France

Le choix obligatoire entre « monsieur » et « madame » sur un formulaire disparaît, après une décision de la Cour de l’UE

C’est pour Étienne Deshoulières, l’avocat qui a porté l’affaire en justice, une « décision historique ». La SNCF n’aura plus le droit d’exiger de ses clients qu’ils cochent obligatoirement la case « monsieur » ou « madame » sur les formulaires en ligne lors de l’achat d’un billet de train, vient de décider la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE). Et par voie de conséquence, toutes les autres entreprises et administrations également, sauf celles pour lesquelles il y a un intérêt strict à le faire, par exemple pour bénéficier de soins de santé spécialisés.

« L’identité de genre du client n’est pas une donnée nécessaire pour l’achat d’un titre de transport », estime la Cour dans un communiqué, qui rappelle que « les données collectées doivent être adéquates, pertinentes et limitées à ce qui est nécessaire au regard des finalités pour lesquelles elles sont traitées ».

227 euros d’amende

Pour Mousse, c’est une victoire. « Les entreprises et les administrations des 27 États de l’Union européenne devront donc changer leurs formulaires. » L’association avait porté l’affaire en justice en janvier 2021 d’abord auprès de la Cnil, après le refus de la SNCF de modifier ses formulaires. Mais quelques mois plus tard, la CNIL avait considéré que la plainte de Mousse était infondée et l’association avait porté l’affaire devant le Conseil d’Etat, lui demandant de renvoyer l’affaire devant la CJUE pour clarifier une difficulté d’interprétation du règlement général de protection des données personnelles (RGPD).

L’association cite dans un communiqué de presse le cas d’une passagère en transition de genre qui avait dû s’acquitter de 227 euros d’amende parce que l’identité de genre figurant sur sa carte d’identité et son billet ne correspondait pas à son apparence physique.

« Cela prolonge le mouvement de désexuation de la société »

La Cour invite la SNCF à privilégier une communication inclusive, au lieu d’un choix binaire. « L’entreprise ferroviaire pourrait opter pour une communication reposant sur des formules de politesse génériques, inclusives et sans corrélation avec l’identité de genre présumée des clients, ce qui constituerait une solution praticable et moins intrusive », écrit la Cour dans le communiqué.

« L’impact va être considérable pour toutes les personnes qui collectent des données de genre ou civilité, estime le professeur de droit Benjamin Moron Puech, spécialiste de droit des minorités à l’Université Lumière – Lyon-2, qui note que c’est la première fois qu’une juridiction internationale parle de « communication inclusive ». « Cela prolonge le mouvement global de désexuation de la société », ajoute-t-il.

Mousse estime par ailleurs que cette décision pourrait avoir « des conséquences pratiques très importantes, qui pourraient aboutir à la reconnaissance du sexe neutre et du mariage homosexuel dans les 27 États de l’Union européenne. » Mais ce point de vue ne fait pas l’unanimité. « Il n’y a rien dans la décision qui laisserait penser que la cour reconnaisse les personnes non-binaires », estime Benjamin Moron Puech.