Les 9 affaires d’ingérences étrangères que la justice n’enquête pas
Neuf dossiers liés à des supposées ingérences étrangères sont gérés depuis octobre 2023 par le parquet de Paris, a indiqué vendredi la procureure Laure Beccuau. Dans la nuit du 13 au 14 mai 2024, 35 tags représentant des mains rouges ont été peints sur le Mur des Justes, à l’extérieur du Mémorial de la Shoah.
Des « mains rouges » taguées sur le mémorial de la Shoah, des têtes de cochon déposées devant des mosquées… Depuis octobre 2023, le parquet de Paris gère neuf dossiers relatifs à des supposées ingérences étrangères, a déclaré vendredi la procureure Laure Beccuau. Elle a indiqué : « L’ingérence étrangère est une chose que nous devons prendre en compte et que nous prenons en compte. Pour faire un bilan de ce type d’agissements sur la place parisienne depuis octobre 2023, nous en sommes à neuf dossiers. »
Elle a précisé qu’il s’agissait de dossiers « sur Paris et sur la région parisienne, puisqu’un certain nombre de dossiers ont été pris par des tribunaux périphériques » qui se sont ensuite « dessaisis en raison des liens qu’il y avait avec nos propres dossiers parisiens ».
« Ça a commencé par les étoiles de David bleues », a expliqué Laure Beccuau. Le 31 octobre 2023, une soixantaine d’étoiles bleues marquées au pochoir ont été découvertes à Paris et sa banlieue, suscitant une vive émotion dans le contexte du conflit entre Israël et le Hamas. Deux suspects, un couple de ressortissants moldaves âgés de 30 et 34 ans, ont été rapidement interpellés avant d’être expulsés du territoire. L’hypothèse d’une tentative de déstabilisation orchestrée par Moscou a rapidement émergé. Les autorités françaises ont finalement imputé l’affaire aux services de sécurité russes (FSB).
« Ensuite ça a été les « mains rouges » », a rappelé la procureure de la République. Dans la nuit du 13 au 14 mai 2024, 35 tags représentant des mains rouges ont été peints sur le Mur des Justes, à l’extérieur du Mémorial, où sont apposées des plaques portant les noms des 3.900 hommes et femmes ayant contribué à sauver des Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale.
La vidéosurveillance a permis aux policiers de repérer trois suspects et de « retracer (leur) cheminement » jusqu’à un hôtel de l’est de Paris, « puis leur départ vers la gare routière » et « leur départ pour la Belgique », a indiqué mercredi le parquet. Selon les informations du « Canard Enchaîné » et de BFMTV, les tags pourraient avoir été réalisés par des ressortissants bulgares à la solde de Moscou.
« Puis des jets de peinture verte », ont visé quelques jours plus tard plusieurs établissements de la communauté juive. En juin 2024, des pochoirs liés aux Mirage en Ukraine, comportant des cercueils avec des ailes ou la mention « vive le soldat français mort en Ukraine », ont été observés. Des tags au pochoir et à la peinture noire représentant des avions Mirage en forme de cercueils ont été apposés sur des façades de trois arrondissements parisiens, accompagnés de l’inscription « Des Mirage pour l’Ukraine ».
Il y a également eu « des cercueils qui ont été déposés » devant la tour Eiffel. En juin 2024, trois personnes ont déposé « cinq cercueils de taille réelle recouverts d’un drapeau français, avec mention »soldats français de l’Ukraine » ». Trois suspects, dont un Bulgare de 38 ans, ont été rapidement interpellés. Un des deux hommes qui venaient de monter dans un bus pour Berlin est un Allemand de 25 ans, tandis que l’autre, âgé de 16 ans, était muni d’un passeport ukrainien mais a déclaré vivre en Allemagne. Cette affaire, que les enquêteurs soupçonnent d’être téléguidée par Moscou, visait apparemment à déstabiliser le pays.
Plus récemment, des affiches montrant l’image d’un soldat russe avec la mention « Dis merci au soldat soviétique vainqueur » ont été aperçues, le 3 septembre, au même endroit sur un des piliers de l’Arc de Triomphe par les agents de surveillance.
Neuf têtes de cochon ont été découvertes avant le lever du jour devant cinq mosquées parisiennes et quatre en petite couronne. Sur l’une d’elles, le mot « Macron » était inscrit à la peinture bleue. Les premiers éléments de l’enquête ont rapidement établi que des « personnes de nationalité étrangère » étaient à l’origine de ces actes islamophobes, notant que cela s’inscrivait « dans une volonté manifeste de provoquer le trouble au sein de la Nation ».
« Certains commanditaires sont identifiés […] donc nous arrivons tout à fait à pouvoir être convaincus que ces faits sont des opérations d’ingérence », a affirmé la procureure de Paris. « Pourquoi ? Parce qu’ils ont, dans le mode opératoire, des attitudes similaires. Ce sont des gens d’origine étrangère qui arrivent d’Europe de l’Est, qui viennent dans un temps très court sur le territoire français pour perpétrer leurs agissements », a-t-elle rapporté.
« Certaines fois, ils prennent en photo ce qu’ils ont fait, et envoient les photos au-delà des frontières à des commanditaires », a ajouté la procureure.
Laure Beccuau a précisé qu’à l’exception des deux derniers dossiers, les plus récents où les enquêtes sont encore en cours, « nous avons identifié les responsables de ces faits ».
« Nombre d’entre eux ont été placés en détention. Certains ont même été extradés grâce à une coopération internationale. Et donc, nous identifions ces gens, et nous savons, par eux-mêmes, parce qu’ils le disent, qu’ils ont des commanditaires », a-t-elle souligné.

