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Les premiers vols de « Space Rider » et « Dream Chaser » en 2025 signent-ils le retour des navettes spatiales ?

Il y a eu Atlantis, Discovery, Challenger, Columbia et Endeavour, et bientôt il y aura Tenacity et Space Rider… Quatorze ans après la fin du programme de la navette spatiale américaine, en 2011, plusieurs projets d’engins spatiaux similaires devraient être lancés cette année. C’est le cas du Space Rider de l’Agence spatiale européenne (ESA), qui vise un premier vol test à la fin de l’été ou au début de l’automne, ou le Dream Chaser de Sierra Space, dont la première mission de ravitaillement de l’ISS est prévue en 2025. S’il est tentant de faire un parallèle avec les navettes spatiales historiques, véritables monuments du spatial américain, ces nouveaux véhicules leur sont-ils vraiment comparables ?

« Le Space Rider est très similaire aux space shuttles », estime Dante Galli, chef du programme à l’ESA. Comme les navettes historiques, « il s’agit d’un système de transport spatial : l’objectif n’est pas seulement de mettre une charge utile en orbite mais aussi de la ramener sur Terre de manière contrôlée depuis l’orbite basse ». Le but de la navette est de servir de laboratoire dans l’espace qui restera en orbite pendant environ deux mois avant de revenir se poser sur une piste d’atterrissage, et d’être révisée et réutilisée, comme les space shuttles.

Atterrissage de précision

Même s’il n’a pas d’ailes comme en avaient ces dernières, le Space Rider a en effet « la capacité de faire un atterrissage contrôlé, grâce à un parachute de pilotage qui permet au véhicule, de manière autonome, de planer sur une trajectoire descendante plus ou moins comme un avion, avec une vitesse de descente très réduite fondamentale pour garantir le confort de certains types de charge utile », poursuit Dante Galli. Celui-ci précise que la navette européenne pourra réaliser un atterrissage « avec une précision de 150 mètres, ce qui permettra de se poser, dans le futur, où on veut ».

C’est pour cette raison que ce type de véhicule spatial a été choisi par l’ESA, mais pas que : « Cette forme, qu’on appelle lifting body [« corps portant » en français], intègre des surfaces aérodynamiques et incurvées qui génèrent une telle portance que le véhicule est capable de se maintenir en vol et de s’autoréguler lors de la rentrée dans l’atmosphère terrestre », en plus de « permettre une diffusion de la température plus homogène, et donc une réduction de la chaleur » lors de cette phase cruciale, précise le responsable du programme Space Rider.

Le space Rider de l'ESA pourra effectuer des missions de deux mois en orbite avant de revenir se poser sur terre sur des pistes d'atterrissage (vue d'artiste).
Le space Rider de l’ESA pourra effectuer des missions de deux mois en orbite avant de revenir se poser sur terre sur des pistes d’atterrissage (vue d’artiste). - ESA

Quant au Dream Chaser de l’entreprise américaine Sierra Space, dont le premier modèle nommé Tenacity devrait voler cette année, les similarités avec les navettes spatiales américaines sont flagrantes. Le véhicule, avec ses ailes, ses trains d’atterrissage et sa partie avant semblable à un cockpit, ressemble beaucoup aux modèles emblématiques américains. Et ce lien est clairement assumé : le Dream Chaser atterrira sur la piste historique des navettes, au Kennedy Space Center de Cap Canaveral, en Floride, même si Sierra Space met en avant une « compatibilité avec les pistes d’atterrissage commerciales dans le monde entier, afin de pouvoir ramener sur Terre des charges utiles et de les décharger près des laboratoires très rapidement ».

Du « service en orbite »

On peut aussi rapprocher les futures missions de ces navettes nouvelle génération à celles de leurs prédécesseures américaines. Le Dream Chaser a été « sélectionné par la Nasa pour fournir un service de livraison, de retour et d’élimination du fret pour la Station spatiale internationale », comme les navettes spatiales qui ravitaillaient régulièrement l’ISS – elles ont même permis son assemblage en orbite – et y transportaient des astronautes.

Space Rider, lui, a été conçu pour faire du « service en orbite », précise Dante Galli : des expériences en microgravité, la démonstration et la validation en orbite de systèmes d’exploration robotique, d’observation de la Terre ou de télécommunication, l’inspection de satellites et leur « manutention ou leur remplissage en carburant, pour prolonger leur durée de vie opérationnelle ». A l’image des space shuttles, qui ont effectué plusieurs missions de maintenance du satellite Hubble ou qui ont servi à de nombreuses reprises de laboratoire en orbite.

Modèles réduits

Mais le Dream Chaser et le Space Rider se démarquent tout de même des vieilles navettes. Les deux véhicules sont plus petits que les space shuttles : là où celles-ci mesuraient 37 mètres de long, le Dream Chaser n’en mesure que 9. Quant au Space Rider, il est de la taille « de deux minivans », indique l’ESA.

Cette taille réduite permet aux nouvelles navettes d’être lancées par des fusées classiques, là où les space shuttles étaient attachées à un réservoir flanqué de deux propulseurs d’appoint. Le Space Rider sera placé sous la coiffe de la fusée européenne Vega-C et mis en orbite comme une charge utile classique. Le Dream Chaser sera, lui, « compatible avec une grande variété de fusées et sera lancé replié » sous une coiffe.

Missions inhabitées

Mais la grande différence entre les deux générations de navettes spatiales est bien plus importante : les nouveaux véhicules ne sont pas habités. « Le Space Rider est complètement automatisé, alors qu’il y avait des astronautes dans les space shuttles, compare Dante Galli. Ça nous pose beaucoup moins de contraintes en matière de conception des systèmes de sécurité, ce qui réduit les coûts. » Idem pour le Dream Chaser, bien qu’une version habitée soit prévue dans le futur.

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C’est probablement leur caractère inhabité qui fait toute la différence, alors que le programme de la navette spatiale américaine a été arrêté en 2011 car jugé trop dangereux après les accidents de Challenger en 1986 et de Columbia en 2003, qui ont causé la mort de 14 personnes. Le premier a été un « traumatisme considérable » pour les Etats-Unis, et le deuxième « a refroidi les ardeurs », explique Jérôme Lamy, historien et sociologue des sciences, chercheur au CNRS.

Sans compter le coût très élevé du programme, qui a contribué à son arrêt en 2011 : « Pour les missions habitées, il faut tout sécuriser, il faut des commandes multiples pour éviter les pannes possibles, des redondances… Et tout ça coûte un prix monstrueux », explique le chercheur, qui travaille sur l’histoire des activités spatiales. D’autant que, après trente ans d’utilisation et 135 missions, les navettes spatiales « étaient arrivées en bout de cycle », alors que « d’autres technologies concurrentes moins chères et plus optimales » émergeaient. Des déconvenues auxquelles le Dream Chaser et le Space Rider devraient être moins susceptibles, car pensés dans une logique d’optimisation des coûts.