Les caméras dans les crèches de Ségolène Royal jugées « totalement ridicules »
Le 29 octobre, Ségolène Royal a publié son ouvrage intitulé « Mais qui va garder les enfants » aux éditions Fayard, dans lequel elle aborde la question de la baisse de la natalité et propose l’installation de caméras dans les lieux d’accueil des enfants. En 2023, l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) avait mis en avant « les failles de la qualité de l’accueil » dans les crèches et signalé « la maltraitance systémique » des tout-petits, soulignant l’absence de solutions depuis lors.
Ce ne sont que quelques lignes mais elles suscitent de vives réactions. Publié le 29 octobre aux éditions Fayard, le dernier livre de Ségolène Royal aborde largement « l’amour maternel », thème cher à l’ancienne candidate à l’élection présidentielle de 2007. L’ancienne présidente de la région Poitou-Charentes a d’ailleurs emprunté le titre de son ouvrage, « Mais qui va garder les enfants », à sa campagne électorale difficile, durant laquelle elle a dû se battre pour faire entendre sa voix en tant que femme au sein du Parti socialiste. Cette phrase avait été attribuée à Laurent Fabius, une référence misogyne à l’époque où elle était en couple avec François Hollande, alors leader du PS.
Dans cet ouvrage, Ségolène Royal évoque la baisse de la natalité en France. En plus des idées qui pourraient faire d’elle une candidate à la primaire de la gauche pour 2027, elle propose quelques mesures pour un « réarmement démographique », une notion chère à Emmanuel Macron. L’idée qui suscite le plus de controverses apparaît à la page 133 d’un livre comptant 352 pages. « À notre époque, tous les lieux d’accueil des enfants devraient être équipés de caméras », déclare la socialiste, mère de quatre enfants.
Pour elle, il s’agit d’une réponse aux cas de maltraitance, particulièrement médiatisés ces dernières années. « Il y a des caméras dans tous les parkings et dans les couloirs d’hôtel, et pas dans les crèches, les classes, les cours de récréation, les hôpitaux, les lieux d’entraînement sportif, où traînent aussi les prédateurs, dans les lieux sensibles où sont confiés nos enfants ? Ce serait très dissuasif et donc très protecteur », soutient Ségolène Royal.
Cette analyse est cependant contestée par les représentants du secteur de la petite enfance que nous avons interrogés. « C’est une proposition totalement ridicule. Une mesurette irréfléchie et complètement démago », s’insurge Stéphane Fustec. Le conseiller fédéral de la CGT défend les crèches privées qui accueillent environ 80.000 enfants en France. « Les caméras, ça ne protège pas. Et puis, imaginez-vous travailler avec une caméra au-dessus de votre tête. Ça ne tient pas debout. » D’autres critiques s’élèvent également à l’encontre de cette idée.
À la tête du Syndicat national des professionnels de la petite enfance (SNPPE), Cyrille Godfroy exprime également son indignation. « On nous sort une idée qui va coûter une blinde et qui ne va rien nous apporter. C’est une proposition hors-sol. Comme quand la ministre Catherine Vautrin a interdit les écrans pour les moins de 3 ans. Mais on n’en a pas ! Il n’y a pas mieux à faire pour améliorer l’accueil de la petite enfance ? », interroge-t-il.
Si Ségolène Royal avance cette proposition, c’est en réaction aux révélations de maltraitances qui ont tant fait parler ces dernières années, notamment avec la parution du livre « Les Ogres » de Victor Castanet. « Plutôt que des caméras, ce sont des contrôles qu’il faudrait, mais il n’y a pas d’agents pour les mener », déplore le porte-parole du SNPPE. « Il y a des maltraitances qui existent, on ne le nie pas. Mais bien souvent, elles sont institutionnelles. Parce que les professionnelles n’ont pas assez de temps et de moyens pour s’occuper pleinement des enfants. Ce qu’il faut, c’est un vrai travail de fond pour améliorer les conditions d’accueil. Les rapports le disent, mais ça n’avance pas », ajoute Stéphane Fustec.
En 2023, l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) a mis en lumière les « failles de la qualité de l’accueil » dans les crèches et « la maltraitance systémique » des tout-petits, demandant un grand plan. Cependant, les solutions tardent à se mettre en place. « On fait un métier incroyable mais il n’est pas valorisé. Travailler dans la petite enfance, ce n’est pas jouer aux Lego. C’est un vrai métier, qui demande une formation, des compétences, une juste rémunération et des effectifs », insiste Cyrille Godfroy, signalant les « 10.000 postes vacants » dans toutes les crèches françaises.

