France

L’éjaculation, une finalité pour toi ? Retour sur une soirée deep dating.

Ce vendredi soir, 70 hétéros sont réunis sur la mezzanine de la grande halle de la Communale de Saint-Ouen, en banlieue parisienne, pour participer à cette expérience organisée par Merci beaucul. À 19h30, les participants commencent à arriver, pinte de bière à la main ou parapluie sous le bras, et ont payé 25 euros pour la soirée.

« L’éjaculation, c’est obligatoirement une finalité pour toi ? », interroge une jeune femme à l’homme qui se trouve face à elle. « C’est frustrant si je n’atteins pas cet objectif, mais je prends également beaucoup de plaisir à en donner », lui répond-il. Ces deux individus viennent de se rencontrer, il y a moins d’une minute. Ils participent à un speed dating un peu particulier : un « deep dating ». Le speed dating consacré à la sexualité.

Ce vendredi soir, 70 hétéros se réunissent sur la mezzanine de la grande halle de la Communale de Saint-Ouen, en banlieue parisienne, pour prendre part à cette expérience organisée par Merci beaucul. « Nous assumons d’être ici pour trouver un partenaire sexuel, mais l’objectif est de rencontrer quelqu’un en toute sécurité », explique Dyckson, le co-organisateur de l’événement.

« Je peux écrire « pull gris » au lieu de mon prénom ? »

À 19h30, les participants commencent à arriver, pinte de bière à la main ou parapluie sous le bras. Ils se sont déjà inscrits et ont payé 25 euros pour la soirée. Certains se présentent en duo, d’autres seuls, avec diverses mesures d’assurance. « Je peux écrire « pull gris » ? », questionne un homme aux lunettes et à la queue-de-cheval, lorsque Dyckson lui demande d’inscrire son prénom sur son étiquette. « C’est un peu dommage, les gens vont t’appeler « pull gris » toute la soirée », lui répond l’organisateur. Il opte finalement pour « Raphaël ».

Si certains sont timides, ce n’est pas le cas d’Elodie et Julie, deux amies pétillantes de 42 ans qui rient dès leur entrée. « Nous n’aurions jamais fait cela il y a vingt ans, mais aujourd’hui nous avons nos vies, nos enfants, et nous sommes complètement libérées en matière de sexualité », confie Elodie, à la peau hâlée et à la coupe au carré. Chacune a des partenaires sexuels réguliers mais vient pour « l’expérience sociale ». Sacha*, 28 ans, est présent pour ne pas « perdre de temps ». Casquette vissée sur la tête et yeux bleus perçants, il a récemment rompu avec sa copine. « Je suis ici pour rencontrer des femmes qui interrogent leur sexualité et ne sont pas sur la voie de la banalité préliminaires-pénétration-éjaculation. »

Un bingo du cul

Pour se mettre dans l’ambiance, la soirée débute par un « bingo du cul ». Les participants sont placés autour de deux longues tables et doivent entourer les réponses sexuelles qui leur correspondent. À la question « Comment vous êtes-vous éduqué à la sexualité ? », Jade, l’animatrice, partage une anecdote personnelle : « Moi, ce sont mes parents, parfois trop. « Non maman, je n’ai pas besoin de savoir que tu aimes faire des fellations au volant ! » »

Côté participants, l’atmosphère demeure sage. Un peu trop selon Julie, qui nous implore du regard. « C’est loooong. J’ai l’impression d’être à l’Ehpad ! » Un Ehpad où les résidents renseigneraient leurs zones érogènes, kinks et fantasmes. Les gagnants du bingo reçoivent leurs récompenses et c’est l’heure de la pause. Chacun descend, beaucoup d’hommes restent entre eux et les femmes entre elles. « Certains se retrouvent amis, assure Dyckson. La dernière fois, cinq filles ont créé un groupe WhatsApp pour discuter ensemble. »

« T’es plutôt gymnastique du cul ou positions classiques ? »

À 22 heures, arrive le moment tant attendu : le deep dating. 35 tables, un homme et une femme de chaque côté, placés au hasard, avec trois cartes contenant des questions sexuelles devant eux. Les participants sont répartis en deux groupes : les 27-34 ans et les 32-42 ans. « C’est horrible de faire ça, je me sens vieille », se plaint Elodie. « Je ne matche qu’avec des jeunes sur les applications ! », nous assure Julie, outrée. Les organisateurs ont réfléchi à ces catégorisations, notamment dans les villes où il y a davantage de jeunes majeurs. « Nous ne voulions pas qu’une jeune femme de 18 ans se retrouve face à un homme de 42 ans », justifie Dyckson. Il rappelle que chacun dispose d’une carte « T’es relou » à lever en cas de malaise et insiste : « Oui c’est oui, non c’est non, et un doute est un non. »

« On peut retourner les cartes ? », s’impatiente une jeune femme. À sa gauche, un grand brun au regard baissé ne sait où se poser. 3, 2, 1, la sonnerie retentit. C’est parti ! Une première carte est dévoilée : « T’es plutôt gymnastique du cul ou positions classiques ? », demande un homme à Elodie. « Je préfère un grand classique réussi à une gymnastique ratée », répond-elle rapidement. À quelques tables de là, une autre question : « L’éjaculation, c’est une finalité pour toi ? »

« J’ai la tête qui va exploser »

Les rendez-vous s’enchaînent. Le niveau sonore augmente. À la table de Julie, les mains se frôlent, les têtes se rapprochent et les yeux s’illuminent. À côté, la conversation est laborieuse, et on a envie de leur venir en aide. « Avec ces dates, il y a un rapport à la réalité qui revient, estime Dyckson. Sur les apps, on parle à plusieurs dizaines de personnes. Là, on réalise que sept, c’est déjà beaucoup. » Et ce n’est pas Raphaël, 29 ans, qui dira le contraire. « J’ai la tête qui va exploser. » Tout ça pour ne même pas avoir eu de rendez-vous avec la femme qui l’intéressait. On le laisse filer la retrouver. Ce qui se passe après ne nous appartient plus.

* Le prénom a été modifié