché de communiquer avec ses coéquipiers sur le terrain. Moins drôle pour lui que pour nous.
Matty Cash interviewé par sa propre sœur (2025)
Y a pas à dire, ils savent faire de la télé chez CBS Sports Golazo. Un poil scripté par moments, il est vrai, mais ça n’enlève rien à la qualité du show, la plupart du temps porté vers le rire avec Thierry Henry, Micah Richards et Jamie Carragher, sans s’interdire des petites séquences émotion quand elles se présentent. Ce fut le cas lors de l’interview du joueur d’Aston Villa Matty Cash par sa soeur Hannah, journaliste pour la chaîne. Très pro, celle-ci n’avait pas pu s’empêcher de conclure la séquence par une marque d’affection envers le frangin : « fais-moi un câlin Matthew, je suis fier de toi ». Et voilà, on chiale.

Jude Bellingham dit au fils d’une journaliste de faire ses devoirs d’espagnol (2024)
Sans qu’il sache trop comment ni pourquoi, l’international anglais s’est vu solliciter des conseils en parentalité par Alessia Tarquinio, journaliste italienne de Prime Video Italia après un match nul du Real Madrid en Ligue des champions. Bellingham a joué le jeu. « Gabriel, fais tes devoirs en espagnol, sinon tu finiras comme moi sans parler beaucoup l’espagnol », avait-il lancé face à la caméra. La journaliste avait ensuite maladroitement demandé à l’Anglais s’il voulait venir chez elle pour l’aider avec son fils, provoquant l’étonnement du Merengue. « C’est parce qu’il [Bellingham] est le fils parfait que je disais cela. Tout a été mal interprété. »
Ken Sema surmonte son bégaiement (2023)
La belle histoire dans la belle histoire. Ken Sema vient de rejoindre le club chypriote de Paphos, qui vient de se qualifier pour la première fois de son histoire en Ligue des champions. Il y a deux ans, le Suédois avait ému les suiveurs du foot anglais lors d’une interview d’après-match à l’époque où il évoluait à Watford, dans laquelle il avait surmonté son bégaiement pour répondre à quelques questions pour la chaîne de son club.
« « Après l’interview, je suis devenu une star », plaisantera-t-il plus tard, dans des propos relayés par L’Equipe. « Je venais d’être élu homme du match, je me doutais qu’on allait me demander une réaction. À vrai dire, ce n’était pas mon premier entretien filmé. Et ensuite, ça a fait le tour du monde. Mon téléphone s’est mis à sonner et à sonner encore. J’étais un peu choqué. » »
Margot Dumont et Luis Enrique après la défaite du PSG contre Arsenal (octobre 2024)
L’histoire retiendra le 1er octobre 2024 comme le point de bascule de ce qui deviendra la plus grande saison de l’histoire du Paris Saint-Germain. Mis à l’écart pour le déplacement sur la pelouse d’Arsenal (défaite 2-0), Ousmane Dembélé basculera dans une nouvelle dimension juste après. En échange, Luis Enrique accepte de mettre de l’eau dans son vin dogmatique. Entre les deux, l’Espagnol réservera à Margot Dumont une de ses dernières sorties acides en interview d’après défaite à Londres, qu’il a tout fait pour écourter. D’abord par le silence, puis par le verbe.
-Est-ce que vous pouvez nous expliquer votre idée tactique au PSG ?
-Non, je n’ai aucune intention d’expliquer ma tactique, parce que vous ne le comprendriez pas. Il y a beaucoup de choses à corriger, mais je n’ai aucune intention de l’expliquer.
Luis Enrique ne présentera jamais d’excuses, à l’inverse de Margot Dumont, qui enverra un message au PSG pour se faire pardonner d’un bad-buzz dont elle n’était pas responsable.
Haaland jure en flash interview puis en essayant de se reprendre (2022)
On ne jure pas à la télévision britannique, et Erling Haaland a bien retenu la leçon après une victoire contre West Ham sur un doublé du Norvégien. Interrogé sur l’occasion manquée pour lui de faire le hat-trick ce jour-là, le buteur a fait preuve d’un peu trop de décontraction dans son analyse. « J’aurais dû être là [à la réception de la passe de Gundogan]. C’est de la merde, mais c’est comme ça ! » Repris par le journaliste qui l’exhorte gentiment à surveiller son langage comme à un enfant de cinq ans, Haaland a un réflexe malheureux, celui de dire « oh merde, désolé ». Cocasse.
