« Le peuple américain est le cobaye » de la « purge » de Trump et Musk contre les fonctionnaires
L’administration de Donald Trump a lancé une vague de licenciements sans précédent dans la fonction publique fédérale, entraînant le départ forcé de milliers d’employés. Derrière cette réforme brutale, Elon Musk, chargé de restructurer les agences fédérales à travers le Département de l’efficacité gouvernementale (Doge). Entre indignation et mobilisation, les travailleurs concernés dénoncent une attaque politique contre le service public et ses missions essentielles.
Depuis son retour à la Maison-Blanche, Donald Trump a supprimé plus de 20.000 emplois fédéraux en l’espace d’un mois. Mais ce chiffre pourrait atteindre 300.000 postes, ce qui en ferait l’un des plus grands plans de licenciements de l’histoire des Etats-Unis. Nombre de ces travailleurs étaient en période probatoire et n’ont bénéficié d’aucune protection contractuelle. La « purge » a été orchestrée par Elon Musk, nommé « employé spécial du gouvernement » par la Maison-Blanche, et qui applique aux agences fédérales la même logique de coupes drastiques qu’il avait imposée chez X.
La colère des fonctionnaires licenciés
Lors de son discours devant le Congrès, Donald Trump a justifié ces licenciements en affirmant que de nombreux fonctionnaires ne travaillaient pas réellement. « Nous avons des centaines de milliers d’employés fédéraux qui ne se présentent pas au travail », a-t-il déclaré sous les applaudissements de ses partisans, rapporte NBC Washington. Des propos qui ont scandalisé les travailleurs concernés.
Face à cette vague de licenciements, plusieurs anciens employés fédéraux ont organisé une conférence de presse virtuelle, parrainée par leur syndicat, pour dénoncer les attaques contre la fonction publique. Selon NBC Washington, Chris Wicker, ancien directeur adjoint de la Small Business Administration dans le Minnesota, a pris la parole pour alerter sur les conséquences de ces coupes budgétaires. « Ce qui se passe en ce moment, c’est une immense expérience scientifique, et le peuple américain en est le cobaye », a-t-il dénoncé. « Derrière chaque fonctionnaire licencié, il y a un vétéran en attente de prestations, un bénéficiaire de la Sécurité sociale avec un problème, un entrepreneur qui ne sait plus à qui s’adresser. »
Hécatombe dans toute l’administration
Tiffany Montes, ex-employée du National Park Service, a témoigné de son désarroi face à la destruction d’opportunités professionnelles dans le secteur public. « Mes parents ont immigré aux Etats-Unis pour poursuivre le rêve américain. J’espérais pouvoir faire de même », a-t-elle déclaré à NBC. « Mais comment dire que le rêve américain est de retour, alors que tant d’étudiants s’inquiètent de ne jamais pouvoir accéder au métier qu’ils souhaitent exercer ? »

Allison Lacko, qui travaillait pour le programme fédéral de nutrition au sein du Département de l’Agriculture, a rappelé que ces licenciements ne frappent pas des employés incompétents, mais des experts dans leur domaine. « Il y a un mythe qui dit que les employés en période probatoire sont des débutants. C’est faux. Nous sommes nouveaux dans le gouvernement, mais nous sommes des experts », a-t-elle aussi expliqué à NBC. « J’ai un doctorat en nutrition, et j’apportais des compétences spécifiques pour évaluer la politique nutritionnelle. »
Des secteurs essentiels également touchés
Des témoignages recueillis par The Guardian montrent que cette « purge » touche des domaines essentiels de la fonction publique, des sciences à l’environnement, en passant par l’éducation et la protection du patrimoine. Une scientifique spécialisée dans la durabilité alimentaire raconte avoir été licenciée seulement dix semaines avant la fin de sa période probatoire, un sort partagé par de nombreux chercheurs. « C’est une perte immense pour la science, car ces chercheurs vont partir dans le privé. Le public ne saura jamais ce qu’il a perdu », confie-t-elle.
Dans les services environnementaux, les conséquences s’annoncent désastreuses. Une éducatrice de l’Oregon, employée par le service des forêts, explique comment ces suppressions d’emplois vont impacter l’accès aux parcs nationaux et la préservation des espaces naturels. « Nous organisions des sorties scolaires, ce qui permettait aux enfants, notamment ceux issus de milieux défavorisés, de découvrir la nature. Sans nous, ces activités n’existeront plus », déplore-t-elle.
Vers une longue bataille juridique
Ces licenciements massifs ne se sont pas arrêtés là. Elon Musk a exigé que tous les employés restants détaillent leurs tâches quotidiennes sous peine d’être eux aussi renvoyés, une directive qui a été ignorée par plusieurs agences fédérales. Ce que confirme Daniela*. Installée à Las Vegas et télétravaillant pour les services d’immigration, elle explique à 20 Minutes qu’elle reçoit un e-mail lui demandant ce qu’elle a fait dans la semaine tous les vendredis. « J’ai aussi reçu un e-mail me proposant de quitter mon poste comme tant d’autres. Mais ma superviseuse m’a dit que ce n’était pas légal, alors j’ai décidé de ne rien faire », indique-t-elle.
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Devant la brutalité de ces décisions, des syndicats et des groupes de défense des travailleurs ont engagé des actions en justice contre l’administration Trump, l’accusant d’avoir abusé des périodes probatoires pour éliminer des postes de manière illégale. « Nous sommes des millions à avoir choisi le service public par vocation », insiste Paul Osadebe, représentant syndical de l’AFGE, dans une déclaration relayée par NBC. « Et aujourd’hui, on nous empêche de faire notre travail, simplement pour que des milliardaires s’enrichissent encore plus. »
*le prénom a été modifié