France

Les champignons ne disparaissent pas : explications sur la mauvaise odeur.

Aujourd’hui, 1.300 espèces de champignons y sont recensées à travers le monde, parmi lesquelles 411 – soit près d’un tiers – sont menacées d’extinction. En France, un premier inventaire portant sur trois groupes de champignons, réalisé en 2024 par le comité français de l’UICN, établit que 28 espèces sur les 319 recensées sont menacées ou quasi menacées.


Si l’automne évoque souvent pour beaucoup d’entre nous la pluie, le froid et la grisaille, certains l’attendent avec impatience : les cueilleurs de champignons. Munis de leurs bottes en caoutchouc et de leurs paniers en osier, ils parcourent les sous-bois à la recherche de girolles, de cèpes, de morilles ou de chanterelles. Le choix est vaste, surtout lorsqu’on connaît un « coin à champignons ». Mais jusqu’à quand cela durera-t-il ?

Cette question se pose depuis le recensement des champignons par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), qui publie la liste rouge des espèces menacées.

Actuellement, 1.300 espèces de champignons sont recensées à travers le monde, dont 411, soit près d’un tiers, sont considérées menacées d’extinction. Cependant, ces chiffres impressionnants nécessitent d’être nuancés : ces espèces répertoriées ne constituent qu’une petite partie des champignons connus (à qui on a simplement attribué un nom et une description), dont le nombre total est estimé à 155.000, tandis que les chercheurs avancent qu’il pourrait y avoir jusqu’à 6 millions d’espèces.

**Des chiffres incertains**

« Il y a moins d’experts et de financements dans ce domaine », souligne Coline Deveautour, enseignante-chercheuse en écologie et microbiologie des sols à UniLaSalle. Elle précise également que la démarche de recensement des champignons pour évaluer leur danger d’extinction « est relativement récente ». Un aspect important à considérer est que les chercheurs ont d’abord recensé les espèces qu’ils soupçonnaient en déclin afin de pouvoir « établir un diagnostic sur les causes puis de formuler des suggestions et des préconisations pour la protection des espèces », ajoute-t-elle. De plus, « les champignons sont difficiles à étudier » car il est délicat d’évaluer avec précision le nombre d’individus et de différencier les divers organismes, dont certains peuvent s’étendre sur plusieurs hectares sous terre.

En France, la situation est également préoccupante : un premier inventaire réalisé en 2024 par le comité français de l’UICN portant sur trois groupes de champignons (bolets, lactaires et tricholomes) révèle que 28 espèces sur les 319 recensées sont menacées ou quasi menacées. Parmi celles-ci, on trouve le bolet de plomb, dont la plupart des observations remontent à plus de trente ans ; le lactaire des saules réticulés, qui n’a pas été revu depuis 1975 sur ses stations historiques du Parc national de la Vanoise ; et le tricholome équestre des chênes, espèce rare présente uniquement dans cinq localités en France.

**Un groupe d’êtres vivants très diversifié**

Ces espèces ne se rencontrent pas a priori en grand nombre dans les fameux « coins à champignons ». Cependant, il convient d’être prudent : pour 25 % des champignons évalués en France, « l’état des lieux révèle un manque d’informations » qui a conduit les spécialistes à les classer dans la catégorie « Données insuffisantes », indique l’Office français de la biodiversité, partenaire de cette démarche. En d’autres termes, « les chercheurs peuvent soupçonner qu’ils sont en déclin, mais il n’existe pas suffisamment de données pour l’affirmer », précise Coline Deveautour.

Les champignons forment un groupe d’êtres vivants très diversifié, qui ne répond pas à un critère spécifique et commun. « La limite entre ce qu’on considère comme champignon et autre chose est un peu floue », reconnaît la chercheuse. On retrouve dans cette vaste catégorie ceux qui poussent en forêt ou dans nos jardins, qui ne sont en fait « que la partie reproductrice, celle qui lâche des spores, du champignon ». Les levures, moisissures, lichens, certains parasites, maladies des plantes ou pathogènes y appartiennent également. Ni plantes, puisqu’ils ne font pas de photosynthèse, ni animaux, les champignons forment donc une catégorie à part entière.

**Les champignons, acteurs de la décomposition**

Les menaces qui pèsent sur eux sont plus répandues. La principale est la destruction des habitats. « Convertir une forêt en prairie ou en monoculture est extrêmement destructeur », souligne Coline Deveautour. D’autant plus que certains champignons sont liés à des plantes et « si vous supprimez ces plantes, vous retirez l’hôte et le champignon ne peut plus exister ». L’urbanisation constitue donc un problème, tout comme la surfertilisation des sols en milieu agricole, qui « élimine les champignons qui préfèrent les milieux très pauvres en nutriments ».

Cette perte de biodiversité est alarmante, car ces organismes jouent un rôle fondamental dans les écosystèmes. Les champignons sont en effet des acteurs majeurs de la décomposition de la matière organique. « Toute la matière produite par les êtres vivants est limitée et, lors de leur mort, il est essentiel que cette matière soit recyclée pour rendre ces nutriments de nouveau disponibles afin que l’écosystème fonctionne », explique la chercheuse, qui souligne le caractère « absolument essentiel » de la décomposition.

**Un intérêt croissant**

Le déclin des champignons dits mycorhiziens, qui s’associent aux plantes, pourrait également rendre celles-ci plus vulnérables. « Ces champignons prélèvent des nutriments dans le sol et les restituent à la plante, contribuant ainsi à son bon statut nutritionnel et à sa santé », détaille Coline Deveautour. N’oublions pas le rôle de structuration du sol joué par les réseaux de mycélium, l’appareil végétatif des champignons situé sous terre. Une fonction cruciale : « Le sol soutient toute forme de vie », résume la microbiologiste des sols.

Cependant, tout n’est pas perdu : « De plus en plus de citoyens s’intéressent aux champignons et il y a une vulgarisation scientifique croissante sur ce sujet. » Du côté scientifique, « nous commençons à bien communiquer et à les faire connaître », une étape essentielle car « nous ne pouvons pas protéger ce que nous ne connaissons pas ». La liste rouge des champignons contribue à cela, et « le moment est désormais venu de transformer ces connaissances en actions », a déclaré en mars Grethel Aguilar, la directrice générale de l’UICN.