France

Les salariés partagés entre gêne, délation et acceptation face à la religion en entreprise

Une meilleure acceptation mais encore de nombreuses réticences. Ainsi pourrait-on résumer l’enquête du Conseil représentatif des institutions juives (Crif) et de l’Institut supérieur du travail (IST) « sur le fait religieux en entreprise ». Cette étude de Harris Interactive, réalisée en février auprès de 1.155 salariés du secteur privé, analyse la manière dont les personnes interrogées appréhendent la religion dans le monde du travail. Du port de signes ostentatoires à la pratique, l’étude montre une « évolution notable de l’acceptabilité ».

La question est sans doute aussi délicate dans l’entreprise que dans la société. Ainsi, lorsqu’il s’agit d’intégrer cette pratique religieuse au monde du travail – par le biais d’aménagements, par exemple – les sondés se montrent plutôt récalcitrants. Par exemple, seuls 36 % d’entre eux sont favorables au port du voile sur le lieu de travail et moins encore, 31 %, à l’aménagement d’espaces dédiés comme une salle de prière. Une tendance qui s’inverse néanmoins en tenant compte de l’âge : 70 % des 18-14 ans n’ont rien contre le port du voile au travail et 58 % de la même tranche d’âge sont favorables aux espaces dédiés.

Une acceptation relative en fonction des attitudes

Sur les « attitudes » liées à la religion, les avis dépendent complètement de la situation. Près de 80 % des sondés jugent « tout à fait acceptable » qu’un collègue jeûne pendant ses heures de travail, 72 % qu’un resto d’entreprise propose des menus vegan et 71 % la pose de congés pour motif religieux. En revanche, 81 % estiment qu’il n’est « pas acceptable du tout » qu’un prestataire refuse d’entrer en contact avec un client à cause de sa religion et 72 % qu’une personne refuse de serrer la main d’une personne de l’autre sexe. L’étude note toutefois que l’inacceptabilité de certains comportements est moins marquée pour les jeunes. Ainsi, 40 % des 18-24 ans trouvent « acceptable » de ne pas serrer la main en raison de la religion.

Selon l’étude, près de « 4 salariés sur 10 » ont été confrontés à des faits religieux sur leur lieu de travail. Mais les faits religieux en question sont d’abord le port de signes ostentatoires – le voile, une croix ou une kippa – une demande alimentaire spécifique ou un congé pour raison religieuse. Les cas les plus contestables, comme refuser l’autorité d’une personne d’un autre sexe, sont rares: 11 % seulement.

Lire notre dossier sur la religion

Si l’acceptation est en progression, l’étude relève que 66 % des sondés ayant eu connaissance de faits religieux sur leur lieu de travail se déclarent gênés. Ces mêmes personnes se sont senties obligées d’en parler, d’abord à leurs collègues (32 %), mais aussi à leur chef direct (23 %) ou aux ressources humaines (17 %). Et pour ceux qui n’ont jamais rien vu, 33 % promettent qu’ils iraient voir leur chef s’ils venaient à être confrontés à cette situation. Paradoxalement, 62 % des sondés estiment que c’est aux syndicats d’intervenir, notamment en rappelant les règles aux personnes concernées.