France

Les villes sont-elles en train de « gagner » leur bras de fer face à Airbnb ?

Saint-Malo, Biarritz, Marseille ou encore Nice. Dans toutes ces villes et dans bien d’autres territoires, le nombre de logements destinés aux touristes a explosé. Séduits par la popularité croissante d’Airbnb, bon nombre de propriétaires ont choisi de louer leur logement en courte durée plutôt qu’à l’année. Plus rentable, plus flexible mais aussi plus sécurisant en cas de « mauvais payeur ». Une aubaine pour les touristes que nous sommes. Un cauchemar pour les habitants que nous sommes également. Dans les secteurs les plus prisés, on a ainsi vu les boîtes à clés se multiplier et les escaliers résonner au rythme des valises des gens de passage. Pour tenter de réguler cette activité qui ne l’était pas, la France a adopté une loi en fin d’année dernière. Six mois après et à l’aube d’un premier été, le bilan semble encourageant. A condition de se placer du côté des collectivités.

Cette loi a d’abord permis aux mairies de définir leurs propres quotas de logements autorisés mais aussi de réduire à 90 le nombre de jours de location pour les propriétaires louant leur résidence principale. « On est en train de gagner la bataille contre les Airbnb », se félicite Jacques Baudrier, adjoint au logement de la Mairie de Paris. A Bayonne et dans tout le territoire du Pays basque, on se réjouit de ce nouvel arsenal législatif. « Une grande partie des autorisations ne sont pas renouvelées », explique un porte-parole de la communauté d’agglomération du Pays basque. Dans ce territoire de 320.000 habitants, on comptait plus de 9.000 logements de type Airbnb. Avec le nouveau règlement adopté, le chiffre est tombé à 5.000 et va encore largement se réduire dans un an. Les conciergeries locales confirment qu’elles ont perdu « la moitié de leur business ».

Il faut dire que la collectivité a frappé très fort en imposant un principe de compensation. S’il veut obtenir le droit d’exploiter une location de tourisme, le propriétaire doit transformer un autre bien en location annuelle. « La réalité de notre territoire, c’est que plus personne n’arrivait à se loger. Les entreprises le savent, elles n’arrivent plus à recruter, faute de pouvoir loger leurs salariés », justifie la CAPB.

Des recours pas toujours gagnants

Une décision que n’a pas du tout appréciée le syndicat des Professionnels de la location meublée (SPLM), qui multiplie les recours contre les villes qu’il juge trop restrictives. « Il y a un sentiment de frustration car on a la sensation d’être face à une interdiction alors que l’esprit, c’était d’avoir un rééquilibrage. On sent qu’il y a beaucoup de pression à un an des élections municipales », assure Frédérick Seidita-Aires, vice-président du syndicat. Le SPLM multiplie d’ailleurs les recours pour tenter d’invalider certains règlements locaux. Il ne gagne pas toujours. Il vient même de déposer une question de constitutionnalité, estimant que cette loi porte atteinte au droit de propriété.

Biarritz a été l'une des premières villes à s'ériger contre les meublés touristiques de courte durée.
Biarritz a été l’une des premières villes à s’ériger contre les meublés touristiques de courte durée.  - Olivier Coret/Sipa

Difficile cependant de savoir quel effet cette nouvelle loi dite Le Meur aura sur le long terme. Contacté, Airbnb refuse de donner des chiffres sur son nombre d’offres. L’entreprise rappelle qu’elle « soutient la mise en œuvre de règles locales proportionnées » et qu’elle est attachée à « un juste équilibre ». Elle assure qu’elle met à disposition « des outils » aux mairies pour connaître les secteurs les plus en tension.

« J’ai perdu quelques clients au début »

Certains professionnels du tourisme et même des maires craignent aussi de voir les visiteurs déguerpir. Mais pour d’autres, l’incidence reste moindre. « J’avais des craintes au début mais pour moi, la loi n’a eu aucune incidence. J’ai perdu quelques clients qui avaient perdu leur autorisation de louer. Mais d’autres sont arrivés », assure Séverine Ayesse, qui gère la conciergerie Bleu Emeraude. La Bretonne, qui travaille sur Dinard et Saint-Malo explique cependant que les logements à louer sont « mieux répartis aujourd’hui » et plus uniquement concentrés sur l’intra-muros.

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La cité corsaire s’est félicitée de fixer un quota très bas pour lutter contre le phénomène Airbnb. Elle a, semble-t-il, réussi à rendre la situation plus saine et à écarter les investisseurs avides de profits. Pour laisser le marché à des propriétaires moins gourmands. « Ce que l’on demande, c’est de pouvoir cibler. On ne nie pas qu’il puisse y avoir des zones de tension. Mais à Marseille, c’est toute la ville qui est concernée. Alors que tous les arrondissements ne sont pas sous tension », dénoncent Frédérick Seidita-Aires et son syndicat. Airbnb dit la même chose. Elle encourage « les quotas par quartier, qui permettent de cibler les investissements locatifs dans les zones tendues ». Mais pas l’interdiction totale décrétée par certaines villes.

Une autre possibilité « hybride » s’offre parfois aux propriétaires. Dans le Pays basque, ils peuvent choisir de louer leur bien pendant neuf mois à un étudiant avant de le louer à des particuliers pendant la saison.