France

Le spectre du RN et d’un syndicat de police derrière la démission de la porte-parole du ministère de l’Intérieur ?

L’interview était calée depuis quelques jours. La porte-parole du ministère de l’Intérieur, Camille Chaize, devait nous parler de Porte-parole (éditions Novice*), le livre qu’elle a écrit et qui sort ce jeudi en librairie. Un ouvrage « important », illustré par le dessinateur Mathieu Sapin, dans lequel la policière a mis « beaucoup d’énergie », confiait-elle à 20 Minutes. « J’espère qu’il sera lu et apprécié par le plus grand nombre », ajoutait-elle. Mais la rencontre a finalement été annulée mardi soir, sans explication. Au même moment, elle annonçait sur LinkedIn « mettre fin à la mission de porte-parole du ministère de l’Intérieur », une fonction qu’elle exerçait depuis décembre 2019.

Comment expliquer ce départ soudain ? La réponse se trouve peut-être dans Le Canard enchaîné de ce mercredi. « L’extrême droite a fait virer la porte-parole de l’Intérieur », titre en une l’hebdomadaire satirique. L’article affirme que « les syndicats de flics d’extrême droite et le Rassemblement national ont eu sa tête ». Toujours selon le journal, des responsables du syndicat Alliance auraient exigé son départ auprès du directeur général de la police nationale. Dans le même temps, Bruno Retailleau aurait reçu « une lettre de la direction du RN exigeant le limogeage » de Camille Chaize.

Les syndicats de police et le RN visés

Il faut dire que, dans son livre, cette commissaire n’y va pas de main morte avec le parti d’extrême droite. Elle soutient notamment qu’elle aurait quitté ses fonctions si le Rassemblement national était arrivé au pouvoir après la dissolution. « J’ai envie de sortir de cette sacro-sainte réserve, de défendre haut et fort mes valeurs républicaines. Je relis le statut général des fonctionnaires sur l’obligation d’obéissance hiérarchique, écrit-elle. Je comprends que si l’agent public estime que l’ordre hiérarchique nuit à l’intérêt public, il n’est pas tenu de se conformer aux instructions. »

Camille Chaize critique aussi le pouvoir des syndicats de police, notamment Alliance, l’un des deux principaux. Ces organisations sont, dit-elle, « déconnectées de la réalité sociétale » et tiennent un « discours pyromane » qui « renforce les incompréhensions de la population ». « Ce qui doit nous questionner, c’est surtout le pouvoir que l’administration a décidé de leur laisser, et pas seulement sur le terrain de la communication, souligne-t-elle. Si l’administration choisit d’être faible et de ne pas fixer des lignes infranchissables, nous en paierons tous les conséquences. »

Des infos démenties par l’Intérieur

Elle cible, sans le nommer, Mathieu Vallet, l’ancien porte-parole du SICP, le Syndicat indépendant des commissaires de police, qui a été élu eurodéputé Rassemblement national. « Il faut surtout se demander qui a accepté que, durant de très longs mois, il puisse courir les plateaux de télévision en dénonçant à chaque fait divers, la « voyoucratie », l’incompétence de la justice ou l’immigration rampante, outrepassant le périmètre de son mandat électif. J’en veux aux hauts responsables qui ont accepté tacitement de laisser faire ce policier syndicaliste », écrit-elle encore.

Bruno Retailleau a-t-il cédé aux demandes du RN et d’Alliance ? Contactés par 20 Minutes, les responsables du syndicat de police n’ont pas souhaité s’exprimer. Une source au sein de l’organisation estime simplement qu’il s’agit d’un « fantasme ».

« C’est faux », a réagi auprès de 20 Minutes l’entourage du ministre de l’Intérieur. Selon cette source, Bruno Retailleau n’a « rien reçu à ce stade en tout cas », ni du parti d’extrême droite, ni du syndicat de police. Auprès de l’AFP, une source place Beauvau indique que Camille Chaize, qui envisageait de se diriger vers de nouvelles fonctions depuis plusieurs mois, a « d’elle-même considéré » que son livre « n’était pas compatible avec son devoir de réserve ». Elle a donc démissionné de sa fonction de porte-parole, mais est toujours en poste à la Dicom, le service de communication du ministère de l’Intérieur.

Également sollicité par 20 Minutes, le service de communication de la police n’a pas souhaité s’exprimer.

* « Porte-parole », de Camille Chaize et Matthieu Sapin, éditions Novice, 22,90 euros