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Le fantasme féminin : un territoire de tous les possibles

Selon Le Robert, un fantasme est une « idée, [une] représentation imaginaire suggérée par l’inconscient ». Les sondages mettent en évidence que les fantasmes ultimes des Français incluent faire l’amour avec une personne célèbre, un ou une inconnu(e), ou plusieurs partenaires, sur une plage déserte ou dans un avion.


C’est quoi un fantasme ? Selon Le Robert, c’est une « idée, [une] représentation imaginaire suggérée par l’inconscient ». Il s’agit donc d’une pensée très personnelle. Selon des sondages, faire l’amour avec une personne célèbre, un ou une inconnu(e), ou plusieurs partenaires, sur une plage déserte ou dans un avion, figurent parmi les fantasmes les plus courants des Français. Mais d’où proviennent ces fantasmes ? Sont-ils issus de l’imaginaire de chacun ou de l’imaginaire collectif ? Dans son ouvrage *Fantasmes au féminin : Laissons vivre nos imaginaires*, Maud Serpin aborde ces questions, en brisant les tabous, en remettant en question les clichés, et en élargissant un territoire (érotique) bien plus vaste.

Intervenante au Salon de la littérature érotique, prévu le 30 novembre à La Bellevilloise (Paris 20e), Maud Serpin va explorer le fantasme sous un angle 100 % féminin. Non pas pour le genrer, mais pour le libérer des schémas patriarcaux qui l’ont longtemps contraint. Selon l’autrice et coach professionnelle, il s’agit en premier lieu d’une pensée, d’un imaginaire, libre et intime. Cet imaginaire peut aller d’un contact avec une texture, comme du velours, à une fessée – et même au-delà, si l’imagination s’abandonne à ses propres désirs, sans peur, sans honte et sans culpabilité.

À travers des récits et témoignages de femmes de tous horizons, y compris des professionnelles de l’érotisme, Maud Serpin démontre comment le fantasme, lorsqu’il est exploré librement, peut contribuer à l’épanouissement personnel et sexuel. Interview.

**Pourquoi avoir choisi un point de vue spécifiquement féminin ?**

Le monde érotique a été, pendant des siècles, façonné par des hommes pour des hommes. Dans ce contexte, la femme est souvent perçue comme un objet de désir, et non comme un sujet. « Au féminin », c’est un espace pour les femmes qui ne se sentent pas en adéquation avec ces imaginaires, mais aussi pour celles qui, bien que se sentant en phase, peinent à l’intégrer dans leur vie. Par exemple, cela pourrait concerner une féministe qui apprécie la fessée et ne sait pas comment gérer ce fantasme. Enfin, cela s’adresse également aux femmes qui croient n’avoir aucun fantasme, alors qu’une simple caresse sur la nuque en est un.

**Les sondages placent souvent les lieux insolites et le plan à trois en tête des fantasmes préférés. Est-ce aussi simple que ça ?**

Je déplore une vision très codifiée du fantasme, où tout est étiqueté comme sur les sites de pornographie. Le fantasme est souvent confondu avec une pratique ou un contexte spécifique, ce qui le rend d’une définition très étroite. À mes yeux, le fantasme devrait s’inscrire dans un domaine beaucoup plus large, celui de l’imaginaire, de la pensée libre et sauvage. C’est un moment de rêverie qui génère du plaisir, mais pas nécessairement l’orgasme. Le fantasme peut se manifester durant un acte sexuel, une masturbation, ou même lors d’une réunion ennuyeuse.

**Certains fantasmes sont sources de culpabilité pour les femmes, que ce soit pour des raisons de bienséance, d’éducation ou de valeurs. Comment expliquer cela ?**

Parmi les femmes que j’ai interviewées, beaucoup n’ont jamais réalisé qu’elles avaient droit à cet espace d’exploration. Il existe également une confusion persistante entre fantasmer et désirer réaliser ses fantasmes. L’adultère, par exemple, est souvent vu comme un fantasme transgressif et dangereux pour le couple. Pourtant, il y a une grande différence entre imaginer une liaison avec un autre partenaire et vouloir la concrétiser, et c’est un fantasme très répandu. De nombreux sexothérapeutes affirment que les femmes se sentent fréquemment coupables d’avoir de tels fantasmes, alors qu’il n’y a rien d’anormal à cela.

**Pourquoi est-il important de fantasmer ?**

Tout simplement parce que notre cerveau est l’un des principaux organes sexuels. Être conscient de ce que l’on aime, de ce que l’on désire et de ce qui occupe notre esprit amène du plaisir et contribue à l’épanouissement sexuel. Connaître ses fantasmes permet également de choisir de les partager ou non en relation. Cela crée une dynamique bénéfique au couple. En fin de compte, cela aide à être mieux avec soi-même et/ou avec les autres.

**Finalement, c’est quoi un fantasme ?**

C’est un territoire bien plus vaste qu’on ne l’imagine. Cela peut inclure le regard d’un voisin, une caresse sur le mollet, des jeux de pouvoir, une fessée… Il n’existe pas de bon ou mauvais fantasme, donc il ne faut pas culpabiliser les femmes ayant des fantasmes considérés comme transgressifs ou inscrits dans des récits patriarcaux. Le fantasme est fondamentalement une pensée libre, qui nous appartient, un domaine non marchand où nous pouvons imaginer ce que l’on souhaite. J’encourage les femmes à cultiver leurs fantasmes, quels qu’ils soient, car cultiver l’érotisme, c’est comprendre ce qui nous plaît.