France

« L’augmentation du versement mobilités est incontournable », martèle Grégoire de Lasteyrie, vice-président d’IDFM

Qui va financer les transports en commun franciliens ? La question agite la sphère politique depuis quelques mois avec comme climax le passage début janvier du prix du Pass Navigo de 75,20 à 84,10 euros. Une étude de l’Institut Paris Région révèle quelques pistes, déjà évoquées lors des Assises du financement des transports franciliens 2024-2030, qui se sont déroulées en janvier. Parmi elles, celle d’une « taxe Amazon », qui prélèverait une contribution sur les livraisons de colis en Île-de-France ou le retour dans la lumière de l’écotaxe pourraient retenir l’attention d’Île-de-France Mobilités.

Mais pour Grégoire de Lasteyrie, vice-président de l’autorité régulatrice des transports en commun franciliens et maire Horizons de Palaiseau (Essonne), « l’augmentation du versement mobilités est incontournable ». Avant d’envisager de quelconques taxes « complémentaires », l’élu enjoint l’Etat à débloquer « cette première source de financement des transports en Île-de-France, à hauteur de 5,6 milliards en 2022 ». Ce qui nécessite « une autorisation de la loi ».

Quelles pistes de cette étude baptisée « Financement de l’exploitation des transports collectifs en Île-de-France » vous ont-elles particulièrement marquées ?

Grégoire de Lasteyrie : Le sujet du financement des transports est absolument crucial et cette étude devrait nous permettre de passer en revue l’ensemble des mesures de financement, d’évaluer les recettes pour chacune et d’en saisir les opportunités. Par exemple, sur la TICPE, c’est peut-être une bonne idée sur le plan fiscal, mais politiquement, en post-crise « gilets jaunes », ça l’est bien moins. La contribution sur la livraison de colis en Île-de-France est, elle, particulièrement intéressante. Aujourd’hui, il y a une forte hausse du nombre de colis et les livrer pollue. C’est une piste qui peut être complémentaire. Imaginer que toute l’économie de la petite logistique, type Amazon, permette de financer les transports en commun est à mon sens un cercle vertueux.

De même, l’écotaxe pourrait être une solution complémentaire : les camions abîment 100 fois plus les routes que les autres véhicules. A l’heure de l’urgence écologique, demander à ces camions, dont la majorité est en transit en Île-de-France de payer un impôt qui financerait les transports en commun, c’est une option envisageable.

Aujourd’hui, on peut retenir un panier de mesures, qui pourra s’avérer nécessaire, mais la priorité, c’est d’augmenter le versement mobilités.

Comment comptez-vous y parvenir ?

Grégoire de Lasteyrie : Les transports en commun d’Île-de-France sont aujourd’hui financés par trois sources principales. Les collectivités, dont la Région, la ville de Paris et les départements, ont financé 1,4 milliard d’euros en 2022, les usagers, via les recettes tarifaires, 3,6 milliards d’euros et le versement mobilité, cet impôt que paient les sociétés franciliennes, bien différent du remboursement entreprise, 5,6 milliards d’euros.

En 2023, les deux premiers ont été augmentés car aujourd’hui, il faut financer des coûts d’énergie qui explosent notamment. En revanche, le versement mobilité, qui nécessite de passer par la loi, n’a pas bougé. En 2022, Île-de-France Mobilités avait alerté bien en amont mais comme notre budget n’a pas le droit d’être en déséquilibre, la seule variable d’ajustement, à la toute fin, a été une hausse du prix du pass Navigo pour les usagers. Jusqu’au dernier moment, on a espéré que le verrou législatif du versement mobilité soit levé.

On a besoin de réponses rapides, le ministre des Transports s’est engagé lors des assises à présenter des propositions d’ici au mois de mai-juin. C’est tardif parce que les pistes sont sur la table depuis janvier. On attend désormais des réponses concrètes.

Pourquoi table-t-on sur des besoins supplémentaires de l’ordre de 800 millions d’euros en 2024 et jusqu’à 2,6 milliards en 2030 pour le financement des transports d’Île-de-France ?

Grégoire de Lasteyrie : En plus de la hausse des coûts de l’énergie et de l’inflation, le réseau de transports franciliens est en forte expansion, avec notamment 300 kilomètres de voies ferrées en plus dans les années à venir. Or, si le Grand Paris Express, tel qu’il a été pensé à l’origine, permet de financer sa construction, la question du financement de son exploitation n’a pour l’heure pas été tranchée. Les lignes 15, 16, 17, 18 pour Île-de-France Mobilités, ça va être 1 milliard de plus par an à financer. Ça ne pourra pas se traduire uniquement par des recettes tarifaires en plus sous prétexte qu’il y aura plus de détenteurs du Pass Navigo.

Les usagers doivent-ils d’ores et déjà s’attendre à une nouvelle augmentation importante du Pass Navigo pour 2024 ?

Grégoire de Lasteyrie : Aujourd’hui, notre sujet n’est pas l’augmentation du prix du Pass Navigo mais bien les recettes que le gouvernement met à disposition d’Île-de-France Mobilités pour résoudre les sujets de financement des transports en commun. Il ne faut pas se tromper de débat.

A Palaiseau, en grande couronne, commune où je suis maire, 70 % des actifs vont au travail en voiture. La marge d’amélioration est grande et la solution, c’est d’améliorer l’offre de transports en commun et les financer. Particulièrement à l’heure de l’urgence écologique.