L’écriture manuscrite serait indispensable pour certains apprentissages, suggère une étude

«J’ai mal au bras à force d’écrire ». A 10 ans, Charlie s’adonne aux joies de l’écriture manuscrite, comme tous les élèves de son âge depuis le cours préparatoire, mais préférerait sans doute tapoter son texte sur un clavier. Il faut dire que si les enfants écrivent encore à la main à l’école, ils s’y exercent de moins en moins à la maison – tout comme les adultes d’ailleurs – montrant parfois difficultés et réticences à produire de longs textes manuscrits. Un constat qui n’est pas sans lien avec le boom des technologies, et fait débat alors que le numérique s’impose doucement mais sûrement à l’école.
L’écriture manuscrite aurait pourtant de nombreux bienfaits, tant sur la mémoire que sur la concentration, la créativité, ou encore le stress, au regard des études portant sur le sujet. De nouveaux travaux menés par une chercheuse de l’Université du Pays basque (Espagne) suggèrent même que les élèves formés à l’écriture manuscrite, versus ceux qui écrivent sur un clavier, maîtriseraient mieux certains savoirs fondamentaux.
Le stylo et le clavier à l’épreuve
A la tête de cette étude, la chercheuse spécialisée en neurosciences cognitives du langage Joana Acha s’est penchée sur les bienfaits de deux méthodes utilisées dans les établissements scolaires pour l’apprentissage de l’écriture et de la lecture. D’un côté, l’écriture manuscrite, de l’autre les programmes informatiques proposant des exercices sur ordinateur ne nécessitant ni stylo, ni crayon.
« Comme les enfants écrivent de moins en moins à la main, nous avons voulu étudier l’impact de ce phénomène sur leurs compétences alphabétiques et orthographiques. Autrement dit, nous voulions déterminer si la capacité à apprendre les lettres, à assimiler et à mémoriser la structure des mots se développe différemment selon que l’on utilise un apprentissage manuel ou un clavier », explique la principale auteure de ces travaux.
Un enjeu pour la lecture
Pour les besoins de ce travail de recherche, les scientifiques ont demandé à un groupe de cinquante enfants âgés de 5 à 6 ans d’apprendre des lettres des alphabets géorgien et arménien (qu’ils ne maîtrisaient donc absolument pas) ainsi que des mots inventés avec ces lettres. La moitié des élèves a réalisé cet apprentissage au clavier, l’autre moitié à la main, puis trois tests leur ont été soumis pour évaluer leur aptitude à identifier, écrire, et prononcer les lettres et les mots appris.
Publiés dans le Journal of Experimental Child Psychology, ces travaux mettent en évidence les bienfaits de l’écriture manuscrite sur la mémorisation. « Les résultats ont clairement indiqué que ceux qui s’étaient entraînés manuellement avaient développé une plus grande habileté. La différence était particulièrement nette avec les pseudo-mots : presque tous ceux qui avaient appris sur ordinateur n’ont pas réalisé correctement les exercices sur les séquences de lettres », indique Joana Acha.
Les chercheurs ont également observé que l’écriture libre sur une feuille blanche, à savoir sans traits ni pointillés, permettait d’obtenir de meilleurs résultats, sans expliquer pour autant les mécanismes impliqués. Les auteurs mettent en revanche l’accent sur la nécessité de ne pas renoncer à l’écriture manuscrite à l’école : « [Les enfants] apprennent mieux grâce aux mouvements de la main. Les outils technologiques ne doivent donc être utilisés qu’en complément ».
La Suède, comme ses deux autres voisins scandinaves, compte parmi les premiers pays à avoir mis un coup d’accélérateur sur le numérique à l’école. Plus d’une dizaine d’années après avoir abandonné les manuels scolaires, le pays nordique les a réintroduits, notamment pour les plus jeunes enfants, après avoir observé une baisse de leur niveau scolaire. En France, si les écoles primaires sont majoritairement dotées de tablettes, d’ordinateurs ou de tableaux numériques, l’écriture manuscrite reste au cœur des apprentissages.