Le concept de « naked roads » : dépouiller les routes de signalisation, ça fonctionne-t-il ?
Les premiers panneaux de signalisation ont été installés sur les routes de France en 1902 et l’on n’en dénombrait que quatre différents. La commune allemande de Böhmte a supprimé tous ses feux de circulation et ses panneaux de signalisation en 2008.
Les premiers panneaux de signalisation ont été installés sur les routes françaises en 1902, avec seulement quatre types différents indiquant un croisement, un virage serré, un dos-d’âne et un passage à niveau. Cent ans plus tard, leur nombre a considérablement augmenté pour atteindre 384, et environ 600 aujourd’hui, répartis en 24 catégories. Alors que le nombre de panneaux augmentait, la mortalité routière a, quant à elle, diminué, passant de 15.036 décès en 1970 à 3.193 en 2024. Bien qu’il soit erroné de conclure à un lien de cause à effet, les défenseurs des « naked roads » affirment que la suppression de la signalisation pourrait réduire les accidents. Ce concept sera expliqué ci-après.
Louis Sarkozy, candidat aux élections municipales à Menton, ne prétend pas être l’auteur du concept de « naked roads » qu’il souhaite mettre en œuvre s’il est élu. Il attribue la paternité de cette idée à l’ingénieur urbaniste néerlandais Hans Monderman, qui a développé le concept plus général d’« espace partagé », dans lequel s’inscrit celui de la « route nue ». Selon l’ONG Project for Public Spaces, l’idée de Monderman consistait à éliminer la signalisation horizontale (marquages au sol) et verticale (panneaux, feux) pour inciter les usagers de la route à interagir entre eux plutôt qu’à réagir uniquement en fonction de la signalisation.
Cette approche rejoint, dans une certaine mesure, les travaux des penseurs libertariens sur la sécurité routière. Le parti libertarien (PLIB) déclare que « la liberté contractuelle et la responsabilité individuelle sont, en matière de sécurité routière comme dans d’autres domaines, bien plus légitimes et efficaces que la contrainte étatique ». Résumant la perspective de l’économiste Pascal Salin, les libertariens soutiennent que « si les accidents de la circulation ne sont pas infiniment plus nombreux qu’ils ne le sont en réalité, ce n’est pas à cause de la prévention ou de la répression étatique, mais parce qu’une large majorité d’individus est consciente de sa responsabilité et tend à se montrer responsable ».
Le concept de « naked roads » ne remet pas en question le rôle de l’État dans la garantie de la sécurité routière. En revanche, la théorie de Monderman se concentre sur la responsabilisation et le bon sens des usagers plutôt que sur la signalisation. La première expérimentation de sa théorie, en 1982 dans le village d’Oudehaske, aux Pays-Bas, a démontré une efficacité supérieure à celle de la signalisation, entraînant une réduction de la vitesse des véhicules de 40 %, selon le *Times*.
D’autres expérimentations des « naked roads » ont eu lieu, au-delà des Pays-Bas et même de l’autre côté de l’Atlantique. En 2003, l’Union européenne a lancé le projet « shared space », dont l’objectif était « d’aboutir à une modification volontaire du comportement de tous les utilisateurs des espaces publics en s’appuyant sur un aménagement approprié du trafic ».
Dans ce cadre, la commune allemande de Böhmte a supprimé tous ses feux de circulation et panneaux de signalisation en 2008. Les usagers de la route n’avaient à respecter que deux règles : ne pas dépasser 50 km/h et céder la priorité à droite. Après trois semaines, aucun accident n’était survenu, alors qu’il y avait au moins un accident grave par semaine auparavant, s’est félicité le maire auprès du *Telegraph*.

