France

Les voix féminines ne remettent pas en question la littérature érotique

Le Salon de la littérature érotique, programmé ce 30 novembre à La Bellevilloise (Paris 20e), présentera un line-up essentiellement féminin, à l’exception du sexologue Gilbert Bou Jaoudé. Au cours des quatre dernières années, Anne Hautecœur, directrice des éditions La Musardine, indique avoir eu « une majorité écrasante d’autrices » dans son catalogue, avec onze titres écrits par des femmes sur les quinze publiés en 2025.


Les femmes s’engagent dans l’érotisme. À l’exception du sexologue Gilbert Bou Jaoudé, le line-up du Salon de la littérature érotique, prévu le 30 novembre à La Bellevilloise (Paris 20e), sera entièrement féminin. En effet, ce genre littéraire est aujourd’hui dominé par des autrices telles que Maïa Mazaurette, Esther Teillard, Maylis Castet et Maud Serpin. Anne Hautecœur, directrice des éditions et de la librairie spécialisée dans l’érotisme La Musardine, souligne avoir enregistré « une majorité écrasante d’autrices » dans son catalogue au cours des quatre dernières années, avec onze titres écrits par des femmes sur les quinze publiés en 2025.

Cette évolution du paysage de la littérature érotique a des répercussions sur les thématiques abordées lors du Salon. « Nous traiterons des questionnements liés au désir, aux fantasmes et aux frustrations en tant que femmes », annonce Flore Cherry, organisatrice de l’événement. La féminisation du genre littéraire permet désormais d’aborder des sujets reflétant les expériences, désirs et enjeux des femmes. Cette situation est relativement récente. « Autrefois, les femmes étaient interdites d’écriture et devaient adopter un pseudonyme masculin pour être prises au sérieux ; aujourd’hui, elles peuvent s’exprimer librement. C’est le reflet de la société, elles prennent la parole dans l’espace public », poursuit Flore Cherry.

Un tournant avec Cinquante Nuances de Grey

Il n’y a pas si longtemps, feuilleter un livre érotique dans une bibliothèque ou, pire, dans la rue était difficile pour une femme. Tout comme dans le domaine de la pornographie, ce genre littéraire a longtemps été écrit et lu par des hommes, en raison des thèmes abordés et du malaise, de la honte ou de la culpabilité que ressentait la gent féminine à l’idée de se lancer dans une telle lecture. Toutefois, la situation a changé au début des années 2010 avec la publication de la célèbre romance érotique, Cinquante Nuances de Grey, écrite par… une femme. « C’est le livre que les femmes n’avaient plus peur de lire dans les transports en commun », affirme Flore Cherry. « Il y a eu un véritable bouleversement, nous sommes passés du livre honteux à l’ouvrage grand public. Cela a grandement contribué à la démocratisation de l’achat de littérature érotique. »

Aujourd’hui, les femmes détiennent la plume tout comme les livres érotiques qu’elles écrivent. « Il y a une douzaine d’années, le lectorat était majoritairement masculin ; aujourd’hui, beaucoup plus de couples, de femmes et de jeunes fréquentent également la librairie », note Anne Hautecœur. Cela influence forcément les codes de l’érotisme ainsi que la perception du plaisir féminin. « Je pense que l’enjeu principal est de comprendre ce qui se passe dans la tête des femmes, quels sont leurs désirs et leurs fantasmes », poursuit l’organisatrice du Salon.

Bien que le viol et les violences faites aux femmes ne soient pas totalement absents de la littérature érotique, ils sont nettement moins présents qu’auparavant. Cela se reflète dans les sujets abordés au Salon : Carnes d’Esther Teillard explore des représentations féminines brutales, Maison close de Maïa Mazaurette invite les femmes à (re)découvrir leurs désirs, Corvée de sexe de Maylis Castet s’intéresse aux femmes contraintes d’avoir des rapports sexuels, et Maud Serpin aborde les Fantasmes au féminin.

Un pilier pour l’expression du consentement

Cette diversification des voix et des représentations dans la littérature érotique ouvre la voie à des discussions sur des sujets encore souvent tabous, mais avec une sensibilité renouvelée. Elle joue également un rôle crucial dans l’éducation à l’érotisme et à la sexualité. « La littérature érotique contribue à l’éducation. Elle fournit des mots pour mieux communiquer sur le sexe », explique Flore Cherry. Elle ajoute : « Les mots sont les premières armes pour exprimer désirs et plaisirs, et mieux comprendre ce que cela engendre en nous. »

La féminisation de la littérature érotique favorise aussi une meilleure considération du plaisir féminin, du respect des corps et du consentement. « La maîtrise des mots est un pilier essentiel pour exprimer son consentement. Une culture érotique contribue aussi à une meilleure culture du consentement », précise l’organisatrice du Salon. L’objectif final? « Un meilleur épanouissement, tant pour les femmes que pour les hommes. »

Au-delà de la rencontre avec les auteurs et autrices, le Salon propose aux visiteurs de relever des défis d’écriture érotique, d’expérimenter un confessionnal érotique ou de participer à des ateliers éros, entre autres. C’est un espace de réflexion, d’échanges et de liberté, ouvert à tous, femmes et hommes. « Nous sommes vraiment dans un moment d’écoute où les hommes s’intéressent beaucoup à la pensée des femmes, à quoi elles réfléchissent et comment elles vivent, et c’est très enrichissant », conclut Flore Cherry.