France

« Le succès de  »Zone interdite » dépend de la liberté donnée par la direction de M6 », souligne Patrick de Carolis

Trente ans déjà que M6 propose aux téléspectateurs des reportages d’investigation le dimanche soir avec « Zone interdite ». Un anniversaire fêté ce dimanche à 21h10 avec un numéro spécial qui retracera l’histoire de la condition féminine, du couple et de la famille en France à l’aide d’images d’archives et de témoignages.

20 Minutes s’est entretenu avec Patrick de Carolis qui a créé le magazine et l’a animé durant ses quatre premières saisons. L’actuel maire d’Arles évoque ses souvenirs et les secrets du succès de ce programme emblématique de M6.

Comment l’idée de créer « Zone Interdite » est-elle venue ?

M6 m’avait demandé un nouveau magazine de reportages en première partie de soirée qui pouvait soutenir la contre-programmation. On l’a ainsi programmé le dimanche soir, traditionnellement une soirée cinéma. La campagne de communication disait d’ailleurs « Avec « Zone interdite », la réalité est plus forte que la fiction ». Enfin, on voulait que ce soit du direct pour faire vivre le programme avec des invités. J’ai proposé le titre en hommage au film Stalker d’Andreï Tarkovski qui illustrait bien le travail des journalistes dans leur quête de vérité et de lumière dans une zone où on veut les empêcher d’aller.

Avez-vous toujours eu une totale liberté dans le choix des sujets et des reportages présentés ?

Absolument. J’ai eu la chance que Nicolas de Tavernost et Thomas Valentin [à l’époque respectivement directeur général et directeur des programmes de M6] me fassent une confiance totale. J’ai eu la liberté de traiter les sujets que je souhaitais présenter aux téléspectateurs. Je les remercie encore car le succès d’un magazine dépend aussi de la liberté que vous donne la direction. De mon côté, je ne me suis jamais interdit le moindre sujet. L’ADN du magazine est de dénicher les tendances sociétales. Il y a trente ans, on était les premiers à parler à la télévision d’obésité, d’anorexie ou de violences faites aux femmes.

Avez-vous le souvenir d’une émission particulièrement marquante, ou dont vous êtes le plus fier ?

C’est compliqué de choisir des souvenirs après une carrière de 43 ans de télévision. Mais je me souviens très bien lorsque je suis parti pour suivre sœur Emmanuelle pendant une semaine en Egypte. Elle s’occupait des chiffonniers du Caire et avait décidé de prendre sa retraite. C’était un reportage sur l’engagement d’une personne qui m’avait dit que, toute sa vie, elle avait rempli des océans avec des gouttes d’eau. On a ouvert une fenêtre sur le monde de la solidarité, on était loin du sujet polémique.

Comment expliquez-vous le succès constant de l’émission, même après trente ans d’antenne et sept animateurs différents ?

Quand on crée un magazine, on essaie qu’il soit en phase avec son époque, qu’il soit pertinent et qu’il réponde à un besoin. Tous les animateurs ont été extrêmement fidèles à cet ADN. Quand vous êtes présentateur et que vous êtes dans la lumière, il faut aussi avoir l’humilité de s’oublier un peu pour pouvoir mieux porter le travail collectif qui est fait par le magazine. Je pense que tous ont eu cette intelligence-là. Sans compter que les sujets ont évolué en même temps que la société pour toujours en être le reflet.

Vous avez été président de France Télévisions pendant cinq ans. Comment jugez-vous l’évolution actuelle du service public ?

Vous savez, ça fait treize ans que j’ai quitté les manettes donc je n’ai pas tous les tenants et aboutissants. Il serait un peu facile pour moi de porter un jugement. Je peux simplement vous dire que nous avons besoin d’un grand service public qui donne les clés de compréhension de notre monde, qui soit de plus en plus proche du monde de l’enseignement et qui ne soit pas la copie d’une autre chaîne. Après, est-ce qu’il faut supprimer telle ou telle émission ? Ce n’est pas de mon ressort.

L’univers de la télévision vous manque-t-il ? Pensez-vous y retourner dans un futur proche ?

Ce domaine m’a comblé de bonheur. Je m’y suis engagé dès l’âge de 20 ans et j’en ai connu tous les échelons. Je suis très heureux qu’on ait pensé à moi pour fêter les anniversaires de « Zone Interdite » ou « Des racines et des ailes » mais je ne regarde pas ce passé avec nostalgie. Je regarde toujours l’évolution de la société mais en tant que maire. Je n’ai pas le temps d’avoir des regrets car je suis 100 % engagé dans l’action aux côtés des Arlésiens et Arlésiennes.