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Le Sdrif-e, feuille de route de la région Ile-de-France, sous les critiques

C’est le document maître de tous les plans locaux d’urbanisme et autres schémas d’aménagement du territoire francilien : le « Sdrif », le schéma directeur de la région Île-de-France, a été présenté début avril par la région Ile-de-France. Mais son contenu est jugé trop timoré par les associations environnementales regroupées au sein de France Nature Environnement Ile-de-France, qui rend public mercredi 17 mai un livre blanc analysant la première version de ce document phare en matière d’environnement et d’urbanisme, que nous vous livrons en avant-première.

« Les orientations sont extrêmement générales et manquent d’ambitions, sans indications d’objectifs chiffrés et précis » critique le livre blanc, que 20 Minutes s’est procuré. « On a besoin d’un Sdrif plus prescriptif, sinon on aura le même résultat que le document de 2013, avec des grands principes qui ne se réalisent pas, explique Luc Blanchard, coprésident de FNE Île-de-France. Dans le Sdrif de 2013 on indiquait qu’il fallait que les entrepôts logistiques s’installent le long des voies ferrées ou des fleuves mais ce n’est pas ce qui s’est passé. Si les objectifs ne sont pas assortis de mesures contraignantes, cela reste des beaux discours ».

Bétonner moins, ou beaucoup moins

Quant aux objectifs chiffrés qui sont donnés, ceux-ci sont jugés trop timorés par FNE Ile-de-France, à l’image de l’objectif de réduction de la consommation d’espaces de 20 % par décennie (c’est-à-dire, que le rythme de progression soit ralenti de 20 %), alors que l’objectif national de réduction du rythme d’artificialisation se situe à 50 % en 2030. « La véritable préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers nécessite une stratégie de réduction d’artificialisation beaucoup plus ambitieuse, qui limite la possibilité de compenser en détruisant des sols riches et fonctionnels », estime FNE dans son livre blanc.

Impossible pour Jean-Philippe Dugoin-Clément, vice-président de la région Ile-de-France chargé du Logement et de l’Aménagement. « On est déjà la région la plus vertueuse d’Europe. L’ile-de-France c’est moins de 5 % de l’espace artificialisé de France pour 31 % du PIB et 18 % de la population. Si on avait le taux d’artificialisation moyen des autres régions, ce serait l’intégralité du territoire qui serait bétonné. On a déjà fait des efforts de compactage de notre urbanisation… 75 % du territoire est classé en zone agricole naturelle et forestière et on ne descendra pas en dessous de 75 % en 2040 », fait valoir l’élu.

Un objectif de construction « irraisonné » ?

Autre critique de FNE, l’objectif de production de 70.000 logements, pourtant inscrit dans la loi, « ne semble pas compatible avec l’atteinte du ZAN [Zéro Artificialisation Nette] en 2050 », estime FNE Ile-de-France. La démarche Zan consiste à réduire au maximum l’extension des villes en limitant les constructions sur des espaces naturels ou agricoles et en compensant ces constructions par de nouvelles plantations et elle est inscrite dans le Plan biodiversité du gouvernement, adopté en 2018. « Le chiffre de production de 70.000 logements est artificiel au vu de l’augmentation annuelle de 50.000 nouveaux habitant.e.s dans la région et de la composition des ménages qui est de 2,3 personnes depuis 2006 », justifie FNE dans son document, alors que Luc Blanchard admet que sans ce chiffre, le Sdrif aurait tout simplement été retoqué.

« C’est un objectif légal, c’est la loi sur le Grand Paris, notre document doit être conforme à la loi et cela correspond à un besoin de logements, justifie Jean-Philippe Dugoin-Clément. On est dans une région qui fait face à une crise du logement sans précédent, la gélifier serait une catastrophe sociale. On ne veut pas mettre les gens en situation de ne pas se loger. Et à nombre de Franciliens identiques on aura besoin de plus de logements en raison de la décohabitation. » Selon le vice-président de la région, le Sdrif-e fixe en outre un objectif de 90 % de nouveaux logements en « recomposition urbaine », c’est-à-dire, construits sur des espaces déjà artificialisés. En clair, pas sur des espaces naturels.

Environnement VS Economie

Pour Jean-Philippe Dugoin-Clément, la difficulté du Sdrif est qu’il doit concilier nombre d’impératifs, souvent contradictoires. En l’occurrence, il fonctionne avec « deux piliers, environnemental et économique », et pour chacun de ces aspects, des « lobbys des deux côtés qui sont maximalistes ». « On ne pourra jamais donner satisfaction intégrale à tout le monde », estime l’élu. Du côté de FNE, « la recherche d’attractivité et de développement économique de la Région Île-de-France est envisagée sans prendre en compte l’urgence écologique et climatique », qui devrait primer, compte tenu de la gravité de la situation. En témoigne selon l’association par exemple l’une des orientations du Sdrif, qui ne fixe aucune réduction du trafic des plateformes aéroportuaires.

Le débat n’est de toute façon pas fini, les citoyens et citoyennes peuvent encore y contribuer jusqu’au 31 mai sur la plateforme de concertation en ligne. Le document fera encore l’objet de modifications, avant d’être soumis au vote des élus début juillet.