France

« Le premier qui bouge est gay »… C’est quoi ce défi homophobe auquel jouent les collégiens ?

L’homophobie ordinaire jusque dans les cours d’école. Derrière un « jeu » d’enfant, devenu viral à cause de TikTok, « être gay », c’est perdre un défi lancé entre copains. « Si tu bouges, t’es gay » est la nouvelle distraction des enfants en primaire et au collège. Si le jeu est aussi enfantin qu’« 1,2,3 soleil », la portée des mots n’a rien d’innocent.

En quoi consiste ce jeu ?

Le principe du « jeu » est simple. Après qu’une personne lance la phrase : « Le premier qui bouge est gay », tout le groupe doit s’immobiliser pour ne pas être « traité » d’homosexuel, jusqu’à ce que l’un d’entre eux finisse par bouger avant d’essuyer des rires et parfois des moqueries.

Ce défi s’est imposé depuis la rentrée dans les cours d’école et de collèges après la mondialisation de la trend lancée par Alfonsopinpon, un tik-tokeur au million de followers.

Sur l’application, le créateur de contenu arrêtait des passants pour leur poser une question simple « Anglais ou Espagnol ? » puis enchaînait avec la phrase devenue référence dans les cours de récréation : « Si tu bouges, tu es gay ». La trend avait été tellement suivie que même Zlatan s’était prêté au jeu. Quelques mois après, elle a fait sa rentrée à l’école.

Comment les enfants s’en amusent-ils ?

Comme toute tendance d’internet, les plus jeunes ont fini par se l’approprier. « On joue tout le temps à ça. En classe, pendant la récré », témoigne Léonie, une collégienne de 12 ans, dans le Sud-Ouest. « Parfois, on change de phrase, comme  » si tu t’assoies, t’es gay  ». Après, on bouge vite finalement et on reprend le cours de notre journée. »

Selon la collégienne, ce petit jeu est arrivée dans son établissement à la rentrée mais commence à s’essouffler, à la manière de son éphémère ancêtre « The floor is lava ». « Il y en a qui en abusent. Au début, c’est marrant parce que faut tenir le plus longtemps, mais bon, c’est toujours la même chose », souffle Baptiste, après ses cours dans son collège de la banlieue toulousaine. « Mais, ça nous occupe pendant certains cours ».

Les jeunes ont-ils conscience de la portée homophobe ?

Les deux jeunes collégiens n’assimilent pas leur comportement à de l’homophobie. « C’est juste un jeu entre camarades, on n’a pas de problème avec les couples gays », justifie Léonie. « Mais on n’a pas envie quand même d’être le premier à bouger. Sinon toute la classe se moque de toi », tempère Baptiste.

« C’est difficile d’isoler ce jeu. C’est davantage le symptôme d’une homophobie ancrée dès la jeunesse », estime tout de même, auprès de 20 Minutes, Stéphane Clerget, pédopsychiatre, auteur de « Comment devient-on homo ou hétéro ? ». Selon le spécialiste, le fait d’être gay est aujourd’hui acquis depuis la primaire et c’est une avancée. « Mais cela reste péjoratif. Il y a une résistance de l’homophobie dès l’enfance ». Ce jeu ne peut donc pas être isolé dans une « simple blague sans conséquence ni cause. » Plus encore, « ça n’aide pas les enfants qui peuvent être gays à s’épanouir dans une classe ou une communauté s’ils sont pointés du doigt comme ça. C’est pourtant un âge où on se construit, socialement et sexuellement », précise le pédopsychiatre.

Qu’est-ce que ce jeu révèle des cours de récréation ?

Reflet de la société, ce jeu est surtout lancé par des garçons en classe. « Les jeux moteurs sont masculins à cet âge-là. Les filles entrent déjà dans les jeux verbaux. Ils sont donc davantage lanceur de ces défis  »on bouge, on ne bouge pas ». Qui plus est, les contenus homophobes sont relayés surtout par des garçons. Les filles se sentent moins menacées et plus tolérantes car une fille homosexuelle ne sera pas dégenrée contrairement à un garçon qui sera estimé moins masculin s’il est homosexuel », développe le docteur Stéphane Clerget.

En outre, donc, par peur et préjudice, les propos homophobes, à l’école comme chez les adultes sont véhiculés et entretenus par les garçons. « On voit chez les jeunes se reproduire le discours parental, bien évidemment mais aussi une partie de la pensée sociétale. Mais ce jeu peut être, finalement, un outil pour aborder et travailler contre l’homophobie », conclut le pédopsychiatre.