Label pour les médias : soutien d’Emmanuel Macron, rejet de la droite.
Jordan Bardella décrit un projet comme « extrêmement dangereux », tandis qu’Éric Zemmour déclare que « nous ne nous laisserons pas bâillonner ». Le 30 novembre, le Journal du Dimanche a publié un titre concernant Emmanuel Macron et une proposition de labellisation des médias, faisant référence à une déclaration du président le 19 novembre devant les lecteurs de La Voix du Nord.
Jordan Bardella considère ce projet comme « extrêmement dangereux ». Éric Zemmour affirme quant à lui que « nous ne nous laisserons pas bâillonner ». Bruno Retailleau, président des Républicains, déplore « une dérive inquiétante » et un « ministère de la Vérité ». Son parti a même lancé une pétition ce mardi pour dénoncer « une dérive dangereuse et scandaleuse ». Toutes ces réactions font suite à la Une du Journal du Dimanche.
Le 30 novembre, le journal, détenu par Vincent Bolloré, affichait le titre : « Emmanuel Macron, vers un contrôle de l’information ». Celui-ci faisait référence à une proposition de labellisation des médias, présentée par le président de la République le 19 novembre devant les lecteurs du quotidien régional La Voix du Nord. En réponse à une question d’un lecteur sur l’éducation aux médias, le président avait alors précisé : « Ce n’est pas à l’État de dire, parce qu’il faut faire attention, c’est pas le Gouvernement ou l’État qui peut dire, » ceci est une information, ceci n’en est pas « . On n’a pas non plus envie de tomber là-dedans, parce que ce n’est pas ça, une démocratie. […] Par contre, je pense que c’est important qu’il y ait une labellisation faite par des professionnels qui puisse dire ceci correspond à la déontologie de gens qui manipulent de l’information. »
Une proposition issue des Etats généraux de l’information
Bien que cette idée de label soit portée par le président de la République lors de ses interventions publiques, elle ne provient pas d’une initiative de l’Elysée. Emmanuel Macron reprend en fait une proposition des Etats généraux de l’information, comme il l’a expliqué aux lecteurs de La Voix du Nord. Promesse de campagne, ceux-ci avaient débuté en octobre 2023. Ils réunissaient journalistes, citoyens et associations, et étaient d’abord présidés par Christophe Deloire, président de Reporters sans frontières. Après son décès, Bruno Patino, alors président d’Arte, avait pris la direction de cette initiative. Ni Rima Abdul Malak, ni Rachida Dati, les ministres de la Culture de cette période, n’ont participé aux discussions, selon Le Monde.
Des recommandations, pas des obligations
En septembre 2024, les participants aux Etats généraux ont rendu leurs conclusions : un rapport de 350 pages contenant une série de recommandations – et non des obligations – sur le financement des médias ou leur indépendance. Parmi ces propositions se trouve celle d’une labellisation des médias visant à promouvoir une information de qualité. Cette initiative est née dans un contexte où des entrepreneurs créent des sites d’informations faux générés par intelligence artificielle pour capter les revenus publicitaires ou où des acteurs étrangers établissent de faux sites d’informations locales pour faire valoir leurs narratifs.
Une autoévaluation en ligne
La proposition de labellisation s’inspire d’un programme lancé en 2019 par l’association Reporters sans frontières, l’Agence France Presse, l’Union européenne de radio-télévision et le Global Editors Network. Intitulé « Journalism Trust initiative » [initiative pour la confiance dans le journalisme], celui-ci évalue « la transparence des médias, l’indépendance éditoriale, la mise en œuvre de méthodes journalistiques et le respect de règles déontologiques », expliquent les auteurs du rapport. Aucun média n’est contraint de rejoindre cette initiative. Les médias intéressés doivent remplir un questionnaire de 130 questions sur leur fonctionnement. Cette autoévaluation est ensuite mise à disposition sur le site de l’initiative. Les médias volontaires peuvent renforcer cette certification en se soumettant à l’évaluation d’une entreprise de conseil qui vérifie leur conformité aux critères établis. L’évaluation obtenue est valable deux ans.
Certifier le « fonctionnement interne » des médias, pas leurs contenus
Les auteurs du rapport des Etats généraux de l’information souhaitent « élargir et consolider » cette initiative en créant un « dispositif national de certification ». L’objectif est ici de « certifier le fonctionnement interne » des médias, en vérifiant par exemple qu’ils emploient des journalistes professionnels ou qu’ils s’attachent à la vérification des faits. Les critères ne sont pas tous figés dans ce rapport, qui précise toutefois que ce label ne doit pas vérifier les contenus journalistiques. Les critères « pourraient être définis par l’État en association avec les professionnels, le cas échéant en s’appuyant sur les indicateurs déjà formalisés dans la Journalism Trust Initiative », expliquent les auteurs du rapport.
La question de l’organisme qui délivrera la certification reste en suspens. Les auteurs suggèrent que celle-ci pourrait être accordée par « un organisme certificateur accrédité par le comité français d’accréditation », une structure chargée d’accréditer les organismes certificateurs en France. D’autres initiatives existent pour certifier le travail des rédactions. Depuis 2017, la rubrique de fact-checking de 20 Minutes est certifiée par l’International Fact-Checking Network, qui fait appel à des évaluateurs indépendants pour évaluer les médias selon des critères publics. Un réseau européen, l’European Fact-Checking Standards Network, existe également. Ces démarches fournissent des repères aux lecteurs face à l’essor des contenus à vocation informationnelle.

